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Accumulation : définition simple et exemples (figure de style)

Publié le 17/11/2017 (m.à.j* le 28/10/2024)
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Définition

L’accumulation est un procédé par lequel on aligne, on accumule un grand nombre de termes pour multiplier les informations dans le but d’insister sur une idée, lui donner plus de force, la rendre plus saillante, plus frappante. L’accumulation est une figure d’amplification. Les mots accumulés sont en général de même nature, de même fonction grammaticale ou de même sonorité afin de rendre l’expression plus cohérente. La gradation et l’énumération sont des types d’accumulation. L’anaphore et l’hyperbole s’appuient sur ce procédé.

 

Illustration

Au ciel, aux vents, aux rocs, à la nuit, à la brume,
Le sinistre océan jette son noir sanglot.

Hugo, Légende des siècles, Les Pauvres gens

Hugo accumule le nom des éléments auxquels « l’océan jette son noir sanglot ». Autre exemple

Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une description qui retarderait trop l’intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas. Le carreau rouge est plein de vallées produites par le frottement ou par les mises en couleur. Enfin, là règne la misère sans poésie ; une misère économe, concentrée, râpée. Si elle n’a pas de fange encore, elle a des taches ; si elle n’a ni trous ni haillons, elle va tomber en pourriture.

Balzac, Le Père Goriot

Cet extrait contient aussi une prétérition.

 

L’effet de l’accumulation

L’accumulation donne plus de relief à l’expression d’une pensée en créant une impression de chaos, de désordre, de profusion, de foisonnement, d’accélération lorsque des noms sont accumulés, de ralentissement lorsque ce sont des adjectifs. Exemple

Quel programme d’occupations intellectuelles pouvait simultanément se réaliser ? La photographie instantanée, l’étude comparative des religions, le folklore relatif à un certain nombre de pratique amoureuses et superstitieuses, et l’observation des corps célestes.

Joyce, Ulysse, cité par le Gradus

Comme l’avance La littérature française de A à Z, l’accumulation peut être un procédé comique, comme dans l’exemple suivant, dans lequel Rabelais mélange du patois et des termes médicaux savants dans un véritable délire verbal (Le Petit Retz de l’expression écrite):

[…]aux uns écrabouillait la cervelle, aux autres rompait bras et jambes, aux autres délochait les spondyles du cou, aux autres démoulait les reins, avalait le nez, pochait les yeux, fendait les mandibules, enfonçait les dents en la gueule, décroulait les omoplates, sphacelait les grèves, dégondait les ischies, débesillait les faucilles

Rabelais, Gargantua

 

Accumulation et gradation

La gradation est un type d’accumulation par lequel on ordonne les termes d’une phrase qui évoquent une idée similaire selon une progression ascendante ou descendante. En d’autres mots, une même idée peut être exprimée avec plus ou moins de force grâce à une énumération de termes qui peuvent gagner ou perdre en intensité, en nombre, en taille, etc. Les termes qui se suivent dans une gradation progressent par le sensExemple :

C’est un roc ! c’est un pic ! c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ? … c’est une péninsule !

Rostand, Cyrano de Bergerac, I, 4

Cyrano de Bergerac parle de son gros nez par des métaphores désignant un élément toujours plus important en dimension. On parlera souvent de gradation ascendante pour désigner une gradation qui gagne en intensité.

 

Accumulation et énumération

L’énumération est une accumulation qui consiste à récapituler tous les éléments d’un ensemble, toutes les circonstances d’un fait, tous les détails d’une idée. Il faut que la récapitulation soit complète, que tout soit énuméré. La distinction n’est cependant pas toujours claire entre énumération et accumulation. Exemple

L’hallucination, la candeur, la fureur, la mémoire, ce Protée lunatique, les vieilles histoires, la table et l’encrier, les paysages inconnus, la nuit tournée, les souvenirs inopinés, les prophéties de la passion, les conflagrations d’idées, de sentiments, d’objets, la nudité aveugle, les entreprises systématiques à des fins inutiles et les fins inutiles devenant de première utilité, le dérèglement de la logique jusqu’à l’absurde, l’usage de l’absurde jusqu’à l’indomptable raison, c’est cela – et non l’assemblage plus ou moins savant, plus ou moins heureux des voyelles, des consonnes, des syllabes, des mots – qui contribue à l’harmonie d’un poème. Il faut parler une pensée musicale qui n’ait que faire des tambours, des violons, des rythmes et des rimes du terrible concert pour oreilles d’ânes.

Éluard, Donner à voir

L’épitrochasme

L’épitrochasme est une accumulation de mots courts, créant un effet d’insistance, de saccade, grâce à l’asyndète.

Don Fernand, dans sa province, est oisif, ignorant, médisant, querelleux, fourbe, intempérant, impertinent.

La Bruyère, Les Caractères, De l’homme, cité par Henri Suhamy

Une figure de style critiquée

L’accumulation est un procédé d’amplification facile, très courant dans la vie de tous les jours ou en politique. Gautier s’est moqué du procédé dans sa préface à Mademoiselle de Maupin, selon le Gradus :

MODÈLE D’ARTICLES VERTUEUX
Après la littérature de sang, la littérature de fange ; après la Morgue et le bagne, l’alcôve et le lupanar ; après les guenilles tachées par le meurtre, les guenilles tachées par la débauche ; après, etc. (selon le besoin et l’espace, on peut continuer sur ce ton depuis six lignes jusqu’à cinquante et au-delà)…

Gautier, Mademoiselle de Maupin

 

Étymologie de accumulation

Accumulation vient du latin accumulare, c’est-à-dire « amonceler, accumuler, ajouter une chose à une autre ».

 

Exemples de accumulation

Je n’ai plus que les os, un squelette je semble,
Décharné, dénervé, démusclé, dépoulpé

Ronsard, Je n’ai plus que les os

Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée

La Fontaine, Fables, La Laitière et le Pot au lait

Ce vers est aussi une asyndète.

Je m’en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu’à aujourd’hui, la plus brillante, la plus digne d’envie ;

Madame de Sévigné, Lettre du 15 décembre 1670 à M. de Coulanges

Ce n’est pas seulement par plaisanterie que Paris a été nommé un enfer. Tenez ce mot pour vrai. Là tout fume, tout brûle, tout brille, tout bouillonne, tout flambe, tout s’évapore, s’éteint, se rallume, étincelle, pétille et se consume.

Balzac, La Fille aux yeux d’or

Les roues, les scies, les chaudières, les laminoirs, les cylindres, les balanciers, tous ces monstres de cuivre, de tôle et d’airain que nous nommons des machines et que la vapeur fait vivre d’une vie effrayante et terrible, mugissent, sifflent, grincent, râlent, reniflent, aboient, glapissent, déchirent le bronze, tordent le fer, mâchent le granit, et, par moments, au milieu des ouvriers noirs et enfumés qui les harcèlent, hurlent avec douleur dans l’atmosphère ardente de l’usine, comme des hydres et des dragons tourmentés par des démons dans un enfer.

Hugo, Le Rhin, lettres à un ami, Lettre VII

Il se couchait, puis se redressait, s’effaçait dans un coin de porte, puis bondissait, disparaissait, reparaissait, se sauvait, revenait, ripostait à la mitraille par des pieds de nez, et cependant pillait les cartouches, vidait les gibernes et remplissait son panier.

Les Misérables, Mort de Gavroche

Il y a ici aussi homéotéleute, c’est-à-dire répétition à la fin de chaque mot une syllabe identique. 

Quand on m’aura jeté, vieux flacon désolé
Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé

Baudelaire, Fleurs du mal, Le Flacon

Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès, de romances,

Spleen, LXXVI

Devant eux, sur de petites tables carrées ou rondes, des verres contenaient des liquides rouges, jaunes, verts, bruns, de toutes les nuances ;

Maupassant, Bel ami

Quatre-ving-six département qui ont des pointes, des épines, des crêtes, des lames, des tenons, des crochets, des griffes, des ongles, et qui ont aussi des fentes, des fissures, des crevasses, des trous […]

Romains, Les Copains

Cet extrait tient aussi de l’hyperbole, voire de l’adynaton.

La joie que Nous connaissons, la joie que Nous avons été chargé de leur donner, fais-leur comprendre que ce n’est pas un mot vague, un insipide lieu commun de sacristie,
Mais une horrible, une superbe, une absurde, une éblouissante, une poignante réalité, et que tout le reste n’est rien auprès.

Claudel, Le Père humilié

On peut parler ici de tohu-bohu, c’est-à-dire d’une accumulation d’adjectifs désordonnés.

[…] et là se fait entendre un perpétuel piétinement, caquettement, mugissement, beuglement, bêlement, meuglement, grondement, rognonnement, mâchonnement, broutement des moutons et des porcs et des vaches à la démarche pesante

Joyce, Ulysse cité par le Gradus

Cela tintait, grinçait, cognait, cela grondait, haletait, soufflait, et stridait, et hoquetait, et trépidait, à croire que les murs de la grange allaient se fendre et s’écrouler.

Genevoix, Contes et récits

On trouve aussi un homéotéleute.

ces multitudes terribles et migratrices tourbillonnant sans fin à la surface de la terre errant de l’Orient à l’Occident à travers le temps et l’espace se traînant de lieux saints en lieux saints fanatiques cauchemardesques avec leurs yeux chassieux leurs ulcères leurs membres tordus leur colères et leur désespoir les hailloneux troupeaux de paralytiques d’affamés de borgnes de boiteux et de bossus se bousculant dans les déserts les défilés les montagnes sauvages les villes pestiférées et vides…se traînant claudiquant véhiculés dans un bruit de béquilles de voitures d’infirmes de carrioles d’autos démantibulées de litanies d’hymnes de sébilles et d’imprécations

Simon, Histoire

Enfile-moi cet uniforme, là, oui, c’est ça, eh bien, grouille-toi, fais fiça, magne-toi le pot, le popotin si tu préfères, enfin t’y voilà

Queneau, Pierrot mon ami

Jamais on échangea en prose et en vers pareille quantité de douceurs. Pour Voltaire, Frédéric [de Prusse] est Marc-Aurèle, Titus, Antonin, César, Julien, Alcibiade, le Salomon du Nord, un esprit sublime, un corps aimable, une âme héroïque et tendre. Il pense comme Trajan et il écrit comme Pline…

Gaxotte cité par Gilles Perrault dans Le Secret du Roi : la passion polonaise

Tient aussi de l’hyperbole.

J’dynamite
J’disperse
J’ventile