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Avoir le cafard : d’oĂč cette expression vient-elle ? 😔

Publié le 22/06/2021
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⏳ Temps de lecture : 3 minutes

Définition

Avoir le cafard signifie : avoir des idĂ©es noires, ne pas avoir le moral, ĂȘtre dĂ©goĂ»tĂ© de la vie. 

 

Synonyme

Broyer du noir. 

 

Avoir le cafard : origine de l’expression

Les blattes, ou les cafards (terme d’origine arabe), sont des insectes qui fuient la lumiĂšre oĂč ils sont plus vulnĂ©rables. L’animal sert donc de mĂ©taphore pour dĂ©signer celui qui est dans les tĂ©nĂšbres, celui qui se rĂ©fugie dans l’ombre, c’est-Ă -dire dans la tristesse et la mĂ©lancolie. Elle peut aussi ĂȘtre expliquĂ©e par l’idĂ©e qu’une petite bĂȘte se promĂšne dans la tĂȘte d’une personne et lui creuse le crĂąne, lui travaille l’esprit et le corrompt. Cette expression aurait d’abord eu le sens d’ « ĂȘtre dans un Ă©tat de confusion » avant d’évoluer vers « avoir les idĂ©es noires » :

L’homme a raison, il n’est pas seul criminel ; car les fumĂ©es de l’absinthe, en pourrissant son cerveau, y gĂ©nĂšrent un champignon dont la croĂ»te en se fendillant, laisse s’évader le vrai coupable : le cafard. 

À peine Ă©chappĂ©, le cafard s’engage dans la matiĂšre cĂ©rĂ©brale, y traĂźne ses pattes fines, s’assoupit dans une fissure, trotte, rampe ou furĂšte, et corrompt ainsi tout l’entendement. Pour le lĂ©gionnaire, « avoir le cafard », c’est ĂȘtre sous le coup d’une idĂ©e fixe et maligne, et absurde le plus souvent.

Le Journal, 13 janvier 1899, article Le Cafard, par Georges d’EsparbĂšs, qui nomme ainsi une maladie produite par l’alcoolisme 

Elle semble ĂȘtre tirĂ©e de l’argot militaire et s’ĂȘtre diffusĂ©e pendant la PremiĂšre Guerre mondiale :

Nous ne sommes pas dĂ©primĂ©s, – on ne se dĂ©prime pas Ă  la division ; – mais e pays de spleen a fait naĂźtre en nous l’état d’esprit particulier, ou l’état d’ñme, si vous voulez, que l’argot militaire rend par cette expression singuliĂšre : avoir le cafard. 

On m’a souvent demandĂ© ce que l’on entendait exactement par le cafard. 

Le cafard ne peut se dĂ©crire exactement ; car ce n’est pas une maladie comme la rougeole ou la fiĂšvre typhoĂŻde, ce n’est pas mĂȘme pas une affection.

« Avoir le cafard », c’est, je crois, – autant du moins que j’ai pu en juger par moi-mĂȘme, – se trouver dans un Ă©tat d’équilibre mental un peu dĂ©sordonnĂ©. 

Dans cet Ă©tat, le cerveau ne commande plus ou commande mal, les sens battent la breloque, les impressions se dĂ©forment, les sensations s’exaspĂšrent, une angoisse douloureuse vous Ă©treint sans aucune raison apparente, on voit tout en noir. [
]

J’ai vu des camarades rĂ©clamer des missions dangereuses pour Ă©chapper Ă  l’affreux cafard.

Jules Mazé, Le carnet de campagne du sergent LefÚvre

Ils organisĂšrent une ligue anti-cafarde. Ce vieux mot de cafard, dont le sens est : faux, hypocrite, a depuis longtemps changĂ© sa signification au service de nos marins. À bord des navires de guerre, et maintenant parmi les troupes de terre et mĂȘme ailleurs, le mot cafard veut dire triste, mĂ©lancolique. Avoir le cafard, c’est ĂȘtre plongĂ© dans une humeur noire. La ligue anti-cafarde s’était créée pour empĂȘcher les prisonniers de tomber dans le marasme.

Prisonnier des Allemands / par un prĂȘtre de la SociĂ©tĂ© des Missions Ă©trangĂšres, infirmier militaire

Sa prĂ©sence chez CĂ©line pourrait venir d’ailleurs de son expĂ©rience de la guerre :

Je savais quand ça le reprenait ce cafard des architectures, c’était surtout Ă  la campagne
 Et au moment des ascensions
 quand il allait passer la jambe pour escalader la nacelle
 Il lui revenait un coup de souvenirs


Mort à crédit

L’ancrage de l’expression « avoir le cafard » dans le sens « d’avoir des idĂ©es noires » s’est peut-ĂȘtre fait sous influence littĂ©raire. Le Dictionnaire historique de la langue française et le TLFi repĂšrent « cafard » au sens « d’idĂ©es noires » dans Les Fleurs du mal (1857), sans prĂ©ciser le poĂšme. Le terme se trouve dans La Destruction (?) :

Sans cesse Ă  mes cĂŽtĂ©s s’agite le DĂ©mon ;
Il nage autour de moi comme un air impalpable ;
Je l’avale et le sens qui brĂ»le mon poumon
Et l’emplit d’un dĂ©sir Ă©ternel et coupable.

Parfois il prend, sachant mon grand amour de l’Art,
La forme de la plus séduisante des femmes,
Et, sous de spécieux prétextes de cafard,
Accoutume ma lĂšvre Ă  des philtres infĂąmes.

Mais l’usage qu’en fait Baudelaire semble ici plutĂŽt correspondre au sens ancien de cafard comme « hypocrite » , « tartuffe ».

Voir ici : pourquoi dit-on « avoir une araignée au plafond » ?