Une anadiplose est une figure de style par laquelle on répète le dernier mot d’une proposition (un même ensemble de termes) au début de la proposition suivante.
- Exemple : « Je vis ce beau Lyon, Lyon que tant je prise. » (Du Bellay, Les Regrets, Lyon). Il y a anadiplose car le mot Lyon est répété dans deux propositions différentes, séparées par une virgule.
- Autre exemple : « L’absence, c’est Dieu. Dieu, c’est la solitude des hommes. » (Sartre, Le Diable et le bon Dieu)
Anadiplose et concaténation
Quand plusieurs anadiploses se suivent, on peut parler de concaténation. Exemple : « L’être vulgaire ne se connaît lui-même qu’à travers le jugement d’autrui, c’est autrui qui lui donne son nom, ce nom sous lequel il vit et meurt comme un navire sous un pavillon étranger. » (Bernanos, Romans, cité par le Gradus)
Les célèbres généalogies de la Bible sont des concaténations : « Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères ; »(Matthieu 1 : 2)
L’effet de l’anadiplose
L’anadiplose, qui est une figure de style de répétition, permet à l’auteur de fixer l’attention du lecteur sur un mot en particulier. Elle permet de donner de l’emphase à un discours. L’anadiplose est aussi un procédé d’oralisation : elle permet à l’auteur de rendre plus réelle une conversation. En effet, dans le langage parlé, il est courant de répéter un même mot en formant sa pensée.
Anadiplose et chiasme
Le chiasme (se prononce kiasme) est une figure de style qui consiste à disposer au moins 2 éléments, par exemple l’adjectif + le nom rude journée, en miroir avec au moins deux autres éléments correspondants, par exemple le nom + l’adjectif travail fructueux. On obtient ainsi une phrase formée sur le modèle AB/BA : à rude journée, travail fructueux. Exemple : « Un roi chantait en bas, en haut mourait un Dieu. » (Hugo, La légende des siècles, Booz endormi)
Anadiplose, anaphore, épanalepse et épanadiplose
Alors que l’anadiplose est une procédé par lequel on répète le dernier mot d’une proposition au début de la proposition suivante…
- l’anaphore consiste à répéter un même mot ou un même groupe de mots en tête de phrases, de vers, de paragraphes qui se suivent. Exemple d’anaphore : « Paris, Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré !… » (Charles de Gaulle)
- l’épanalepse consiste à répéter un ou plusieurs mots. Exemple d’épanalepse : « L’ombre d’elle-même ! l’ombre d’elle-même ! la malheureuse a vieilli de cent ans ! de cent ans ! » (Colette, Chéri)
- l’épanadiplose (une variété d’épanalèpse) consiste à répéter un même mot en début et en fin de phrase de deux propositions juxtaposées par une virgule ou un point-virgule. Exemple épanadiplose : Je vous salue, ma France, aux yeux de tourterelle / Jamais trop mon tourment, mon amour jamais trop (Aragon, Le Musée Grevin)
Étymologie
L’anadiplose est un emprunt au grec anadiplosis, « redoublement ».
Exemples d’anadiploses
- Nous ne cessions point d’aller pendant qu’il parlait, mais nous traversions la forêt, je dis l’épaisse forêt des esprits. (Dante, Divine Comédie, L’Enfer, IV, 22)
- Et Cérès, que fit-elle
?
Ce qu’elle fit ? Un prompt courroux
L’anima d’abord contre vous.(La Fontaine, Fables, Le pouvoir des Fables) - Et les princes et les peuples gémissaient en vain ; en vain, Monsieur, en vain, le roi lui-même tenant Madame serrée dans de si étroits embrasements. (Bossuet, Oraison funèbre de la duchesse d’Orléans)
- Et leur chanson se mêle au clair de lune, au calme clair de lune triste et beau. (Verlaine, Fêtes galantes, Clair de lune)
- La mélancolie et la tristesse
sont déjà le commencement du doute ; le doute est le commencement du désespoir ; le désespoir est le
commencement cruel des différents degrés de la méchanceté.
(Lautréamont, Chants de Maldoror)
- On peut donc parler ici de concaténation.
- […] selle de cheval, cheval de
course, course à pied, pied à terre, terre de feu…
Le néant a produit le vide, le vide a produit le creux, le creux a produit le souffle, le souffle a produit le soufflet et le souffle a produit le soufflé. (Claudel, Le Soulier de satin, 4e journée)- La concaténation donne ici un style biblique (reprenant celui de la Genèse) au texte de Claudel. Il joue aussi sur l’homonymie des termes.
- On a sorti nos révolvers et on a tiré. On a tiré précipitamment… (Michaux, Un certain Plume)
- Pour moi, c’est un malheur. Un malheur, tout le monde sait ce que c’est. Ça vous laisse sans défense. (Camus, L’Étranger)
- Elle est seule. Seule comme un astre éteint. (Sarraute, Le Planétarium)
Anadiplose dans le rap : Demain c’est loin, de IAM
Le groupe de rap marseillais IAM multiplie les anadiploses au début de la chanson Demain, c’est loin (1997) en reprenant le dernier terme d’un vers au début du vers suivant.
L’encre coule, le sang se répand ; la feuille buvard
Absorbe l’émotion, sac d’images dans ma mémoire
Je parle de ce que mes proches vivent et de ce que je vois :
Des mecs coulés par le désespoir qui partent à la dérive
Des mecs qui pour 20 000 de shit se déchirent
Je parle du quotidien, écoute bien, mes phrases font pas rire
Rire, sourire, certains l’ont perdu
Je pense à Momo qui m’a dit « à plus » ; jamais je ne l’ai revu
Tenter le diable pour sortir de la galère, t’as gagné frère
Mais c’est toujours la misère pour ceux qui poussent derrière
Pousse, pousser au milieu d’un champ de béton
Grandir dans un parking et voir les grands faire rentrer les ronds
La pauvreté, ça fait gamberger, en deux temps, trois mouvements
On coupe, on compresse, on découpe, on emballe, on vend
À tour de bras, on fait rentrer l’argent, on craque
Ouais, c’est ça la vie, et parle pas de RMI ici
Ici, le rêve des jeunes c’est la Golf GTI, survet’ Tacchini
Tomber les femmes à l’aise comme Manny
Sur Scarface, je suis comme tout le monde : je délire bien
Dieu merci, j’ai grandi, je suis plus malin, lui il crève à la fin
La fin, la faim, la faim justifie les moyens, quatre, cinq coups malsains
Et on tient jusqu’à demain, après on verra bien
On marche dans l’ombre du Malin du soir au matin
Tapis dans un coin, couteau à la main, bandit de grand chemin
Chemin, chemin, y en a pas deux pour être un dieu
Frapper comme une enclume, pas tomber les yeux, l’envieux toujours en veut
Une route pour y entrer, deux pour s’en sortir, 3/4 cuir
Réussir, s’évanouir, devenir un souvenir
Souvenir, être si jeune, en avoir plein le répertoire
Des gars rayés de la carte qu’on efface comme un tableau, tchpaou ! C’est le noir
Croire en qui, en quoi ? Les mecs sont tous des miroirs
Vont dans le même sens, veulent s’en mettre plein les tiroirs
Tiroir, on y passe notre vie, on y finit
Avant de connaître l’enfer sur terre, on construit son paradis
Fiction, désillusion trop forte, sors le chichon
La réalité tape trop dur, besoin d’évasion
Evasion, évasion, effort d’imagination, ici tout est gris :
Les murs, les esprits, les rats la nuit
On veut s’échapper de la prison, une aiguille passe, on passe à l’action
Fausse diversion, un jour tu pètes les plombs
Les plombs, certains chanceux en ont dans la cervelle
D’autres se les envoient pour une poignée de biftons guerre fraternelle
Les armes poussent comme la mauvaise herbe
L’image du gangster se propage comme la gangrène sème ses graines
Graines, graines, graine de délinquant qu’espériez-vous ? Tout jeunes
On leur apprend que rien ne fait un homme à part les francs
Du franc-tireur discret au groupe organisé, la racine devient champ
Trop grand, impossible a arrêter
Arrêté, poisseux au départ, chanceux à la sortie
On prend trois mois, le bruit court, la réputation grandit
Les barreaux font plus peur, c’est la routine, vulgaire épine
Fine esquisse à l’encre de Chine, figurine qui parfois s’anime
S’anime, animé d’une furieuse envie de monnaie
Le noir tombé, qu’importe le temps qu’il fait, on jette les dés, faut flamber
Perdre et gagner, rentrer avec quelques papiers en plus
Ça aidera, personne demandera d’où ils sont tombés
Tomber ou pas, pour tout, pour rien, on prend le risque, pas grave cousin
De toute façon dans les deux cas, on s’en sort bien
Vivre comme un chien ou un prince, y’a pas photo
On fait un choix, fait griller le gigot, briller les joyaux
Joyaux, un rêve, plein les poches mais la cible est trop loin, la flèche
Ricoche, le diable rajoute une encoche, trop moche, les mecs cochent
Leur propre case, décoche pour du cash, j’entends les cloches, à coups de pioche
Creuser un trou, c’est trop fastoche
Fastoche, facile le blouson du bourgeois docile
Des mémés la hantise et porcelaine dans le pare-brise
Tchac ! Le rasoir sur le sac à main, par ici les talbins
Ça c’est toute la journée, lendemain après lendemain
Lendemain ? C’est pas le problème, on vit au jour le jour
On n’a pas le temps ou on perd de l’argent, les autres le prennent
Demain, c’est loin, on n’est pas pressé, au fur et à mesure
On avance en surveillant nos fesses pour parler au futur
Futur, le futur ne changera pas grand-chose, les générations prochaines
Seront pires que nous, leur vie sera plus morose
Notre avenir, c’est la minute d’après, le but, anticiper
Prévenir avant de se faire clouer
Clouer, cloués sur un banc, rien d’autre à faire, on boit de la bière
On siffle les gazières qui n’ont pas de frère
Les murs nous tiennent comme du papier tue-mouches
On est là, jamais on s’en sortira, Satan nous tient avec sa fourche
Fourche, enfourcher les risques, seconde après seconde
Chaque occasion est une pierre de plus ajoutée à nos frondes
Contre leurs lasers, certains désespèrent, beaucoup touchent terre
Les obstinés refusent le combat suicidaire
Sidère, sidérés, les dieux regardent l’humain se diriger
Vers le mauvais côté de l’éternité d’un pas ferme et décidé
Préférant rôder en bas en haut, on va s’emmerder
Y a qu’ici que les anges vendent à fumer
Fumée, encore une bouffée, le voile est tombé
La tête sur l’oreiller, la merde un instant estompée
Par la fenêtre, un cri fait son entrée, un homme se fait braquer
Un enfant se fait serrer, pour une Cartier, menotté
Menotté, pieds et poings liés par la fatalité
Prisonnier du donjon, le destin est le geôlier
Le turf, l’arène, on a grandi avec les jeux
Gladiateur courageux, mais la vie est coriace, on lutte comme on peut
L’anadiplose dans Star wars
Le personnage Yoda est un grand maître des anadiploses :
La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance.
prout; caca. est- une anadypolse ?
Oui et quelque sorte mais avec langage apparenté.
J’utilise votre site pour vous exposer une remarque concernant ce que je nommerai un tic de langage, une sorte de mode ou de mal qui se répand chez bon nombre de locuteurs, notamment à la radio ou à la télévision. De très nombreux intervenants suspendent trop souvent leurs phrases par des césures, mimant une respiration, en reprenant le dernier mot (sorte d’anadiplose.. ?, ou forme de bégaiement..). Exemples :
« c’est en effet ce matin que,.. que le suspect a été arrêté »
« .. mais savez-vous vraiment ce qu’il.. ce qu’il y a dans ces plats »
etc..
J’aimerais votre avis,
Merci