Les séparés | Poème de Marceline Desbordes-Valmore
VOIR ICI une anthologie des poèmes de la langue française
N’écris pas. Je suis triste, et je
voudrais m’éteindre.
Les beaux étés sans toi, c’est la
nuit sans flambeau.
J’ai refermé mes bras qui ne peuvent
t’atteindre,
Et frapper à mon cœur, c’est frapper
au tombeau.
N’écris pas !
N’écris pas. N’apprenons qu’à
mourir à nous-mêmes
Ne demande qu’à Dieu… qu’à toi, si je
t’aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu
m’aimes,
C’est entendre le ciel sans y monter
jamais.
N’écris pas !
N’écris pas. Je te crains ; j’ai
peur de ma mémoire;
Elle a gardé ta voix qui m’appelle
souvent.
Ne montre pas l’eau vive à qui ne
peut la boire.
Une chère écriture est un portrait
vivant.
N’écris pas !
N’écris pas ces doux mots que je
n’ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur
mon cœur ;
Que je les vois brûler à travers ton
sourire ;
Il semble qu’un baiser les empreint
sur mon cœur
N’écris pas !
Poésies inédites, 1860
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