Premier sourire de printemps | Poème de Théophile Gautier
Voir ici une anthologie des poèmes de la langue française
Tandis qu’à
leurs oeuvres perverses
Les hommes courent
haletants,
Mars qui rit, malgré les
averses,
Prépare en secret le
printemps.
Pour les petites
pâquerettes,
Sournoisement lorsque tout
dort,
Il repasse des collerettes
Et cisèle des boutons
d’or.
Dans le verger
et dans la vigne,
Il s’en va, furtif
perruquier,
Avec une houppe de
cygne,
Poudrer à frimas
l’amandier.
La nature au lit
se repose ;
Lui descend au jardin
désert,
Et lace les boutons de
rose
Dans leur corset de velours
vert.
Tout en
composant des solfèges,
Qu’aux merles il siffle à
mi-voix,
Il sème aux prés les
perce-neiges
Et les violettes aux
bois.
Sur le cresson
de la fontaine
Où le cerf boit, l’oreille au
guet,
De sa main cachée il
égrène
Les grelots d’argent du
muguet.
Sous l’herbe,
pour que tu la cueilles,
Il met la fraise au teint
vermeil,
Et te tresse un chapeau de
feuilles
Pour te garantir du
soleil.
Puis, lorsque sa
besogne est faite,
Et que son règne va
finir,
Au seuil d’avril tournant la
tête,
Il dit : » Printemps, tu peux
venir ! «
Emaux et Camées, 1852
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