Définition
S’en aller en eau de boudin signifie : mal tourner, échouer, rater. Une affaire qui s’en va en eau de boudin ne réussit pas. On connaît aussi « tourner en eau de boudin » ou « finir en eau de boudin ». (À lire ici : quelle est l’origine de l’expression « sous l’égide de » ?)
Origine de l’expression « s’en aller en eau de boudin »
L’origine de cette expression est discutée. Le Dictionnaire des expressions et locutions (1979) propose deux hypothèses. La première, sur laquelle il est plus sceptique, la fait venir du fait que l’eau de boudin désignait autrefois l’eau dans laquelle on lavait le boyau qui doit entourer le boudin, ou l’eau qui suintait d’un boudin lorsqu’il se décompose, et qui n’avait que cet emploi trivial. C’est d’ailleurs l’explication donnée par le Littré (1863) :
Eau de boudin, eau dans laquelle on lave les tripes à boudin, et qui n’a aucune utilité.
La deuxième, qui a ses faveurs, fait appel aux sens archaïques d’ « eau » et de « boudin ». « Eau » désignait couramment avant le XVIIe siècle les excrétions liquides, et « boudin », le sexe masculin au XVIe siècle. « L’eau de boudin » serait donc une allusion licencieuse à l’urine masculine. Cela pourrait expliquer pourquoi le Dictionnaire de Furetière (1690) en fait une expression « basse » (vulgaire). Boudin, qui est lié au ventre ou au nombril comme tous les mots commençant par le radical bod- selon le Dictionnaire des expressions, pourrait être aussi une allusion scatologique.
Sylvie Claval et Claude Duneton n’acquiescent pas. L’ « eau » désignerait tout simplement le bouillon issu de la cuisson de la viande, ici de porc. L’eau de boudin serait tout simplement l’eau dans laquelle on a cuit les boudins, comme l’eau de poulet serait celle dans laquelle on cuit un poulet.
Les formes « aunes de boudin » et « os de boudin » sont considérées comme fantaisistes.
On trouve cette expression dans un livre de 1743 de Jean Rousset de Missy (1686 – 1762), L’Épilogueur :
La lenteur avec laquelle marche l’artillerie qui va au secours de l’Armée espagnole en Provence, ne laisse aucun lieu de douter, que ce ne sera pas encore pour cette saison que l’Espagne sera en possession de l’Italie et que les grands projets, qu’ils s’étaient formés, s’en iront comme on dit vulgairement, en eau de boudin.
Elle est employée pendant la Révolution française par Le Père Duchesne, journal de Jacques-René Hébert (1757 – 1794), qui n’hésite pas à employer des tournures populaires. Selon Hébert, ce qui va en eau de boudin, ce sont les complots contre-révolutionnaire (Michel Biard).
Exemples d’emploi :
Et la guerre ? Et les forfanteries de la perfide Albion tournant en eau en boudin ? Farce ! Farce !
C’est aussi une tristesse de se dire que toute cette jeunesse, toute cette joliesse, tout cette gaîté sautillante, finiront, bientôt, en eau de boudin…
Un prêt qui s’est malheureusement fini en eau de boudin : pas franchement titulaire, il s’est fait une entorse au genou droit en octobre qui l’a tenu écarté des terrains depuis.
À lire
- Michel Biard, Parlez-vous sans-culotte ?
- Sylvie Chantreau, Alain Rey, Dictionnaire des expressions et locutions
- Sylvie Claval et Claude Duneton, Bouquet des expressions imagées
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