Suscitant de nombreuses controverses, l’Arabie saoudite, terre longtemps déshéritée, est une jeune nation. Née officiellement en 1932, elle s’est hissée aujourd’hui au rang de puissance régionale. Son influence s’étend cependant à travers le monde.
L’histoire et les caractéristiques de la société saoudienne demeurent toutefois méconnues du grand public.
Avant l’Arabie Saoudite
Le royaume saoudien actuel, fondé par Abdelaziz Ibn Saoud en 1932, a été précédé par deux autres royaumes saoudiens.
Au XVIIIe siècle, la péninsule arabique était sous domination ottomane. Cette terre a longtemps été l’objet de nombreuses convoitises puisqu’elle abrite, dans le Hedjaz, la région côtière qui longe la mer Rouge, deux grands lieux saints de l’islam : La Mecque et Médine.
Les tribus bédouines quant à elles étaient essentiellement situées dans la région du Nejd, le centre de la péninsule, contrôlant les oasis qui s’y trouvaient. Ces derniers constituant les seuls points d’eau entre les déserts du Nufud et du Rub al-Khali, ils représentèrent un point de passage inévitable pour les pèlerins ainsi que pour les marchandises transitant entre l’Irak ottoman et le Hedjaz. Ainsi, le contrôle de ces zones assurait une certaine prospérité à ces tribus.
Cependant, la situation économique de ces populations périclita lorsque les routes caravanières de la péninsule arabique furent victimes, au XVIIIe siècle, de nombreuses attaques perpétuées par des bandes armées. L’intervention de la famille bédouine des Saoud change alors la donne.
La naissance du wahhabisme
En effet, les Saoud se lièrent, en 1744, au prédicateur Abd al-Wahhab, issu de la tribu des Al-Shaikh : il s’agit du pacte oral de Najd. Vers 1739, cet imam commence à prêcher et à composer le Kitab al-Tawhid, « Traité sur l’Unicité (divine) », dans lequel il prône une vision rigoriste de l’islam. Cette doctrine sera par la suite surnommée wahhabisme.
Le mariage en 1744 entre la fille de Muhammad Abd-al Wahhab et le fils d’Ibn Saoud scella cette alliance. Ainsi, Muhammad Ibn Saoud devint, dans la même année, l’imam du premier royaume saoudien. Après avoir consolidé de cette manière leur pouvoir et assuré leur intégrité territoriale, les Saoud se lancèrent dans une politique de conquête dans la péninsule arabique, et même au-delà.
Succès et défaites des Saoud
L’ entreprise politico-religieuse engagée par les Saoud fut couronnée de succès. Ils unifièrent le Nejd en ralliant ou en soumettant les tribus voisines puis étendent leur guerre sainte à l’ensemble de la péninsule arabique. Ils conquièrent la Mecque en 1803, et Médine en 1805. En 1810, les deux cités-Etats du Qatar et du Koweït leur prêtent allégeance.
Au sud-est, les bandes armées wahhabites pénètre sur le sol omanais ; au nord, elles mènent des incursions en Irak, allant jusqu’à mettre à sac la ville sainte chiite de Kerbala en 1802. Elles étendent leurs conquêtes jusqu’en Syrie ottomane.
Face à cette expansion, le sultan ottoman, Sélim III, fait appel à l’armée du vice-roi d’Egypte, Méhémet-Ali, qui entama une reconquête de ces territoires. Les hommes d’Ibrahim Pacha, fils de Méhémet-Ali, ravagent les cités caravanières et les oasis du Nejd afin de mettre définitivement un terme aux ambitions saoudiennes.
Toutefois, les Ottomans continuent à administrer cette région d’une main faible, ce qui a conduit à la création, en 1824, d’un nouveau royaume saoudien sous l’égide de Turki al-Saoud. Néanmoins, ce royaume ne connaît pas le même succès militaire que le premier, et finit par être définitivement défait en 1891, à la suite d’une intervention des Egyptiens.
La fondation de l’Arabie saoudite moderne
Dès 1902, un nouveau royaume saoudien, dirigé par Abdelaziz Ibn Saoud, naît dans la péninsule arabique. En 1914, à la veille de la Première Guerre mondiale, les Ottomans reconnaissent l’autorité de ce dernier sur le Nejd. La péninsule arabique est en proie à de multiples tensions durant la Grande Guerre.
Alors sous domination ottomane, cette péninsule doit faire face à des révoltes arabes en 1916, menées par Hussein, le chérif de La Mecque. Hussein bénéficia du soutien des Britanniques — notamment avec l’appui du célèbre Lawrence d’Arabie. Cependant, ils n’appuient pas ses revendications sur le Hedjaz, les Saoud étant alors considérés, selon eux, comme les seuls capables de garantir une cohésion politique et religieuse dans la région. Ainsi, les Saoud s’emparent de La Mecque en 1924, puis Abdelaziz Ibn Saoud se fait reconnaître roi du Hedjaz en 1927.
Enfin, en 1932, Abdelaziz Ibn Saoud fonde officiellement l’Arabie saoudite par la fusion des provinces du Nadjd et du Hedjaz.
L’Arabie saoudite, reine du pétrole
La fondation de l’Aramco
Le pays est extrêmement pauvre à sa création. Aucun gisement pétrolier n’y a encore été découvert. Il faut attendre 1938 pour qu’un gisement pétrolier soit découvert dans la région de Dharhan, au nord-est du pays, par la compagnie américaine California Arabian Standart Oil Company (CASOC). Cette compagnie fut alors renommée Arabian American Oil Company (Aramco) en 1944 ; officiellement gérée de manière équitable entre les Américains et les Saoudiens, ce sont en réalité les Américains qui contrôlent alors essentiellement cette entreprise.
Le pacte du Quincy
À cette occasion, un pacte est scellé entre les Américains et les Saoudiens : en échange d’un accès au pétrole saoudien, les États-Unis s’engagent à accorder une protection militaire à l’Arabie saoudite. Cependant, cette alliance aurait été conclue, selon la mémoire collective, durant la rencontre légendaire entre Franklin Roosevelt et Abdelaziz Ibn Saoud, sur le navire Quincy, le 14 février 1945. « Légendaire », puisqu’en réalité cette rencontre eut pour objet une discussion portant sur les Juifs de Palestine, la Syrie et le Liban ; les garanties pétrolières et militaires ayant été actées préalablement, lors de la création de l’Aramco en 1944.
L’enrichissement de l’Arabie saoudite
L’année 1973 marque un bouleversement, avec la crise du pétrole, les cours du pétrole connaissent une très forte augmentation. L’Arabie saoudite bénéficie de fait d’une influence bien plus importante et entame des renégociations du contrat de l’Aramco, dont elle finit par en devenir l’unique propriétaire en 1980, la société devenant alors la Saudi Aramco.
L’Arabie saoudite connaît un enrichissement impressionnant à partir de la décennie 1970. Cette richesse lui sert alors de levier d’influence, surtout religieuse, à travers le monde. Depuis cinquante ans, le royaume saoudien a dépensé plus de soixante-quinze milliards de dollars dans le financement de mosquées à l’étranger, dans lesquelles fut prêchée sa vision rigoriste de l’islam, le wahhabisme.
L’Arabie saoudite : une société conservatrice en voie de libéralisation ?
L’Arabie saoudite a longtemps été une société ultra-conservatrice. En effet, les lois sont, en grande partie, inspirées des préceptes de l’islam sunnite, de l’école hanbalite, religion officielle du royaume. Or, celui-ci prône une vision rigoriste de l’islam qui se traduit par une réglementation très dure des mœurs.
La libéralisation sous Mohammed ben Salmane
Néanmoins, la société saoudienne bénéficie aujourd’hui une certaine libéralisation. Le jeune prince héritier, Mohammed ben Salmane, a entrepris une politique visant à moderniser son pays depuis sa prise véritable de pouvoir fin 2017. Il a, entre autres, autorisé aux femmes de conduire et a suspendu l’interdiction de se rendre au cinéma.
Cette libéralisation s’explique par la volonté du régime de jouir d’une meilleure image auprès de ses alliés occidentaux, et surtout de faire face au dynamisme de la jeunesse saoudienne. Les deux tiers de la population saoudienne ont moins de trente ans, sont éduqués, ont accès à internet et souhaitent un assouplissement des réglementations sociétales. En outre, les femmes saoudiennes étudient de plus en plus : 60% des femmes saoudiennes sont diplômées du supérieur. Cette catégorie rejette de plus en plus les normes religieuses les plus dures comme archaïques.
Cependant, seules 20% des femmes saoudiennes travaillent. La faiblesse de ce chiffre s’explique par la rigidité de la législation saoudienne. Les femmes saoudienne sont, en effet, placées sous la tutelle de leur mari.
Des défis importants pour le futur
Par ailleurs, le royaume saoudien s’est longtemps reposé sur ses rentes pétrolières. Cependant, cette rente est menacée par la baisse du prix du baril. Dès lors, les Saoudiens, pour assurer la pérennité et la stabilité de leur pouvoir, doivent procéder conjointement à des réformes économiques et à des réformes sociales.
Enfin, l’Arabie saoudite doit faire face à son rival iranien, qui a étendu son influence dans la région, en Syrie, en Irak au Liban notamment. Contre l’avènement de ce géant démographique, l’Arabie Saoudite cherche à se renforcer.
Bibliographie
Pierre Conesa, Dr. Saoud et Mr.
Djihad: la diplomatie religieuse de l’Arabie Saoudite,
2016.
Fatitha Dazi-Héni, L’Arabie saoudite
en 100 questions, 2017.
Guillemette Crouzet, « Arabie
saoudite ; Naissance d’une puissance régionale ». L’Histoire, 443.
Janvier 2018. p.13-18
Laisser un commentaire