1739 Vues
Enregistrer

Agnostique et athée : quelle différence ?

Publié le 28/10/2020
10 commentaires

Le rapport à la transcendance de l’agnostique et de l’athée diffèrent. 

 

Agnostique : définition

Être agnostique signifie penser qu’on ne peut répondre à la question de l’existence de Dieu, ou que toute connaissance sur l’existence de Dieu, sur un autre type de divinité ou sur la transcendance en général (ce qui est au-delà de la réalité, la réalité spirituelle qui nous gouverne secrètement) est impossible. Ce serait un domaine de la connaissance qui n’est pas accessible à la raison humaine.  Se dire agnostique peut aussi signifier tout simplement ne pas savoir si Dieu ou une transcendance existe ou non, ne pas avoir une position fondée sur cette question. Cela peut donc être un aveu d’ignorance, ou un « état psychologique ». 

Le terme a été inventé par le biologiste et philosophe anglais Thomas Huxley (1825 – 1895), à partir d’un terme qui se trouve dans le récit des Actes des apôtres du Nouveau Testament, agnosto, « inconnu« , employé par Paul à propos d’un dieu auquel les Athéniens ont dédié un autel :

Pour Huxley, le qualificatif « agnostique » ne renvoyait pas à la simple ignorance sur la question de l’existence de Dieu, mais sur toutes les matières dépourvues de fondements acceptables par tous, sur lesquelles certains n’hésitent pas pourtant à discourir sans avancer de preuves évidentes.

Il y a vingtaine d’années, ou environ, j’ai inventé le mot « agnostique » pour désigner les gens qui, comme moi, avouent à eux-mêmes être désespérément ignorants à propos d’une variété de matières, à propos desquelles les métaphysiciens et les théologiens, orthodoxes et hétérodoxes, dogmatisent avec la plus grande confiance […]

Some twenty years ago, or thereabouts, I invented the word « Agnostic » to denote people who, like myself, confess themselves to be hopelessly ignorant concerning a variety of matters, about which metaphysicians and theologians, both orthodox and heterodox, dogmatise with the utmost confidence […]

The Agnostic Annual (1884)

Cependant, le terme s’est depuis spécialisé sur la question de l’existence de Dieu. Exemple :

Je n’ai pas la foi religieuse. Je suis présentement ce que j’appelle pendant les heures d’amertume un agnostique désespéré, ce que j’appellerai plus tard ayant pesé les mots et les idées, un agnostique chrétien. 

Duhamel, Les Espoirs et les Épreuves, cité par Mauriac

Voir ici : « prodigue » et « prodige », quelle différence ? 

 

Athée : définition

Être athée signifie nier l’existence de toute divinité, que ce soit Dieu ou les dieux, ou croire qu’il n’y a pas de divinité. Athéisme vient du grec atheos, a- étant un préfixe signifiant « sans » (un privatif), et theos signifiant « dieu ». L’athéisme est :

  • soit une position philosophique, une proposition par laquelle on affirme que la divinité n’existe pas ;
  • soit un « état psychologique » dans lequel l’esprit de l’individu fonctionne sans la divinité (Dieu, les dieux ou quelconque force spirituelle n’existent pas dans son esprit). 

L’athéisme est lié au matérialisme, une doctrine philosophique selon laquelle il n’existe que la réalité matérielle, ce dont l’individu fait directement l’expérience par ses sens ou ce que qu’il produit par son esprit. Selon les doctrines matérialistes, les puissances spirituelles (Dieu, les dieux, l’âme ou de l’individu, etc.) n’existent pas ou ne comptent pas. 

Certains philosophes se sont dit explicitement athées. L’athéisme du philosophe russe Bakounine (1814 – 1876) est par exemple lié à son anarchisme, c’est-à-dire sa volonté d’émanciper l’individu de toute les tutelles, celle de l’État comme celle de Dieu, pour sa plus grande liberté. Sartre (1905 – 1980) qualifie sa doctrine, l’existentialisme, d’athée, car l’homme, libre, se définit par lui-même, pas par un créateur. Plus récemment, André Comte-Spontville (né en 1952) a distingué l’athéisme négatif, « ne pas croire en Dieu » , de l’athéisme positif, « croire que Dieu n’existe pas », le deuxième étant un militant et actif. 

Chercher à distinguer athée et agnostique est une discussion oiseuse pense François Cavanna (1923 – 2014). L’agnosticisme est selon lui un constat de l’impossibilité de répondre à la question de l’existence de Dieu. L’athéisme est le fait d’adapter son comportement à cette ignorance, de se conduire en faisant fi du problème de son existence. 

L’agnosticisme est un raisonnement.
L’athéisme est un comportement.
L’un découle de l’autre

Lettre ouverte aux culs-bénits (1994)

Exemples :

  • J’ai connu un médecin provençal, le docteur Vigaroux ; arrivé à l’âge où chaque plaisir retranche un jour,  » il n’avait point, disait-il, de regret du temps ainsi perdu ; sans s’embarrasser s’il donnait le bonheur qu’il recevait, il allait à la mort dont il espérait faire sa dernière délice « . Je fus cependant témoin de ses pauvres larmes lorsqu’il expira ; il ne put me dérober son affliction ; il était trop tard : ses cheveux blancs ne descendaient pas assez bas pour cacher et essuyer ses pleurs. Il n’y a de véritablement malheureux en quittant la terre que l’incrédule : pour l’homme sans foi, l’existence a cela d’affreux qu’elle fait sentir le néant ; si l’on n’était point né, on n’éprouverait pas l’horreur de ne plus être : la vie de l’athée est un effrayant éclair qui ne sert qu’à découvrir un abîme. (Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe)
  • Un artiste n’a pas besoin d’exprimer directement sa pensée dans son ouvrage pour que celui-ci en reflète la qualité ; on a même pu dire que la louange la plus haute de Dieu est dans la négation de l’athée qui trouve la Création assez parfaite pour se passer d’un créateur. (Proust, À la recherche du temps perdu)
  • L’existentialisme athée, que je représente, est plus cohérent. Il déclare que si Dieu n’existe pas, il y a au moins un être chez qui l’existence précède l’essence, un être qui existe avant de pouvoir être défini par aucun concept et que cet être c’est l’homme (Sartre, L’existentialisme est un humanisme)

Chapelle, église, cathédrale, basilique : quelle différence ?