À l’heure où l’Iran joue un rôle de plus en plus central au Moyen-Orient, en s’appuyant notamment sur les communautés chiites de la région, ce pays connaît un certain regain d’intérêt en Occident, encore renforcé par la perspective d’une levée des sanctions européennes et américaines qui avaient été adoptées dans les années 2000. L’Occident a pourtant appris à regarder en ennemi cet État si particulier. Il demeure aujourd’hui l’un des rares exemples de théocratie dans le monde. Aux sources du régime actuel se trouve la surprenante révolution iranienne de 1979 dans un pays alors en forte croissance économique et considéré comme l’un des plus stables de sa région. Cet événement reste encore central pour comprendre la géopolitique de la région.
Aux sources de la révolution iranienne : la domination de l’Iran par l’Occident
L’impérialisme occidental
L’Iran reste marquée par le traumatisme provoqué par la domination des puissances européennes puis des États-Unis sur le pays. L’impérialisme occidental se manifeste dès le XIXe siècle. Les Britanniques occupent alors l’Inde d’où ils organisent des incursions en Afghanistan, dont la première, en 1842, se termine par un désastre majeur. Dans les années 1860, c’est au tour de l’Empire russe de se rapprocher des frontières iraniennes en envahissant l’Asie centrale. Le pays, alors dirigé par la dynastie turque des Qajars, semble incapable de répondre à cette situation de plus en plus menaçante. En effet, il est peu densément peuplé et techniquement très en retard sur des nations européennes alors en pleine révolution industrielle.
Un double protectorat
En définitive, l’Iran ne sera jamais officiellement colonisé. En revanche, dès la fin du XIXe siècle, il se trouve érigé en protectorat de fait de la Russie et la Grande-Bretagne, la première héritant d’une zone d’influence au nord du pays et la seconde au sud. L’influence croissante de ces deux nations étrangères suscite un profond ressentiment chez les Iraniens, notamment dans les milieux religieux chiites incarnés par l’ayotallah Fazlollah Nouri. Celui-ci soutient la Révolution constitutionnelle de 1905 avant de se retourner contre elle et de finir exécuté en 1909.
Échec de la modernisation économique
Cependant, les tentatives de modernisation du pays échouent. Cet insuccès fragilise la société iranienne. Ainsi, pour financer ses réformes, dans la seconde moitié du XIXe siècle, le Shah Naserredin vend une large partie des terres de la couronne à des potentats locaux, souvent sans scrupules, tout en accordant des concessions à des compagnies étrangères. La découverte du pétrole en Iran en 1908 ouvre certes de nouvelles opportunités au pays mais elles sont surtout exploitées par les Britanniques… Après la Seconde Guerre mondiale, si l’influence britannique se réduit dans la région, l’Anglo-Iranian Oil Company, rebaptisée BP en 1954, reste un acteur majeur de l’économie du pays.
L’émergence d’un nouvel acteur : les États-Unis
En pleine guerre froide contre l’Union Soviétique, et à une époque où le Moyen-Orient connaît d’importantes perturbations, la superpuissance occidentale ne peut en effet se désintéresser d’un pays stratégique comme l’Iran. C’est elle qui organise le renversement de Mohamed Mossadegh en 1953, le Premier ministre ayant cherché à nationaliser le pétrole iranien. Le coup d’État contre cet Mossadegh, patriote et laïque, est une étape cruciale de l’histoire du pays au XXe siècle et explique en partie l’anti-américanisme à l’origine de la Révolution de 1979.
L’Iran de la dynastie Pahlavi
Changement de dynastie
Les Qadjars, fragilisés par leurs échecs et l’influence étrangère, sont renversés en 1925 par un officier cosaque qui prend le pouvoir sous le nom de Reza Shah Pahlavi. Le nouvel empereur lance un ambitieux programme de modernisation inspiré par la Turquie laïque et pro-occidentale d’Ataturk, mais il est à son tour déposé en 1941 par les Alliés qui lui reprochent ses ambiguïtés à l’égard de l’Allemagne nazie.
Montée des inégalités
Son fils, Mohamed Reza Shah Pahlavi lui succède et poursuit son œuvre. Fidèle allié des Occidentaux après la Seconde Guerre mondiale, il entend redonner son prestige à l’Iran. À partir des années 1960, la rente pétrolière lui assure un large revenu et alimente la forte croissance économique du pays.
Pourtant, cet argent est mal réinvesti dans l’économie, ne soutient pas l’émergence d’un secteur industriel exportateur et sert largement à augmenter des dépenses militaires ou purement somptuaires. Alors que les proches du pouvoir profitent à plein de cette période de prospérité et que des classes moyennes commencent à émerger dans les grandes villes, la majorité de la population iranienne – alors en forte croissance – continue de mener une vie austère et marquée par des traditions ancestrales.
Occidentalisation de la société
Peu au fait de cette réalité et ne mesurant pas pleinement l’importance du développement du secteur secondaire dans la prospérité de l’Europe occidentale des Trente Glorieuses, le Shah est pourtant persuadé que son pays peut rattraper les économies les plus modernes en quelques années. Il s’attache également à réformer en profondeur la société iranienne en y favorisant une certaine pénétration culturelle de l’Occident. Dans les villes, les femmes se mettent à délaisser le voile au profit de vêtements venus d’Europe ou d’Amérique du nord.
Grande réforme agraire
Cette modernisation, reste pourtant très relative et ne touche guère le peuple des campagnes, majoritaire. Celui-ci n’est pourtant pas oublié par Mohamed Reza Shah qui se lance dans une ambitieuse réforme agraire au début des années 1960. Elle vise à mettre fin au pouvoir des grands féodaux qui maintenaient encore en quasi-servage une large partie de la population iranienne. L’un des objectifs du pouvoir est également d’orienter les investissements de ces grands propriétaires vers d’autres secteurs plus porteurs de croissance, par le biais d’un achat de leurs terres. Pourtant, loin d’être réinvesti dans l’appareil productif, cet argent sert bien davantage à des opérations de spéculation immobilière.
La révolution iranienne du Shah : la révolution blanche
Un programme ambitieux
Le relatif succès de la réforme agraire encourage le Shah à établir un plan de réforme visant à moderniser la société iranienne sous tous ses aspects : droits des femmes avec la loi électorale de 1963 notamment, extension de l’éducation, intéressement des travailleurs aux activités de production… Sur le plan éducatif, une armée du savoir visant à répandre l’instruction dans les campagnes est mise en place.
Une économie qui reste fragile
Les progrès entraînés par ces réformes, incontestables, ne doivent toutefois pas faire oublier l’essentiel : contrairement au Japon de la même décennie, ou à la Corée du Sud dix ans plus tard, l’Iran ne parvient pas à se transformer en puissance économique. Si la croissance de l’économie iranienne est forte, elle n’est pas suffisante pour compenser l’augmentation spectaculaire de la population iranienne (environ 21 millions en 1960, 37 millions en 1979). Elle est en outre trop dépendante du secteur des hydrocarbures qui ne passe par le relai à l’industrie et l’innovation. L’industrie manufacturière connaît cependant une franche modernisation et se développe fortement dans les années 1960. Toutefois, son poids reste trop faible dans l’économie iranienne, tandis que l’agriculture ou l’artisanat profitent peu de l’essor économique de cette période.
Des tensions sociales
Surtout, les réformes du Shah heurtent en profondeur les convictions de certains segments de la société iranienne, en particulier les milieux conservateurs et religieux. Ceux-ci ont pour leader un chef religieux charismatique et respecté, l’ayatollah Khomeiny.
Pour autant, le pouvoir impérial ne satisfait davantage les libéraux et les progressistes excédés par le caractère autoritaire et policier du régime. Tous ces mouvements ont également des raisons de se détourner de la politique étrangère du Shah, pro-occidentale et surtout favorable à Israël. L’État juif, en effet, a fait de l’Iran l’une des pièces maîtresses de sa stratégie périphérique visant à s’allier à des pays lointains, du fait de l’impossibilité d’entretenir des relations normales avec ses voisins.
Renforcement de l’opposition islamique
En face, de nombreux opposants apparemment occidentalisés et hostiles à l’ordre social existant reprennent le langage de l’islam jugé plus authentiquement national que des idéologies issues d’Europe comme le marxisme. C’est notamment le cas d’Ali Shariati, intellectuel atypique et théoricien du « chiisme rouge », représentant selon lui la branche révolutionnaire et combattante de l’islam chiite par opposition au « chiisme noir » du clergé soumis à l’Etat.
La révolution iranienne en marche
Dans les années 1970, le Shah semble plus puissant que jamais et le premier choc pétrolier de 1973, en relevant la fragilité des pays occidentaux très dépendants des hydrocarbures, renforce encore ses ambitions. Le régime devient également de plus en plus répressif, notamment via l’action de la SAVAK, son principal service de renseignement et de sécurité intérieure. De nombreux prisonniers politiques sont maltraités et torturés.
Anniversaire de la fondation de l’Empire achéménide
Mohamed Reza Shah, sûr de son pouvoir, ne semble guère s’en formaliser et multiplie les démonstrations de puissance et de richesse. En 1971, il organise ainsi, près de Persepolis, de somptueuses cérémonies pour célébrer le 2500e anniversaire de la fondation de l’Empire achéménide. Cet événement, qui engendre des coûts extravagants, choque de nombreux observateurs au regard de la pauvreté encore profonde dans les campagnes du pays. De la même manière, les achats d’armement effrénés encouragés par le Shah ne manquent pas d’inquiéter les voisins de l’Iran, en particulier l’Irak. Au même moment, on note un certain ralentissement économique à la fin de la décennie 1970, alors que l’Iran dépend de plus en plus de ses exportations d’hydrocarbures.
Pression américaine
Pourtant, l’escalade conduisant à la Révolution sera soudaine, rapide et imprévue. En effet, l’Iran impérial apparaît toujours comme un État solide à cette époque, s’appuyant sur une classe moyenne croissante et apparemment satisfaite par un État fort. Celui-ci, s’appuyant sur un appareil répressif efficace et sans scrupules, est d’ailleurs critiqué par le nouveau président des États-Unis Jimmy Carter qui recommande au Shah d’assouplir son régime, ce que ce dernier semble disposé à faire.
Cette pression américaine a le défaut de mettre en lumière l’influence américaine sur l’Iran et de faire apparaître le souverain comme faible, impression renforcée par la maladie incurable dont il souffre alors. En outre, une large partie de la classe moyenne des bazaris, les commerçants du bazar, notamment sa jeunesse, est paradoxalement séduite par les idées contestataires qui se diffusent à cette époque.
Le rôle central des mollahs dans la contestation
L’année 1978 est ainsi ponctuée par de fortes tensions, notamment avec les milieux chiites traditionnels. En août et septembre 1978, de larges manifestations se produisent dans le pays et gagnent Téhéran. Si des portraits de Mossadegh sont brandis à cette occasion, ils occupent le second rang après celles des principaux chefs religieux chiites et notamment de Khomeiny, alors en exil.
En effet, si les contestataires viennent de divers milieux politiques, ce sont les mollahs, représentants de traditions culturelles et idéologiques proprement nationales, qui incarnent le mieux la lutte contre un souverain autoritaire et jugé bien trop proche de l’Occident. Le clergé chiite lui-même séduit une partie de la jeunesse iranienne en tenant un discours révolutionnaire de combat contre les injustices sociales et politiques et pour la souveraineté du pays. Ce phénomène illustre l’influence d’Ali Shariati sur le mouvement contestataire iranien.
« Vendredi noir »
Certains événements achèvent de discréditer le régime en place. Le 8 septembre 1978, « Vendredi noir », les forces de sécurité tirent sur la foule, tuant plusieurs centaines de manifestants. Peu de temps après, le tremblement de terre de Tabas, qui provoque la mort d’environ quinze mille personnes, et les opérations de secours qui s’ensuivent rendent flagrante l’impréparation des autorités devant la réactivité des fondations religieuses, rapidement mobilisées.
La chute du Shah et le triomphe de Khomeiny
Khomeiny à Neauphle-le-Château
Peu enthousiasmé à l’idée de provoquer un bain de sang, le Shah semble hésiter sur la marche à suivre tout en mesurant mal l’ampleur des événements. C’est qu’au même moment, la Révolution se dote d’un chef en la personne de Khomeiny qui bénéficie d’un fort crédit du fait de son opposition constante au pouvoir depuis les années 1960. L’ayatollah, dont les messages sont diffusés dans le monde entier depuis son exil français de Neauphle-le-Château, se montre intransigeant et exige le départ du souverain.
La chute de la monarchie iranienne
Les 10 et 11 décembre, un million de personnes descendent dans les rues de Téhéran pour célébrer le martyr de l’imam Hussein. Les forces de sécurité sont totalement impuissantes et n’interviennent pas. Le Shah, malade et affaibli, a définitivement perdu la partie. Le 31 décembre, il nomme l’opposant libéral Shapour Bakhtiar Premier ministre et quitte le pays quelques semaines plus tard. Le 1er février 1979, l’ayatollah Khomeiny est de retour en Iran plus de quatorze ans après l’avoir quitté. Le gouvernement Bakhtiar tombe le 11 février et le 31 mars, 98,2 % des Iraniens se prononcent en faveur de l’établissement d’une République islamique. L’une des plus vieilles monarchies de l’histoire est tombée.
Le fruit de la révolution iranienne : une théocratie
De fortes incertitudes pèsent toutefois sur l’avenir, d’autant que le camp révolutionnaire semble bien disparate. Si toutes les forces politiques contestataires se sont alliées face au Shah, il leur reste à s’entendre sur de nouvelles institutions malgré des divergences politiques profondes. Khomeiny, qui s’est longtemps prononcé en faveur des droits de l’homme et de la démocratie en les jugeant compatibles avec l’islam, révèle rapidement un véritable projet théocratique, fondé sur la théorie du Velayat-e faqih , ou gouvernement des doctes. Selon cette doctrine, le gouvernement d’un pays musulman doit se plier aux décisions d’un membre du clergé, expert en théologie et droit islamique. Le pouvoir civil doit ainsi se soumettre aux dogmes de l’Islam, un principe qui sous-tend l’ensemble de la Constitution adoptée en 1979. S’il est bien un clerc chiite, Khomeiny tend à minimiser ses différences avec les sunnites afin de lancer un appel à une révolution islamique mondiale.
Élimination des révolutionnaires de gauche
En face, les forces laïques ou gauchistes de l’opposition sont rapidement marginalisées d’autant que les forces de sécurité, après avoir été purgée, se rallient rapidement au nouveau régime. Surtout, la popularité du clergé chiite dirigé par Khomeiny semble alors bien réelle et très supérieure à celle de mouvements laïques peu organisés. Khomeiny suscite d’ailleurs un retour singulier de ferveur religieuse parmi la population. Rapidement, le régime islamique se met à son tour à éliminer ses opposants, non seulement des partisans du Shah mais aussi des révolutionnaires de gauche.
La crise des otages de l’ambassade américaine à Téhéran
En politique étrangère, le nouveau régime iranien accomplit un coup d’éclat le 5 novembre 1979 en prenant en otage le personnel de l’ambassade des États-Unis à Téhéran, quatre ans seulement après l’humiliante évacuation de celle de Saïgon. Cet acte illégal au regard du droit international est une véritable provocation à l’égard de la puissance américaine dont l’attitude à l’égard de la Révolution avait jusque-là été très ambiguë.
Elle influe d’ailleurs sur l’élection présidentielle de 1980 durant laquelle le républicain Ronald Reagan bat un Jimmy Carter jugé faible sur la scène internationale et économiquement inefficace. La prise d’otage, qui se termine après 444 jours, offre en revanche à la République islamique un certain crédit dans les milieux tiers-mondistes internationaux.
La guerre Iran-Irak : la consolidation de la révolution iranienne
Après 1917, la résistance de l’Armée rouge aux offensives monarchistes et aux interventions occidentales avait constitué l’un des grands mythes fondateurs de la Révolution communiste et permis, in fine, de renforcer le régime soviétique. La guerre contre l’Irak jouera le même rôle pour la république islamique d’Iran.
Projet d’invasion de Saddam Hussein
En effet, au cours des années 1970, le dictateur irakien Saddam Hussein s’était constamment montré menaçant à l’égard de l’Iran impérial, sans jamais provoquer de conflit. Toutefois, en 1980, il estime son voisin – plus grand et peuplé – suffisamment déstabilisé pour lui permettre de facilement l’emporter. Selon ses calculs, le nouveau régime islamique ne jouit pas d’un réel soutien de la part de la population et pourrait rapidement s’effondrer face à son armée moderne. En outre, Saddam Hussein est conscient des craintes des puissances occidentales (à l’exception d’Israël qui se méfie alors bien davantage de l’Irak tout en espérant un long conflit entre les deux Etats) vis-à-vis de l’Iran de Khomeiny.
Début de la guerre
Après une année ponctuée par de nombreux incidents frontaliers, le conflit éclate finalement en septembre 1980, à l’initiative de l’armée irakienne qui envahit le Khouzestan, province largement peuplée d’Arabes située au sud-ouest de l’Iran. Contre toute attente, les envahisseurs s’enlisent rapidement avant de subir de nombreux revers. L’invasion du territoire national par une puissance étrangère – arabe de surcroît – provoque une forte mobilisation du peuple iranien. Celui-ci est en outre galvanisé par la propagande guerrière de Khomeiny et du clergé qui appelle chacun au martyre pour l’islam, Saddam Hussein étant présenté comme un athée favorable à l’Occident.
La révolution iranienne consolidée
A partir de 1982, c’est au tour de l’Irak de se retrouver sur la défensive face aux marées humaines iraniennes. Conséquence imprévue de ce revers de fortune, le discours du gouvernement irakien lui-même prend des accents de plus en plus religieux, évoquant notamment la bataille de Kerbala en 680 au cours de laquelle l’imam Hussein fut tué et ses partisans vaincus. S’il continue de se présenter comme le défenseur de l’arabité face aux Iraniens, le dictateur revendique également le rôle de protecteur du sunnisme face à la révolution iranienne.
Grâce à un sursaut de sa population et un soutien accru des puissances occidentales, au premier rang desquels les États-Unis, l’Irak parvient à défendre son territoire et même à reprendre l’initiative en 1988.
Toutefois, aucun des deux camps n’emporte finalement la victoire et, à regret, Khomeiny se voit obliger d’appliquer la résolution 619 du Conseil de sécurité des Nations-Unies qui prévoit un retour au Statu quo ante bellum. La faculté de l’Iran à résister aux assauts de son voisin arabe assure toutefois une forte assise au régime islamique qui a été capable d’orchestrer cette résistance. En outre, les dévastations occasionnées par ce conflit meurtrier renforcent le poids de la rhétorique chiite fondée sur la célébration de l’austérité, de la gravité et du sacrifice.
Une révolution iranienne terminée et embourgeoisée ?
La révolution iranienne, séductrice au-delà ses frontières
En dépit de sa brutalité, la Révolution iranienne a également su exalter de nombreux Iraniens par son caractère tragique et grâce au charisme particulier de l’ayatollah Khomeiny. La rhétorique religieuse du dirigeant trouvait son écho dans les épreuves que dût surmonter la nation menacée par des envahisseurs étrangers. Son appel à des traditions religieuses nationales a également séduit de nombreux musulmans, dont tous n’étaient pas a priori des fanatiques, humiliés par la puissance économique, militaire et culturelle de l’Occident, y compris dans des pays sunnites. Ainsi, le lieutenant Khalid al-Islambouli, l’assassin du président égyptien Sadate, était un admirateur de la révolution iranienne.
Dépérissement de l’esprit révolutionnaire
Pourtant, au fil des années, l’idéologie révolutionnaire semble perdre une large part de son aura. Ce dépérissement a commencé à la mort de Khomeiny en 1989. En effet, son successeur Ali Khamenei, qui était alors un clerc de rang inférieur, est avant tout un homme d’appareil qui n’a pas le charisme de Khomeiny ni ses connaissances théologiques.
Pis encore, loin de résoudre les problèmes affectant la majorité des Iraniens, le régime révolutionnaire a rapidement montré une inaptitude totale à prendre en main le développement économique du pays. Si Khomeiny lui-même méprisait l’économie, le fait qu’une large partie du retard du pays soit dû à la corruption de son élite et au poids écrasant de certains corps – les Gardiens de la révolution, le clergé, les fondations religieuses…- jouissant de rentes monopolistiques, affecte fortement le crédit du régime.
L’élection de Mahmoud Ahmadinejad, retour de la révolution iranienne ?
Si l’élection de Mahmoud Ahmadinedjad, en 2005, semblait annoncer un retour à l’esprit originel de la révolution iranienne, il convient de se rappeler qu’elle a eu lieu dans un contexte particulier : celui d’une présence américaine particulièrement menaçante dans deux pays voisins de l’Iran, l’Afghanistan et l’Irak. À cet égard, dans cette relation si tendue qu’entretiennent l’Iran et les États-Unis, le plus menaçant n’est peut-être pas celui que l’on croit…
Aujourd’hui, un décalage apparaît entre une jeunesse iranienne désireuse de liberté et de développement (tout en restant attachée à ses traditions nationales) et un régime théocratique dont le principal titre de légitimité, aujourd’hui, est sa capacité à maintenir la stabilité du pays dans un contexte moyen-oriental incertain et à en faire une puissance régionale des plus classiques. L’élection du modéré Hassan Rohani comme nouveau président de la République islamique en 2013 semble résulter de ces évolutions. Bien qu’il soit d’une loyauté indéfectible au Guide suprême, il se distingue en effet de son prédécesseur par une rhétorique bien moins agressive et une plus grande volonté de négocier avec l’Occident sans pour autant sacrifier les intérêts de son pays.
Bibliographie
- Yann Richard, L’Iran de 1800 à nos jours
- Hamit Bozarslan, Une histoire de la violence au Moyen-Orient
- Georges Corm, Histoire du Moyen-Orient
- Mohammad-Reza Djalili et Thierry Kellner, Histoire de l’Iran contemporain
Merci beaucoup pour cette exposition historique de l’Iran et de l’Irak et des divers acteurs arabes et occidentaux qui ont façonné cette histoire tragique qui continue allègrement. C’est un éclairage précieux pour comprendre ce chaos permanent. Merci à l’auteur pour ce partage de connaissance historique.
Ce qui m’a le plus interpellé dans cette page a été la coupe du costume de PPDA en 1978!!!