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Origine du mot fascisme (étymologie)

Publié le 10/12/2022 (m.à.j* le 21/02/2024)
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Le mot fascisme vient de l’italien fascismo, qui vient lui-même de fascio, « faisceau », désignant spécifiquement l’assemblage de verges liées autour du manche d’une hache que portaient les licteurs dans la Rome antique. Les licteurs accompagnaient les magistrats romains et exécutaient leurs sentences. Les faisceaux symbolisent l’union des citoyens et l’autorité de l’État. On les retrouve aujourd’hui encore dans de nombreuses armoiries, et notamment celles de la France. Toutefois, le mot fascisme désigne quant à lui un mouvement politique d’extrême-droite, parfois qualifié de totalitaire, parfois de « religion politique » (Emilio Gentile), qui a gouverné l’Italie de 1922 et à 1943~1944, avec pour figure centrale Benito Mussolini (1883 – 1945). Par extension, de nombreux mouvements politiques inspirés par le fascisme italien se sont qualifiés de fascistes, et on range fréquemment le nazisme dans le même courant. Fascisme, fasciste et, en français, son diminutif « facho » font toujours l’objet d’un usage dans les discours politiques, pour qualifier le plus souvent des mouvements dont l’inspiration idéologique est très différente du fascisme de la première moitié du XXe siècle (parfois pour les discréditer en les associant à ce repoussoir, ce qui est un sophisme par association), ou pour disqualifier soit des personnes qui défendent des idées fortement marquées à droite, soit des personnes aux idées autoritaires, réactionnaires, conservatrices voire racistes. La force de disqualification de « fasciste » s’est quelque peu diluée en même temps que le mot s’est banalisé, d’autant qu’il est parfois employé en dehors de la politique pour décrier une personne à l’attitude autoritaire.

Le premier mouvement à proprement dit « fasciste », les Faisceaux italiens de combat (Fasci italiani di combattimento), a été fondé le 23 mars 1919 à Milan. Cette fondation faisait suite à une réunion à Milan d’une soixantaine de personnes à l’appel de Mussolini et de son journal, Il Popolo d’Italia. Cette « ligue » rassemblait des personnalités d’origines diverses, appartenant à la droite nationaliste au syndicalisme révolutionnaire, en passant par des anarchistes et interventionnistes de gauche, qui souhaitaient porter l’esprit révolutionnaire né de la guerre pour bousculer l’ordre établi, tout en se distinguant de l’internationalisme socialiste et communiste.

Le concept de « faisceaux » n’a toutefois pas été inspiré à Mussolini par les faisceaux de licteurs de la République romaine, et ce n’était pas le premier usage qu’il en faisait. Ce terme était déjà en usage dans le vocabulaire politique de la gauche italienne depuis, au moins, le développement des faisceaux de travailleurs siciliens (fasci Siciliani dei lavoratori) du début des années 1890. Ces faisceaux étaient des ligues de travailleurs pauvres de Siciles, autonomes, d’inspiration sociale et démocratique, organisées pour résister au patronat et réclamer des droits sociaux, mais qui finirent pas être réprimées par le gouvernement de Franscesco Crispi en 1894. À partir de cet épisode originel, le mot s’imposa en Italie pour désigner les regroupements à caractère révolutionnaire, socialiste, syndicaliste ou républicain (cf. Treccani), ou les ligues formées en vue d’atteindre un objectif commun.

Après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, des personnalités de gauche, appartenant notamment au syndicalisme révolutionnaire, publièrent le 5 octobre 1914 un manifeste au nom du « Faisceau révolutionnaire d’action internationaliste », réclamant l’entrée de l’Italie en guerre, restée jusque-là en dehors du conflit. Mussolini, qui était alors membre du parti socialiste italien (PSI) et de la direction du journal du parti, L’Avanti, n’avait pas signé ce manifeste. Il se rallia cependant peu de temps après à l’interventionnisme, ce qui entraîna son exclusion du PSI. Il annonça le 29 novembre 1914 la création d’un Faisceau autonome d’action révolutionnaire (Fasci Autonomi d’Azione Rivoluzionaria), sur une idée d’un autre socialiste, d’Adelino Marchetti. Les statuts du premier Faisceau, le Faisceau d’action révolutionnaire (Fascio d’azione rivoluzionaria), furent déposés à Milan le 6 janvier 1915. Ceux-ci définissaient le Faisceau comme « libres agrégations de subversifs de toutes écoles et doctrines politiques qui croient trouver dans le moment présent, et dans celui qui le suivra immédiatement, un champ favorable à la fécondation des idéaux révolutionnaires et qui n’entendent pas laisser passer l’occasion d’un mouvement en commun » (« liberi aggruppamenti di quei sovversivi di tutte le scuole e dottrine politiche che ritengono di trovare nell’attuale momento, e in quello che immediatamente a questo succederà, un campo propizio alla fecondazione delle idealità rivolutzionarie e non intendono però lasciare sfuggire l’occasione di un movimento in comune », cf. Emlio Gentile). Mussolini fit un premier usage de l’adjectif « fasciste » dans la première annonce de rassemblement du Faisceau le 24 janvier 1915 (« [le] mouvement fasciste né entre la moquerie et l’hostilité du parti socialiste […] », [il] movimento fascista nato fra l’irrisione e l’ostilità del Partito Socialista […] »). Cet adjectif fut repris à la création du Parti national fasciste le 9 novembre 1921 (Partito Nazionale Fascista), qui utilisait cette fois directement le faisceau de licteur comme symbole, en référence à la Rome antique qui servait de modèle.

Le mot Faisceau passa à droite au cours de la guerre, dans laquelle l’Italie est entrée en mai 1915. Ainsi un Faisceau parlementaire de défense nationale (Fascio parlamentare di difesa nazionale) fut constitué par des parlementaires en réaction au traumatisme politique provoqué par la grave défaite de Caporetto (novembre 1917). En outre, un Faisceau d’éducation nationale fut fondé en 1919 par Giovanni Gentile et Ernesto Codignola, deux personnalités qui s’engageront dans le fascisme italien par la suite, durablement pour le premier, temporairement pour le second.

À lire

  • Serge Berstein, Pierre Milza, Le Fascisme italien
  • Emilio Gentile, Storia del fascismo