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Argument d’autorité : définition

Publié le 25/02/2022
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Un argument d’autorité signifie : soutenir qu’une affirmation est juste, bonne ou vraie en se fondant uniquement sur le fait qu’une autorité a affirmé qu’elle était vraie. L’argument d’autorité se fonde sur le statut d’une personne, et pas sur des preuves qui viennent à son appui. L’argument d’autorité est aussi nommé, plus rarement, argumentum ad verecundiam (verecundia, « respect de quelqu’un, de quelque chose »). Ainsi, dans un débat, l’un des protagonistes du débat peut avancer que telle ou telle proposition est vraie parce que telle ou telle autorité l’a avancée. En général, cet argument est fondé sur le prestige de cette autorité, la confiance qu’on lui fait ou le respect qu’elle suscite : le débatteur attend que l’autre partie reconnaisse la prééminence de cette autorité pour se soumettre à l’argument avancé. L’émetteur d’un argument d’autorité suppose que le destinataire partage ce respect pour l’autorité qu’il invoque.

En d’autres termes, l’argument d’autorité se fonde sur le prestige de la personne qui émet une proposition, plutôt que sur les preuves que l’on peut apporter à l’appui d’une proposition.

Par exemple, dans un débat sur une question historique, si l’un des protagonistes avance « je suis historien, je m’y connais mieux que vous », ou « j’ai étudié cinq ans cette question, ce n’est pas pour en débattre avec vous », il fait usage d’un argument d’autorité. Jean-Jacques Robrieux, dans Rhétorique et argumentation, donne un bon exemple d’argument d’autorité trouvé chez Bossuet : 

Vous pouvez reconnaître son autorité en considérant les respects que lui rendent Moïse et Élie ; c’est-à-dire la loi des prophètes […]

Sermon « sur la soumission due à la parole de Jésus-Christ »

L’autorité de Jésus, dans l’argument de Bossuet, peut être reconnue parce d’autres autorités de confiance, les prophètes Moïse et Élie, ont prévu sa parole et en garantisse la divinité.

Dernier exemple, dire que le film Dune de 1984 est mauvais parce que son réalisateur, David Lynch, estime qu’il est mauvais est aussi un argument d’autorité. La proposition « Dune est mauvais » n’est ici fondée que sur l’avis de David Lynch, qui a en effet beaucoup de poids puisque le film est sa création.

 

Sur qui les arguments d’autorité reposent-ils ?

Le plus souvent, les autorités que l’on engage dans les arguments d’autorité sont les experts qui ont longtemps travaillé une discipline, ou ceux qui détiennent des titres universitaires (les scientifiques). Le fait de détenir un titre universitaire dans telle ou telle matière envoie le signal à ceux qui n’en ont pas, ou qui n’ont pas étudié la discipline, que le diplômé est supposé bien connaître le sujet en question et qu’il serait une source d’informations de confiance.

Les arguments d’autorité se fondent aussi souvent sur le prestige des personnalités importantes du passé, comme un homme politique de renom ou un grand écrivain. Ainsi, on cite souvent les personnalités notables du passé pour renforcer notre argumentation ou se réfugier derrière elles. Ainsi, en se reposant sur l’autorité d’un grand écrivain du passé, on pourrait par exemple rétorquer à quelqu’un qui refuse des mœurs qui lui sont étrangères que Montaigne a dit que « chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage » et donc que, si un esprit aussi brillant que Montaigne a pensé ceci, il vaut mieux penser comme lui. L’appel à ce type d’autorité est cependant plus risqué que celui d’un expert ou d’un scientifique, parce que tous n’admirent pas les mêmes penseurs, écrivains ou politiciens du passé.

Ces autorités peuvent aussi être des pouvoirs publics, des institutions religieuses, etc.

 

L’argument d’autorité : un argument fallacieux

L’argument d’autorité est bien sûr trompeur. Il a pour vocation d’intimider un adversaire en contestant sa légitimité à raisonner sur tel ou tel sujet. En effet, il repose sur le contraste entre le prestige de l’autorité sur lequel il repose, et l’absence de prestige, en regard, de celui qui conteste cet argument. Untel répond à autre qu’il n’est pas épidémiologiste, qu’il n’est pas compétent, et qu’il n’a donc pas à tirer des conclusions contraires à celles d’un épidémiologiste chevronné.

On ne devrait pas pouvoir gagner un débat en se prévalant de ses titres, ou des titres de l’autorité à laquelle on fait appel. Le débat doit être gagné sur des preuves. La véracité d’un argument n’a rien à voir avec la personne qui l’émet, mais avec les preuves qui le soutiennent.

Au reste, un titre universitaire ne garantit pas les compétences d’une personne. De la même manière, ce n’est pas parce que l’on n’a pas de titre universitaire que l’on n’a pas la légitimité à contester l’opinion des experts. En bref, l’autorité d’une personne n’est pas un critère de vérité suffisant.

L’argument d’autorité est aussi une façon de se réfugier lorsque l’on croit fermement quelque chose, mais que l’on n’a pas d’autre moyen de défendre sa croyance que de dire que telle ou telle autorité le défend aussi.

 

Une erreur de raisonnement

On ne peut pas conclure, sur le seul fondement de l’expertise d’untel ou d’untel sur un sujet, que les conclusions qu’il tire sont automatiquement vraies. C’est une erreur de raisonnement. L’argument d’autorité fonctionne ainsi :

L’autorité X dit que la proposition P, qui entre dans le domaine D, est vraie
X est expert du domaine D
Donc P est vraie

La deuxième prémisse de ce syllogisme, c’est-à-dire la deuxième proposition de ce raisonnement déductif, ne permet pas d’arriver à la conclusion que « P est vraie ».

Le prestige ou l’expertise d’une personne n’est pas un fondement suffisant pour affirmer qu’une proposition est vraie. Le consensus des scientifiques sur une théorie ne permet pas de conclure qu’elle est vraie, ce sont les preuves que ces scientifiques apportent et sur lesquelles il existe un consensus qui doivent servir de fondement à la vérité. Ce n’est pas parce que de nombreuses personnes disent qu’une chose est vraie que cette chose est vraie pour autant. Il arrive que le consensus des experts sur une question soit erroné. En outre, la puissance d’attraction des experts peut parfois être si forte qu’elle peut paralyser l’autonomie de la pensée d’un décideur.

 

La dépendance aux autorités

On ne peut pas conclure la vérité du changement climatique sur le seul fondement du consensus des scientifiques sur la question, sans évoquer plus loin les preuves apportées à l’appui de cette thèse.

Toutefois, on ne peut pas être compétent sur toutes les questions qui ont une influence sur nos vies. On ne peut pas consacrer assez de temps et de travail à étudier toutes les preuves avancées par tous les experts sur tous les sujets. Il est donc souvent indispensable de faire confiance à des experts pour s’orienter dans la pensée. Ainsi, on peut légitiment conclure que, puisqu’il existe un consensus chez les scientifiques spécialistes du climat sur la véracité du changement climatique, ce phénomène est probablement vrai, ou qu’il existe une bonne raison de considérer qu’il y a un changement climatique. 

Autre exemple : même si l’on a pas de compétences en physique, ni le temps de se former dans cette discipline, on peut considérer comme très probablement vraie la proposition « la Terre tourne autour du Soleil » sur le seul fondement qu’elle fait l’objet d’un consensus général qui ne souffre aucune contestation. 

On peut éventuellement se trouver incapable, au cours d’un débat, de prouver que la proposition « la Terre tourne autour du Soleil » est absolument vraie, mais on peut se servir de cette proposition, dans d’autres situations, comme d’une vérité provisoire, ou d’une hypothèse de travail.

 

Un cas accepté d’argument d’autorité

Enfin, il faut noter qu’il y a des cas où l’argument d’autorité est, sinon légitime, accepté sans contestation. C’est le cas des parents qui utilisent leur autorité pour que les enfants se comportent correctement. Si l’enfant conteste, le parent, qui a l’autorité sur l’enfant, ne cherche pas toujours à justifier sa décision (« parce que c’est comme ça », « parce que je suis ta mère/ton père et que tu dois m’écouter »).