Spleen | Poème de Charles Baudelaire
Quand le ciel bas et lourd pèse
comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux
longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout
le cercle
II nous verse un jour noir plus
triste que les nuits ;
Quand la terre est changée en un
cachot humide,
Où l’Espérance, comme une
chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile
timide
Et se cognant la tête à des plafonds
pourris ;
Quand la pluie étalant ses
immenses traînées
D’une vaste prison imite les
barreaux,
Et qu’un peuple muet d’infâmes
araignées
Vient tendre ses filets au fond de
nos cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent
avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux
hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans
patrie
Qui se mettent à geindre
opiniâtrement.
– Et de longs corbillards, sans
tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon
âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce,
despotique,
Sur mon crâne incliné plante son
drapeau noir.
Les fleurs du mal, 1857
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