Le terme barbecue (« bbq ») vient probablement, à l’origine, d’un terme appartenant aux langues arawakiennes du pourtour de la mer des Caraïbes, barbacoa. Ce terme désignait chez les populations caribéennes, en Amérique centrale, dans les Antilles et au nord de l’Amérique du Sud, avant l’arrivée des Européens, une structure en bois qui permettait soit de dormir, soit de stocker du grain (de maïs), soit de de suspendre de la nourriture au-dessus d’un feu pour qu’elle soit fumée. Le premier ouvrage dans lequel le terme est apparu semble être la Relation sommaire de l’histoire naturelle des Indes (Historia general y natural de las Indias) de 1535 de Gonzalo Fernández de Oviedo y Valdés. Au chapitre 1 du livre VII, Oviedo parle des échafaudages sur lesquels les populations indigènes du Nicaragua conservaient leur maïs :
Y cuando está bien crescido, es menester ponerle guarda, en lo cual los indios ocupan los muchachos, y a este respecto, los hacen estar encima de los árboles y de andamios que les hacen de madera e cañas, e cubiertos como ramadas (por el sol e el agua), e a estos andamios llaman barbacoas, e desde la barbacoa están continuamente dando voces, ojeando los papagayos e otras aves que vienen a comer los maizales ; la cual vela o guarda paresce a la que en algunas partes de España se hace para guardar los cáñamos e los panizos e otras cosas, de las aves. (Libro VII, Capítulo I)
Plus loin, il évoque des poules et des longes de chevreuil grillées sur un barbacoa :
E por ser el lugar peligroso, antes que viniesen canoas se tornaron a salir por donde habían entrado, pero primero almorzaron de unas gallinas de la tierra que llaman guanajas, y de lomos de venados que hallaron asados en barbacoa, que es como en parrillas. (Libro XVII, Capítulo XXV)
Il apparaît aussi dans les Commentaires (1555) de Pedro Hernández sur les voyages de Alvar Núñez Cabeza de Vaca. Le terme est resté tel quel dans différentes variantes de l’espagnol parlé en Amérique. À l’Est de Cuba, ce terme sert notamment à désigner des constructions de bois, pour conserver les grains, les fruits et légumes notamment.
Barbacoa passe très précocement en anglais. On peut le repérer dans The Principal Navigations, Voyages, Traffiques, And Discoveries Of The English Nation de 1589 de Richard Hakluyt :
Another gat up with a lance to a left made of canes, which they build to keep their Maiz in, which they call a Barbacoa (p.568)
In all the cold countrie the Indians haue euery one a house for the winter daubed with clay within and without, and the doore is very little: they shut it by night, and make fire within; so that they are in it as warme as in a stoue: and so it continueth all night that they need not clothes: and besides these, they haue others for summer; and their kitchins neere them, where they make fire and bake their bread: and they haue barbacoas wherein they keepe their Maiz (p.573)
Il se transforme en barbecue en anglais au XVIIe siècle tout en changeant de sens : par métonymie, il passe à la façon de cuire la viande (sur des branchages qui servent à cuire la viande au-dessus d’un feu), puis à la viande en elle-même. Dans l’extrait ci-dessous, tiré du Jamaica viewed (1661) de Edmund Hickeringill, il est employé comme verbe, à propos des prétendues pratiques cannibalistiques des Indiens liées au barbecue :
>But usually their Slaves, when captive ta’ne,
Are to the English sold; and some are slain,
And their Flesh forthwith Barbacu’d and eat
By them, their Wives and Children as choice meat.
On le trouve quelque fois au XVIIIe siècle, chez Pope par exemple (« Send me, Gods ! a whole Hog barbecued » – un porc entier « barbecué »). George Washington note de manière évocatrice dans son journal, au 27 mai 1769 : « Went in to Alexandria to a Barbecue and stayed all Night. ». Le terme barbecue semble employé ici très ordinairement par Washington pour désigner le repas de fête en lui-même.
Dans son livre Barbecue: The History of an American Institution (2020), Robert F. Moss fait de la Virginie du XVIIIe siècle l’une des terres de naissance du barbecue américain, du fait de la présence sur cette colonie de grands élevages de cochons. C’est aujourd’hui une pratique culinaire typique du sud des États-Unis. Selon Andrew Warnes, auteur de Savage Barbecue (2008), la généalogie du terme barbecue est teintée de racisme, puisque cette pratique viendrait du regard des Européens sur une supposée façon sauvage et naïve des indigènes de cuire la viande, l’assonance entre barbecue et babaric (« barbare ») n’étant pas innocente. Cette généalogie, vraie ou non, n’est toutefois pas sentie aujourd’hui, encore moins en Europe et France, où le terme est vraiment entré en usage dans la deuxième moitié du XXe siècle, avec l’importation depuis les États-Unis de la pratique des barbecues. Le Dictionnaire historique de la langue française relève les premières occurrences du mot en français sous la forme barbecu en 1884 à Montréal, barbacue en 1913 et barbecue en 1954, bien qu’on puisse repérer des emplois isolés antérieurs à l’aide de Gallica, au plus tôt dans une traduction d’un récit de voyage de Lionel Wafer. Cela peut s’expliquer notamment par l’entrée en français d’un autre mot, à la sonorité proche, « boucan », qui vient peut-être de barbacoa ou du tupi mokaém (« grill de bois »). Il a donné a donné le verbe « boucaner », défini dans la 1re édition du Dictionnaire de l’Académie française (1694) comme « faire cuire, faire rostir la viande à la maniere des Sauvages. ». On peut les repérer dès 1578 dans L’Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil de Jean de Léry :
Toutesfois, nous autres nouveaux venus demeurasmes et disnasmes ce jour-là en la mesme salle, où pour toutes viandes, nous eusmes de la farine faite de racines : du poisson boucané, c’est à dire rosti, à la mode des sauvages […]
Une étymologie folklorique fait du mot « barbecue » une contraction du français « barba à queue ».
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