Souvent, pour s’amuser, les hommes
d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux
des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de
voyage,
Le navire glissant sur les gouffres
amers.
À peine les ont-ils déposés sur
les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et
honteux,
Laissent piteusement leurs grandes
ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté
d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est
gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est
comique et laid !
L’un agace son bec avec un
brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme
qui volait !
Le Poète est semblable au prince
des nuées
Qui hante la tempête et se rit de
l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des
huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de
marcher.
Fleurs du mal, 1861
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