Définition
Tailler une bavette signifie : bavarder, caqueter. On dit aussi « des bavettes ». Synonyme : tailler le bout de gras. Exemples :
- La plupart des voleurs de cette espèce commencent leurs incursions dès le matin, à l’heure où les bonnes vont chercher leur crême, ou taillent une bavette, pendant que leurs maîtres sont encore au lit. (Mémoires de Vidocq)
- Laissons-le tailler une bavette avec le comte ; si les affaires ne s’arrangent pas, nous verrons après à lui tailler autre chose, nous autres. (Louis Noir et Pierre Ferragut, Le Secret du trappeur)
Voir ici : pourquoi dit-on « avoir pignon sur rue » ?
Tailler une bavette : origine de l’expression
Bavette est un diminutif de « bave » (de l’onomatopée latine baba, qui imite le babil des bambins), qui désignait autrefois les propos calomnieux, méchants, haineux, comme l’illustre par exemple l’expression « la bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe ».
Est-ce un avertissement d’en haut pour m’empêcher d’écrire, et de mieux considérer ce à quoi je m’expose, en distillant la bave de ma bouche carrée ? (Lautréamont, Les Chants de Maldoror)
« Baver sur quelqu’un ou quelque chose » pouvait signifier parler, mais aussi calomnier, médire, parler beaucoup avec haine.
« Sirop de Calabre, dix sols la bouteille, verre compris ». « Sirop de cadavre, vers compris », disait l’infernal Costecalde qui bavait sur tous les succès ; du reste, cet affreux jeu de mots n’a fait que servir à la vente et les Tarasconnais en raffolent, de ce sirop de cadavre. (Daudet, Tartarin sur les Alpes)
Cette origine se retrouve dans « bavardage » ou « baveux », c’est-à-dire personne qui a du bagout, ou avocat.
L’emploi de « tailler » est peut-être à comprendre comme « façonner » ou « découper » la « bavette » (le bavoir aujourd’hui) symbolique qui reçoit tout le fiel des médisants. L’origine sexiste de cette expression pourrait expliquer l’emploi de ce verbe : « tailler la bavette » était l’équivalent pour les femmes des activités manuelles de taille pour les hommes :
On dit proverbialement & bassement, que des femmes vont tailler des bavettes, quand elles s’assemblent pour caquetter. (Dictionnaire de Furetière, 1691)
Le Dictionnaire historique de la langue française lie « tailler » à la parole, et relève, avec Duneton et Claval (Le Bouquet des expressions imagées), un lien avec « tailler bien la parole », c’est-à-dire « parler avec éloquence », d’emploi très rare ou vite sorti d’usage, si bien qu’il est difficile d’en trouver une occurrence.
Quoi qu’il en soit, il est plus probable que le locuteur d’aujourd’hui voit dans l’expression (devenue rare) le boucher en train de tailler la pièce de bœuf, comme si tailler la viande revenait à travailler un sujet en bavardant. Ce « déplacement » de la métaphore est matérialisé par l’apparition du synonyme « tailler le bout de gras ».
Voir ici : qu’est-ce qu’une métaphore ?
L’expression semble même changer de sens, et se tourner vers son sens plus littéral, en passant de « bavarder » à « manger ». Elle est en effet souvent employée par les journalistes dans des articles qui ont trait à la nourriture, si bien qu’on peut comprendre l’expression selon deux sens, soit comme bavarder, soit comme manger. De toute façon, ces deux activités vont souvent de pair.
- À 11 heures, malgré le temps variable et la pluie, la terrasse est déjà bien garnie de Montluçonnais ravis de pouvoir tailler une bavette autour d’un petit noir. Le restaurant ne pourra toutefois recevoir qu’une trentaine de clients au maximum. Et il a fallu faire des choix. (Lamontagne.fr)
- Sur le bout de parking surchauffé, une tente est dressée. Les motos sont soigneusement rangées les unes à côté des autres. Pendant que certains s’écroulent sur des poufs géants, cuirs ouverts, les autres s’engouffrent sous la tente pour prendre un café, tailler une bavette ou mordre un sandwich. (Leparisien.fr)
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