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Consolation à Monsieur du Périer sur la mort de sa fille | Poème de François de Malherbe

Publié le 25/05/2018
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Étude d’un vieil homme, Van Rijn, fin XVIIe | Wikimedia Commons 

Consolation à Monsieur du Périer sur la mort de sa fille | Poème de François de Malherbe


Ta douleur, Du Périer, sera donc éternelle,
               Et les tristes discours
Que te met en l’esprit l’amitié paternelle
               L’augmenteront toujours !

Le malheur de ta fille au tombeau descendue
               Par un commun trépas,
Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
               Ne se retrouve pas ?

Je sais de quels appas son enfance était pleine,
               Et n’ai pas entrepris,
Injurieux ami, de soulager ta peine
               Avecque son mépris.

 

Mais elle était du monde, où les plus belles choses
                Ont le pire destin,
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
                L’espace d’un matin.

Puis, quand ainsi serait que, selon ta prière,
                Elle aurait obtenu
D’avoir en cheveux blancs terminé sa carrière,
                Qu’en fût-il advenu ?

Penses-tu que, plus vieille, en la maison céleste
                Elle eut plus d’accueil ?
Ou qu’elle eut moins senti la poussière funeste
                Et les vers du cercueil ?

Non, non, mon Du Périer, aussitôt que la Parque
                Ôte l’âme du corps,
L’âge s’évanouit au-deçà de la barque,
                Et ne suit point les morts.

Tithon n’a plus les ans qui le firent cigale ;
                Et Pluton, aujourd’hui,
Sans égard du passé, les mérites égale
                D’Archémore et de lui.

Ne te lasse donc plus d’inutiles complaintes ;
                Mais, sage à l’avenir,
Aime une ombre comme ombre, et des cendres éteintes
                Éteins le souvenir.

 

C’est bien, je le confesse, une juste coutume
                Que le cœur affligé,
Par le canal des yeux vidant son amertume,
                Cherche d’être allégé.

Même quand il advient que la tombe sépare
                Ce que nature a joint,
Celui qui ne s’émeut a l’âme d’un barbare,
                Ou n’en a du tout point.

Mais d’être inconsolable, et dedans sa mémoire
                Enfermer un ennui,
N’est ce pas se haïr pour acquérir la gloire
                De bien aimer autrui ?

Priam qui vit ses fils abattus par Achille,
                Dénué de support,
Et hors de tout espoir du salut de sa ville,
                Reçut du réconfort.

François, quand la Castille, inégale à ses armes,
                Lui vola son dauphin,
Sembla d’un si grand coup devoir jeter des larmes,
                Qui n’eussent point de fin.

Il les sécha pourtant, et comme un autre Alcide,
                Contre fortune instruit,
Fit qu’à ses ennemis d’un acte si perfide
                La honte fut le fruit.

 

Leur camp, qui la Durance avoit presque tarie
                De bataillons épais,
Entendant sa constance, eut peur de sa furie,
                Et demanda la paix.

De moi, déjà deux fois d’une pareille foudre
                Je me suis vu perclus ;
Et deux fois la raison m’a si bien fait résoudre,
                Qu’il ne m’en souvient plus.

Non qu’il ne me soit grief que la tombe possède
                Ce qui me fut si cher ;
Mais en un accident qui n’a point de remède
                Il n’en faut point chercher.

La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles :
                On a beau la prier,
La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles
                Et nous laisse crier.

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre
                Est sujet à ses lois,
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
                N’en défend point nos rois.

De murmurer contre elle, et perdre patience,
                Il est mal à propos ;
Vouloir ce que Dieu veut, est la seule science
                Qui nous met en repos.

Poésies