Définition
Manger son pain noir signifie : traverser une période difficile, faire face à des difficultés.
Manger son pain noir : origine de l’expression
L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes ; ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines ; ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé.
La Bruyère, Les Caractères, 1688
Le pain noir (mélanges de seigle, froment, sarrasin, etc.) était le pain des pauvres. À l’époque moderne, les citadins mangeaient quant à eux des pains de pur froment. Le pain blanc (à la différence du pain complet) était un pain de luxe, car le blutage (séparer la farine du son) entraînait des pertes de farine. Le pain noir était mangé rassis, déposé au fond de l’assiette, et absorbait la soupe. (À lire : Marjorie Meiss, La culture matérielle de la France). L’historien Philippe Artières (Le Peuple du Larzac) décrit ainsi les repas des paysans du Larzac au XVIIIe :
La nourriture aussi était frugale, grossière, monotone. Le pain était un mélange d’orge et de seigle ; les résidus de deuxième ordre de la fabrication du fromage, les pois, les vesces et la viande salée formaient la base de l’alimentation. Les menus consistaient généralement en une soupe au pain noir, des légumes, un peu de viande salée, avec un unique repas le jeudi et le dimanche.
« Manger son pain noir » est cependant une expression d’origine québécoise selon le Dictionnaire historique de la langue française. Elle est aujourd’hui employée en français d’Europe. On la trouve à partir du milieu du XXe siècle à propos du football :
Le match Alès-Red-Star est remis au 17 janvier. C’était le gros morceau de la journée. On attendra. Du reste, le Red-Star commence à manger son pain noir. Battu dimanche dernier par Mulhouse dans la Coupe hors de chez lui, il doit affronter en deux journées et Colmar et Alès à l’extérieur.
L’Ouest-Éclair, 12 janvier 1939
Nîmes quant à lui, continuera à manger son pain noir... Toulouse, Rouen, Bordeaux, et maintenant Sochaux. S’ils arrivent en finale, les « poulains » de Pibarot n’auront vraiment pas volé cet honneur.
Elle est d’ailleurs toujours très utilisée par les journalistes sportifs : « Tragiquement éliminée aux portes de la Ligue des champions par le Chakhtior Donetsk ce mercredi soir, l’AS Monaco n’a pas fini de manger son pain noir. » (Sofoot.com). Ce lien ne manque pas d’étonner. Il existait l’expression proche « manger son pain blanc le premier », au sens de « commencer par ce qui est agréable ou facile ».
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