Définition
Un astéisme consiste à louer quelqu’un ou quelque chose en lui faisant un faux reproche, une fausse injure ou un faux sarcasme. C’est, en d’autres termes, un compliment déguisé. Il est donc proche de l’antiphrase. Exemple :
Chérubin : Ah ! Suzon, qu’elle est noble et belle ! mais qu’elle est imposante !
Suzanne : C’est-à-dire que je ne le suis pas, et qu’on peut oser avec moi…
Chérubin : Tu sais trop bien, méchante, que je n’ose pas oser.
Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, I, 7
Chérubin qualifie Suzanne de « méchante », mais on comprend bien qu’il ne la pense pas vraiment méchante, qu’il plaisante parce qu’elle l’invite à oser son entreprise amoureuse. Ce procédé, qui joue sur le paradoxe, suppose donc une connivence entre les locuteurs, pour que l’effet ne soit pas contraire. Les locuteurs jouent en effet une petite comédie galante et agréable. Cette figure de style est parfois considéré comme l’inverse de l’ironie, si cette dernière est considérée comme le procédé qui consiste à faire un faux éloge derrière lequel se cache un blâme. On parle aussi, pour cette catégorie d’ironie, de dyarisme.
Une figure voisine : le chleuasme
Le chleuasme est une figure de style voisine : elle consiste à faussement s’auto-dénigrer pour parer la critique ou pour susciter des commentaires élogieux. Exemple :
- – Je suis vraiment
mauvais dans ce que je fais…
– Tu plaisantes ? Tu es parmi les meilleurs !
Étymologie d’astéisme
Ce terme a été formé (au XVIIIe siècle ?) à partir du grec astu, « ville ». Il faut comprendre aussi que la pratique de l’astéisme est une urbanité, c’est-à-dire se montrer raffiné, fin, policé.
Exemples d’astéismes
GRAND ROY, cesse de vaincre, ou je cesse d’écrire.
Tu sçais bien que mon stile est né pour la Satire :
Mais mon esprit contraint de la desavoüer,
Sous Ton regne étonnant ne veut plus que loüer…
Je n’admirois que Toy.Boileau, Épître VIII, Au Roy
Boileau blâme faussement Louis XIV pour ses victoires, pour mieux en célébrer la gloire.
Le Gradus de Bernard Dupriez donne comme exemple « à charge de revanche ! », formule qui, déguisée sous une menace de revanche, promet en réalité de rendre la pareille. Il cite aussi L’Âge de raison de Sartre :
- Mathieu « s’approcha de
Brunet et le secoua par les épaules: Il l’aimait très
fort.
— Sacré vieux racoleur, lui dit-il, sacrée putain. Cela me fait plaisir que tu me dises tout ça »
Ces astéismes sont proches de l’argot contemporain, où il est courant de proférer de fausses insultes affectueuses (« ah, le batard ! il est trop fort »). Un autre exemple topique est attribué à Vincent Voiture, sans que sa provenance exacte soit repérée :
- Quoi ! encore un nouveau chef-d’œuvre ! N’était-ce pas assez de ceux que vous avez déjà publiés ? Vous voulez donc désespérer tout à fait vos rivaux ?
Dans les Précieuses ridicules de Molière :
Mascarille, s’écriant brusquement : Ahi, ahi, ahi, doucement ! Dieu me damne, Mesdames, c’est fort mal en user ; j’ai à me plaindre de votre procédé ; cela n’est pas honnête.
Cathos : Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous ?
Mascarille : Quoi ? Toutes deux contre mon coeur, en même temps ! M’attaquer à droit et à gauche ! Ah ! C’est contre le droit des gens ; la partie n’est pas égale ; et je m’en vais crier au meurtre.
Cathos : Il faut avouer qu’il dit les choses d’une manière particulière.
Magdelon : Il a un tour admirable dans l’esprit.
X
Chez Proust :
À son entrée, tandis que Mme Verdurin montrant des roses qu’il avait envoyées le matin lui disait : « Je vous gronde » et lui indiquait une place à côté d’Odette […]
À la recherche du temps perdu
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