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Pourquoi avoir beaucoup de choix peut-il être décourageant ?

Publié le 28/02/2019
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Bartolomé Sureda y Miserol, Francisco de Goya, 1804 | Google Art & Culture

Pourquoi avoir beaucoup de choix peut être décourageant

Deux chercheurs américains, Sheena. S. Iyengar et Mark R. Leeper, ont rapporté dans un article publié en 2000 dans le Journal of Personality and Social Psychology (When Choice is Demotivating: Can One Desire Too Much of a Good Thing ?), les résultats d’une expérience pour étudier le comportement des individus lorsqu’ils devaient prendre une décision alors que de nombreux choix leur sont offerts.  Leur objectif était de mettre en question la croyance commune selon laquelle plus on a de choix, mieux c’est. 

1. La première étude a montré que les consommateurs d’un magasin choisi pour la large variété des produits qu’il proposait étaient plus attirés par un stand de promotion proposant de goûter des confitures de 24 saveurs différentes plutôt qu’un même stand permettant de goûter des confitures de seulement 6 saveurs différentes.

-> Paradoxe, ces consommateurs étaient à la fin plus enclins à acheter un pot de confiture au stand comptant 6 saveurs seulement.

2. La deuxième étude a montré que des étudiants étaient plus enclins à écrire un essai contre des crédits universitaires supplémentaires si on leur proposait une liste de seulement 6 thèmes au choix, plutôt qu’une liste avec 30 thèmes au choix.

3. La troisième étude a montré que, sur un panel n°1 de consommateurs à qui l’on proposait de choisir des chocolats entre 30 saveurs, et sur un panel n°2 qui pouvait choisir entre seulement 6 saveurs différentes, le panel n°1 était plus heureux de ses possibilités de choix, mais qu’il était moins content de ses choix que le panel n°2, et plus enclin à choisir de l’argent plutôt que des chocolats comme compensation à la participation à l’expérimentation.

Si on suit le résultat de ces expérimentations, les individus sont plus motivés à s’engager lorsqu’un un large éventail de choix leur est offert, mais ils ont plus de mal à gérer les choix complexes et terminent plus mécontents de leur choix que lorsqu’un panel limité leur est proposé.

Plus les individus ont de choix, surtout lorsque ces choix sont similaires les uns aux autres, plus ils tendent à reporter la prise de décision, à chercher de nouvelles alternatives ou à choisir une option par défaut pour ne pas choisir. Plus il faut traiter d’information à propos de ces choix, moins les individus en traitent au moment de la prise de décision. Les capacités de sélection, d’évaluation et d’intégration des individus diminuent en fonction de l’augmentation du nombre d’alternatives. Cela pourrait signifier que les individus ont tendance à simplifier leur méthode de prise de décision devant des choix complexes en ayant recours à des schémas simples.

En effet, une autre étude a montré que 21% des gens utilisent des stratégies d’élimination quand trois options leur sont offertes, 31% quand ce chiffre monte à six…et 77% quand il y en a neuf !

En d’autres termes, il existerait en effet une « tyrannie du choix » : avoir beaucoup d’options peut être démotivant. Si, conformément à la doxa, les individus prennent plus de plaisir à la prise de décision lorsque les choix sont nombreux, ils se sentent néanmoins plus soucieux des conséquences du choix qu’ils vont faire (car ils en sont mécaniquement plus responsables : de nombreuses options nous sont offertes, alors il y en a « forcément » une bonne), ce qui peut créer de la frustration au moment même de la prise de décision et de l’insatisfaction le choix une fois fait. On peut supposer que le fardeau de la responsabilité de choisir entre les bonnes et mauvaises options s’accroît en fonction du nombre d’options. 

Plus les individus perçoivent le processus de prise de décision comme une opération nécessitant d’importantes connaissances, plus ils seront enclins à ne pas choisir et à laisser à un expert le pouvoir de choisir à leur place. 

Bref, si l’on suit Barry Schwartz, autre psychologue cité dans l’étude, plus la liberté de l’individu augmente dans le monde moderne, c’est-à-dire plus l’éventail de choix qui lui sont offerts s’accroît, plus il dépend d’autres personnes, des experts, ou des institutions, pour décider à sa place. D’un certain point de vue, on perd paradoxalement en liberté à mesure que s’étend l’éventail de ce que l’on peut choisir.