Victor Hugo (1802 – 1885), écrivain « monumental » de la littérature française, était aussi un dessinateur de talent qui a produit environ 3500 œuvres, qu’il ne dévoilait qu’à ses intimes. Le dessin a fait partie de l’éducation de Hugo. Cependant, celui-ci a tenu à conserver une pratique de cet art « en amateur », afin qu’il reste un amusement, qu’il conserve une certaine spontanéité dans la réalisation, et qu’il puisse refléter, quelque part, son « inconscient ».
Le hasard a fait tomber sous vos yeux quelques espèces d’essais de dessins faits par moi, à des heures de rêverie presque inconsciente, avec ce qui restait d’encre dans ma plume, sur des marges ou des couvertures de manuscrits. Ces choses, vous désirez les publier ; et l’excellent graveur, M. Paul Chenay, s’offre à en faire les fac-similé. Vous me demandez mon consentement. Quel que soit le beau talent de M. Paul Chenay, je crains fort que ces traits de plume quelconques, jetés plus ou moins maladroitement sur le papier par un homme qui a autre chose à faire, ne cessent d’être des dessins du moment qu’ils auront la prétention d’en être […]
Comme le rappelle cette vidéo de Un autre atelier, Hugo a peu à peu raffiné son style, partant de caricatures, pour ensuite se concentrer sur des paysages et les édifices médiévaux, jusqu’à développer un univers graphique singulier, facilement reconnaissable. La compagnie du peintre Célestin Nanteuil (1813 – 1873), et ses voyages effectués en compagnie son amante Juliette Drouet (1806 – 1883) à partir de 1834 ont eu une influence décisive sur cette transformation, notamment ceux effectués sur les bords du Rhin entre 1838 et 1840 , comme en témoigne les nombreuses représentations faites de Burgs (châteaux) rhénois. L’écrivain émaillait ses carnets de dessins et croquis pour garder le souvenir de ses voyages, de certaines vues ou de certains détails d’architecture. Hors voyage, il dessinait sans atelier, sur sa table de travail ou dans sa salle à manger. Sa technique s’inscrivait elle aussi dans cette spontanéité recherchée : Victor Hugo employait avant tout la « matière première » de l’écriture, de l’encre diluée dans de l’eau pour produire des lavis relevés de fusain, mais n’hésitait pas aussi à mélanger les encres pour faire des contrastes, employer du café noir, du café au lait, du marc de café, du charbon, de la suie de cheminée, du jus de mûre, de l’oignon brûlé, de la cendre de cigare, ses doigts, ainsi que la gouache ou de l’aquarelle pour les rehauts, grattait pour créer des effets, etc.
Vous m’avez envoyé, cher poëte, une bien belle page ; je suis tout heureux et très fier de ce que vous voulez bien penser des choses que j’appelle mes dessins à la plume. J’ai fini par y mêler du crayon, du fusain, de la sépia, du charbon, de la suie et toutes sortes de mixtures bizarres qui arrivent à rendre à peu près ce que j’ai dans l’œil et surtout dans l’esprit. Cela m’amuse entre deux strophes.
Une grande partie des dessins est disponible sur le site de parismusees.paris.fr.
Pour croire à la pieuvre, il faut l’avoir vue. Comparées à la pieuvre, les vieilles hydres font sourire. À de certains moments, on serait tenté de le penser, l’insaisissable qui flotte en nos songes rencontre dans le possible des aimants auxquels ses linéaments se prennent, et de ces obscures fixations du rêve il sort des êtres. L’inconnu dispose du prodige, et il s’en sert pour composer le monstre. Orphée, Homère et Hésiode n’ont pu faire que la Chimère ; Dieu a fait la Pieuvre. Quand Dieu veut, il excelle dans l’exécrable. Le pourquoi de cette volonté est l’effroi du penseur religieux. Tous les idéals étant admis, si l’épouvante est un but, la pieuvre est un chef-d’œuvre. La baleine a l’énormité, la pieuvre est petite ; l’hippopotame a une cuirasse, la pieuvre est nue ; la jararaca a un sifflement, la pieuvre est muette ; le rhinocéros a une corne, la pieuvre n’a pas de corne ; le scorpion a un dard, la pieuvre n’a pas de dard ; le buthus a des pinces, la pieuvre n’a pas de pinces ; l’alouate a une queue prenante, la pieuvre n’a pas de queue ; le requin a des nageoires tranchantes, la pieuvre n’a pas de nageoires ; le vespertilio-vampire a des ailes onglées, la pieuvre n’a pas d’ailes ; le hérisson a des épines, la pieuvre n’a pas d’épines ; l’espadon a un glaive, la pieuvre n’a pas de glaive ; la torpille a une foudre, la pieuvre n’a pas d’effluve ; le crapaud a un virus, la pieuvre n’a pas de virus ; la vipère a un venin, la pieuvre n’a pas de venin ; le lion a des griffes, la pieuvre n’a pas de griffes ; le gypaète a un bec, la pieuvre n’a pas de bec ; le crocodile a une gueule, la pieuvre n’a pas de dents. La pieuvre n’a pas de masse musculaire, pas de cri menaçant, pas de cuirasse, pas de corne, pas de dard, pas de pince, pas de queue prenante ou contondante, pas d’ailerons tranchants, pas d’ailerons onglés, pas d’épines, pas d’épée, pas de décharge électrique, pas de virus, pas de venin, pas de griffes, pas de bec, pas de dents. La pieuvre est de toutes les bêtes la plus formidablement armée. Qu’est-ce donc que la pieuvre ? C’est la ventouse.
Marine Terrace est la maison qu’a occupé Victor Hugo de 1852 à 1855 pendant son exil à Jersey. L’étrange forme dessinée dans le ciel figure les initiales de Victor Hugo et de Juliette Drouet (une « carte de visite »).
Pendant un voyage de 1865 avec Juliette Drouet. Un chat-huant est un oiseau de proie dont le cri se rapproche de celui du chat.
Inspirée par les Flandres ou la vallée du Rhin.
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