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Comptes d’apothicaire : définition & origine de l’expression

Publié le 29/04/2021
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Signification

« Des comptes d’apothicaire » est une expression qui signifie : des comptes compliqués voire incompréhensibles, des comptes minutieux, des comptes sur lesquels il y a beaucoup à redire. On dit souvent « on ne va pas faire des comptes d’apothicaires » pour dire : on ne va pas perdre de temps dans des discussions compliquées et pénibles sur ce que chacun doit à chacun. 

 

Comptes d’apothicaire : origine

L’apothicaire désignait autrefois celui qui vendait des produits rares (sucre ou épices) ou des produits médicamenteux (on parle aujourd’hui de pharmacien). Cette profession avait mauvaise réputation, comme en témoignent plusieurs locutions. L’apothicaire était associé à la tromperie. Larousse l’expliquait au XIXe siècle par la méfiance des gens envers les prix pratiqués par ces praticiens, parce qu’on ne savait pas bien juger la vraie valeur de leurs produits mystérieux. Des « parties d’apothicaire » étaient des factures excessives, « dont il faut retrancher la moitié pour les payer raisonnablement » selon Furetière

Il me présenta son mémoire, dans lequel, sous des noms qui m’étaient inconnus, quoique j’eusse été médecin, il avait écrit tous les prétendus remèdes qu’il m’avait fournis dans le temps que j’étais sans sentiment. On pouvait appeler ce mémoire-là de vraies parties d’apothicaire. 

Lesage, Histoire de Gil Blas, édition de 1821

Le Dictionnaire d’expressions et locutions relève aussi « quiproquo d’apothicaire », une erreur grave, un médicament donné pour un autre. L’expression « Compte d’apothicaire » se manifeste d’abord comme « mémoire d’apothicaire », forme aujourd’hui disparue : 

Un jour pour faire mettre en terre,
Son épouse défunte, un mari marchandait,
Car le rusé Pasteur d’avance produisait
Un mémoire d’Apothicaire.

1787

Mon plus court chemin n’était pas par Lyon, mais j’y voulus passer pour vérifier une friponnerie bien basse de M. de Montaigu. J’avais fait venir de Paris une petite caisse contenant une veste brodée en or, quelques paires de manchettes et six paires de bas de soie blancs ; rien de plus. Sur la proposition qu’il m’en fit lui-même, je fis ajouter cette caisse, ou plutôt cette boîte, à son bagage. Dans le mémoire d’apothicaire qu’il voulut me donner en payement de mes appointements, et qu’il avait écrit de sa main, il avait mis que cette boîte, qu’il appelait ballot, pesait onze quintaux, et il m’en avait passé le port à un prix énorme.

Rousseau, Les Confessions, VII

« Compte d’apothicaire » se répand au XIXe siècle. ll est aujourd’hui le plus souvent employé au pluriel. 

 

Exemples

Il racontait qu’un jour, étant ministre et ayant reçu des explications confuses d’Antonin Proust au sujet de je ne sais quels comptes d’apothicaire, il lui avait demandé brusquement : « Que penseriez-vous, mon cher Antonin, si j’envoyais chercher les gendarmes ?

Léon Daudet, Souvenirs…, 1914

Dès le mois de février 1817, Richelieu obtient une diminution de 30 000 hommes de l’armée d’occupation. Reste la question du règlement des créances particulières sur l’État français. En mars de la même année, les Alliés ont fait leurs comptes. Ceux-ci s’élèvent à la somme extravagante d’1,6 milliard de francs. Tout y passe, y compris de vieilles créances dont certaines datent de l’époque… d’Henri IV. Au passage, l’un des membres de la commission de liquidation, le baron Dudon, est vite accusé de malversations et autres écritures frauduleuses, et aussitôt mis à pied. S’il est conciliant, Richelieu sait aussi se montrer ferme. Dès septembre 1817, le duc adresse un ultimatum à la conférence des ambassadeurs alliés : ce sera 200 millions, pas un centime de plus. C’est, dira-t-il non sans humour à son ambassadeur à Vienne, le marquis de Caraman, « ce qu’en nous tâtant le pouls, on peut nous tirer de sang sans nous faire mourir ». Wellington, en le soutenant puissamment, lui fera obtenir gain de cause. On n’en aura pas fini pour autant avec les comptes d’apothicaire. Mais la France est sur la voie de sa libération.

Emmanuel de Waresquiel, Penser la Restauration