Définition
Avaler des couleuvres signifie : « accepter un affront sans protester, subir une humiliation sans se plaindre. »
On dit qu’un homme a bien avalé des couleuvres, lors qu’on a dit ou fait devant luy plusieurs choses fascheuses qu’il se peut appliquer, ayant été cependant obligé de cacher le desplaisir qu’il en avoit.
Cette expression est synonyme de « boire le calice jusqu’à la lie ».
Origine de « avaler des couleuvres »
Le Robert rappelle le sens métaphorique d’avaler (subir, un affront par exemple), et rapproche couleuvre de « couleur », qui a pu signifier « fausse raison ». Avaler signifie d’ailleurs aujourd’hui encore « faire accepter », avec une notion de contrainte (« on lui fera avaler ça ») mais aussi « faire croire ». Faire avaler des couleuvres signifiait : faire croire à des calembredaines (des bêtises, des faussetés, des plaisanteries).
Je lui dis tous les jours qu’il faut que le goût qu’il a pris pour elle soit bien extrême, puisque ce goût lui fait avaler, et l’été et l’hiver, toutes sortes de couleuvres ; car les inquiétudes de la canicule ne sont pas moins désagréables que la présence du carnaval : ainsi toute l’année est une souffrance.
La couleuvre, archétype du serpent en France, souffre de la mauvaise réputation de son espèce. Le serpent, sinueux, est vu comme symbole de l’hypocrisie et du mensonge. Dans la Bible, le serpent est le tentateur qui provoque la chute d’Adam et Ève.
Toutefois, Claude Duneton (1935 – 2012) voit plutôt une origine gastronomique à cette expression. « Avaler une couleuvre », c’est pour lui le contraire désagréable du plaisir d’avaler une anguille, animal à l’aspect semblable au serpent, mais mets très apprécié. Duneton cite une expression qui mêle les deux animaux chez Rousseau (1712 – 1778), même si elle ne semble pas les mettre en opposition :
Bien le savez, Clément, mon ami cher :
Sotte ignorance et jugement léger
Vous ont jadis, on le voit par vos œuvres,
Fait avaler anguilles et couleuvres ;
On peut, sinon, relever dans l’expression la double allitération en « l » et « v », sous forme ABBA (chiasme), et noter que l’image est très évocatrice : avaler une couleuvre semble aussi pénible et long qu’assujettissant (on ne peut plus parler, et a fortiori se plaindre).
Exemples d’emploi
- Ce ministre, lassé d’avaler des couleuvres, fatigué des humiliations publiques, finit par démissionner avec fracas la veille des élections.
- Je ne croyais pas que la stratégie qu’avait choisie l’entreprise était la bonne mais, pour garder ma place, j’acceptais d’avaler des couleuvres.
Cet emploi relevé chez Chateaubriand est amusant :
Il y a deux manières de devenir ministre : l’une brusquement et par force, l’autre par longueur de temps et par adresse ; la première n’était point à l’usage de M. de Villèle : le cauteleux exclut l’énergique, mais il est plus sûr et moins exposé à perdre la place qu’il a gagnée. L’essentiel dans cette manière d’arriver est d’agréer maints soufflets et de savoir avaler une quantité de couleuvres : M. de Talleyrand faisait grand usage de ce régime des ambitions de seconde espèce.
À lire
- Sylvie Brunet, Verser des larmes de crocodile et 99 autres expressions animalières
- Claude Duneton, La Puce à l’oreille
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