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Je ne sais | Poème de Léopold Sédar Senghor

Publié le 27/05/2018
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Photo de Ayo Ogunseinde

Je ne sais | Poème de Léopold Sédar Senghor


Je ne sais en quel temps c’était, je confonds toujours l’enfance et l’Éden Comme je mêle la Mort et la Vie – un pont de douceur les relie.

Or je revenais de Fa’oye, m’étant abreuvé à la tombe solennelle Comme les lamantins s’abreuvent à la fontaine de Simal.
Or je revenais de Fa’oye, et l’horreur était au zénith

Or c’est l’heure où l’on voit les esprits, quand la lumière est transparente
Et c’était l’heure où l’on voit les Esprits, quand la lumière est transparente
Et il fallait s’écarter des sentiers, pour éviter leur main fraternelle et mortelle. L’âme d’un village battait à l’horizon. Était-ce des vivants ou des Morts ?

 » Puisse mon poème de paix être l’eau calme sur tes pieds et ton visage
Et que l’ombre de notre cour soit fraîche à ton cœur « , me dit-elle.
Ses mains polies me revêtirent d’un pagne de soie et d’estime
Son discours me charma de tout mets délectable – douceur du lait de la mi-nuit. Et son sourire était mélodieux que le khalam de son dyâli.

L’étoile du matin vint s’asseoir parmi nous, et nous pleurâmes délicieusement.

Ma sœur exquise, garde donc ces grains d’or, qu’ils chantent l’éclat sombre de ta gorge.
Ils étaient pour ma fiancée belle, et je n’avais pas de fiancée.
Mon frère élu, dis-moi ton nom. Il doit résonner haut comme un sorong
Rutiler comme le sabre au soleil. Oh ! Chante seulement ton nom.
Mon cœur est un coffret de bois précieux, ma tête un vieux parchemin de Djenné.
Chante seulement ton lignage, que ma mémoire te réponde.

Je ne sais en quel temps c’était, je confonds présent et passé
Comme je mêle la Mort et la Vie – un pont de douceurs les relie.

Éthiopiques, 1956