Définition
L’antithèse (ou alliance d’idées) est une figure par laquelle on oppose très fortement deux termes ou deux ensembles de termes contraires. Cette figure de style oppose des idées. L’antithèse est aussi, selon le Gradus, un moyen de mettre en relief une idée principale en présentant une idée inverse que l’on écarte ou que l’on nie. Exemple : « Être ou ne pas être » (Shakespeare, Hamlet, III, 1). Ce vers célébrissime de Hamlet est l’exemple le plus simple d’antithèse : la proposition « Être » s’oppose à la proposition « ne pas être ». La symétrie entre les deux propositions contraires (Être / ne pas être) renforce l’effet de contraste. Autre exemple : « Ça et rien d’autre ! »
L’antithèse est ici un procédé de soulignement (on insiste pour avoir « ça » et rien que « ça »).
À lire en cliquant ici : la liste des figures de style essentielles de la langue française
L’antithèse, une figure par opposition
En opposant des termes ou ensemble de termes par une structure binaire, l’antithèse scinde le monde en deux. Commode pour les orateurs, elle permet de mettre en avant une vision manichéenne du monde, de souligner conflits et paradoxes. L’antithèse permet aussi de mettre l’accent sur un dilemme. Dans cette perspective, l’antithèse a une valeur éminemment tragique. Du point de vue stylistique, l’antithèse crée un effet de surprise. Elle met en lumière une qualité. Son rythme particulier lorsqu’elle est associée à un parallélisme ou un chiasme donne plus de force à l’expression de vérités générales.
Exemple : À père avare, fils prodigue
Antithèse et oxymore
La différence est simple :
- L’antithèse oppose deux éléments distincts alors que
- l’oxymore se porte sur un même élément qui a des qualités contradictoires.
Exemple d’oxymore :
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ;Le Cid, IV, 3, Rodrigue
L’obscurité est ici « claire ». Un même élément, l’obscurité, possède deux qualités contradictoires : l’obsucrité et la clarté. Si l’on se risquait à réécrire ce vers de Corneille avec une antithèse, il pourrait se transformer comme suit : « Une obscurité tombait sur la clarté des étoiles ». Autre exemple : si l’on reprend le vers « Être ou ne pas être » tiré de Hamlet et que l’on souhaite en faire un oxymore, il faudrait alors que Hamlet s’exprime sur lui même en disant : « Je suis un être inexistant ».
Antithèse, chiasme et parallélisme
L’antithèse est souvent associée au chiasme et au parallélisme :
- Le chiasme :
- Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger
- J’aurais tant aimé
cependant
Gagner (a) pour vous (b) pour moi (b) perdant (a) – Aragon, J’entends, j’entends
- Le parallélisme :
- Je l’aime, je le fuis ; Titus m’aime, il me quitte (Racine, Bérénice, V, 7, Bérénice)
- Tel qui rit vendredi, pleurera dimanche
- Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras
- Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux
À lire ici : la liste des figures de style essentielles de la langue française
Étymologie
Antithèse vient du grec anti, c’est-à-dire « contre », et thêsis, θέσις « thèse, action de poser une thèse, un principe, une proposition ».
Exemples d’antithèses
De nombreux titres de livres sont construit sur une antithèse :
- Le Rouge et le Noir, de Stendhal
- La Belle et la Bête
- La Guerre et la Paix, de Tolstoï
- L’Être et le Néant, de Sartre
Le poème suivant de Du Bellay est composé en intégralité d’antithèses :
J’aime la liberté, et languis en service,
Je n’aime point la cour, et me faut courtiser,
Je n’aime la feintise, et me faut déguiser,
J’aime simplicité, et n’apprends que malice ;Je n’adore les biens, et sers à l’avarice,
Je n’aime les honneurs, et me les faut priser,
Je veux garder ma foi, et me la faut briser,
Je cherche la vertu, et ne trouve que vice !Je cherche le repos, et trouver ne le puis,
J’embrasse le plaisir, et n’éprouve qu’ennuis,
Je n’aime à discourir, en raison je me fonde :J’ai le corps maladif, et me faut voyager,
Je suis né pour la Muse, on me fait ménager ;
Ne suis-je pas, Morel, le plus chétif du monde ?
Louise Labé exprime les tourments de sa passion amoureuse en multipliant les antithèses :
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie
J’ai chaud extrême en endurant froidureLouise Labé
Autres exemples :
Et monté sur le faîte, il aspire à descendre
Corneille, Cinna, II, 1, Auguste
À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Le Cid, II, 2, Le Comte
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.La Fontaine, Les Animaux malades de la peste
Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà.
Pascal, Pensées, V
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
Racine, Phèdre, I, 3
Un noble, s’il vit chez lui dans sa province, il vit libre, mais sans appui ; s’il vit à la cour, il est protégé, mais il est esclave : cela se compense.
Tout lui plaît et déplaît, tout le choque et l’oblige.
Sans raison il est gai, sans raison il s’afflige.Boileau, Satires, VIII
Non, j’ai pu vivre dans la servitude, mais j’ai toujours été libre
Montesquieu, Lettres persanes, 161
L’homme est né libre et partout il est dans les fers.
Rousseau, Du Contrat social
Cet homme dont j’admire le génie et dont j’abhorre le despotisme.
Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe (À propos de Napoléon)
Paris est le plus délicieux des monstres : là, jolie femme; plus loin, vieux et pauvre ;
Balzac, Ferragus
L’antithèse est une des figures de style préférées de Victor Hugo. Ici, la première antithèse ne se trouve pas dans la structure de la phrase, mais dans le contraste sémantique (entre les sens des mots).
Elle déplie la lettre résolument et lit.
« Madame, sous vos pieds, dans l’ombre, un homme est là
Qui vous aime, perdu dans la nuit qui le voile ;
Qui souffre, ver de terre amoureux d’une étoile ;
Qui pour vous donnera son âme, s’il le faut ;
Et qui se meurt en bas quand vous brillez en haut. »
Elle pose la lettre sur la table.Ruy Blas , II, 2, Victor Hugo
C’est toujours le combat du jour et de la nuit.
Les Châtiments, Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer.
Les Contemplations, Livre III, Melancholia
Je n’ai jamais vu en enfant sans penser qu’il deviendrait vieillard, ni un berceau sans songer à une tombe.
Flaubert, L’Éducation sentimental
Paris est tout petit
c’est là sa vraie grandeur.Prévert, Paris est tout petit
Tu fais des bulles de silencedans le désert des bruits.
Paul Éluard, Facile, Tu te lèves
Dans l’exemple suivant, Raymond Queneau moque l’aspect artificiel de l’antithèse :
Ce n’était ni la veille, ni le lendemain, mais le jour même. Ce n’était ni la gare du Nord, ni la gare de Lyon, mais la gare Saint-Lazare.
Queneau, Exercices de style
Zazie se tient de grands discours avec sa petite voix intérieure.
Zazie dans le métro
Je suis satisfait de cette explication
Merci beaucoup pour votre aide mais je n’arrive pas toujours à saisir le sens exact d’un antithèse, je besoin de savoir si pour mieux formuler un antithèse il suffit juste de remplacer le contraire de chaque mot dans la thèse ou plutôt mettre la phrase à la forme négative ? S’il vous plaît aidez-moi c’est vraiment important j’ai un devoir de dissertation à finir et je serai très heureuse de recevoir de l’aide auprès de vous merci.
Essayez d’opposer deux idées contraires dans une phrase
Je suis fatigué de ne r.ien faire est ce une antithese
S’il vous plait cet exemple :je meurs et je vis.
Est ce oxymore ?car c’est le même sujet??
Oui mais le sujet est répété deux fois, les deux idées ne sont pas liées à un seul « je ».
Je ne suis du tout d’accord avec cette définition de l’antithèse:
– « Etre ou ne pas être », ce sont des options, comme « manger ou ne pas manger », ce n’est pas une opposition, ni même une figure de style
– « Une obscurité tombait sur la clarté des étoiles », pareil, ce n’est ni une anti-thèse, ni même une figure de style, comme « J’ai posé un stylo noir sur une table blanche », c’est au mieux un petit clin d’oeil
Une antithèse marque une véritable opposition, la coexistence de deux idées diamétralement opposées, établissant un paradoxe:
– « Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie. »
– « Ver de terre amoureux d’une étoile »
– « Innocent dans un bagne, ange dans un enfer » (double antithèse)
« Etre ET ne pas être » serait une antithèse. « Les étoiles brillaient d’obscurité » aussi.
J’ai du mal à comprendre votre commentaire…En quoi être ou ne pas être, se suicider ou non, n’est pas une alliance de contraires ?
Je veux bien que la qualité littéraire de mon exemple « Une obscurité tombait sur la clarté des étoiles » soit mauvaise, mais il se comprend à l’aide de l’oxymore de Corneille duquel je l’ai dérivé.
Votre deuxième exemple n’est pas une antithèse.
Ce n’est pas un alliance, c’est une juxtaposition, l’exposition de deux options bien disjointes, il n’y a aucun lien entre elles. L’antithèse est un rapprochement forcé au mépris de la sémantique, c’est cette friction qui lui donne son intérêt.
Dans mon deuxième exemple, le ver de terre et l’étoile sont deux extrêmes inconciliables et pourtant associés par l’amour de l’un pour l’autre. Un lien, l’antithèse, existe donc bien entre deux idées contraires/opposées/éloignées.
C’est ça pour moi une antithèse: un pont entre les contradictions.
Vous avez une interprétation très personnelle et très restrictive de l’antithèse. C’est votre droit. L’antithèse est, en général, le rapprochement de deux idées opposées. « Être ou ne pas être » n’est pas une simple juxtaposition puisque cette phrase ouvre une méditation sur le suicide. Il est très audacieux d’avancer que la réplique d’Hamlet a une même valeur que « Quelle belle journée pour aller au restaurant OU aller à la piscine ».
Je ne parlais pas de « Ver de terre amoureux d’une étoile », qui figure dans les exemples que je propose, mais de « Les étoiles brillaient d’obscurité ».
Mr Adrian veuillez m’éclairer.
en terme de figure de style quelle différence entre ces deux propositions:
– être ou ne pas être.
Et
– être et ne pas être.
je l’évoque parce que ou implique une option alors que Et coordonne donc veut le deux au même.
merci infiniment pour ce beau travail !!!!