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Être le dindon de la farce : définition & origine (expression) 🦃

Publié le 16/05/2021
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Définition

Être le dindon de la farce signifie : dans une affaire, être la dupe, la victime, la personne bernée.

 

Origine de l’expression : être le dindon de la farce

Le dindon a de longue date une réputation de fatuité, de lourdeur et de bêtise : il sert de métaphore pour désigner l’homme facile à berner. La « dinde » n’a pas meilleur sort, et désigne toujours aujourd’hui une femme sotte. Le pigeon ou l’oie sont dénigrés de la même manière. Cependant, les usages péjoratifs de la métaphore du dindon semble surtout se manifester à l’écrit au XVIIIe siècle.

Nicas Icaise étoit plus bête
Qu’un mangeur de chardon ;
En public , tête à tête ,
C’étoit un vrai dindon .Air de Charles-François Panard, 1763

On trouve « yvre comme un dindon » en 1756, mais cela fait peut-être référence à la démarche de l’animal :

[…] mais la voici, elle est yvre comme un Dindon. Voyez, Monsieur, est-ce que je vois comme ça moi.

Le Dictionnaire (1771) de Trévoux ne relève pas la mauvaise réputation de l’animal. Il faut attendre la 5e édition du Dictionnaire de l’Académie française (1798) pour voir relevé :

On dit familièrement : Bête comme un dindon ; colère, gourmand comme un dindon.

L’usage de « dindon de la farce » est alimentaire au XVIIIe siècle. Il est difficile cependant de placer l’origine de l’expression dans la cuisine. La farce en question est plutôt le genre littéraire. Le premier usage métaphorique relevé dans Gallica se trouve dans Le Tableau de Paris du 29 février 1796 :

Nous savons seulement que, dans les évaluations générales pour l’emprunt forcé, notre Ch… s’est généreusement fait porter à trente-cinq mille livres de capital, & que notre Crévelier, qui s’étoit d’abord fait mettre à dix milles livres, aussi de capital, s’est par réflexion,  fait réduire à huit, ne voulant pas, dit-il, être le dindon de la farce.

Le second est en 1807 :

Il est vrai que M. de Fenaigle n’est pas tout à fait le dindon de la farce, puisqu’il garni sa bourse ; mais ce n’est qu’à ses propres dépens que l’on s’instruit.

Selon Alain Rey et Sophie Chantreau (Dictionnaire d’expressions et locutions), le dindon était un vieillard berné dans les farces du Moyen Âge.

Balzac (1799 – 1850) a inventé le verbe « dindonner » à partir de l’expression :

— Il va, madame, répondit le maître clerc ; mais il ne faudrait pas faire beaucoup de maladresses comme celle d’hier pour se perdre dans l’esprit du patron. Le patron ne conçoit point qu’on ne sache pas réussir. Pour première affaire, il donne à votre fils à enlever l’expédition d’un jugement dans une affaire de succession où deux grands seigneurs, deux frères, plaident l’un contre l’autre, et Oscar s’est laissé dindonner…

Un début dans la vie

 

À lire en cliquant ici : pourquoi dit-on « il a des yeux de merlan frit ! » ?

 

Exemple

  • C’est le dindon de la farce : on lui a fait croire qu’on allait lui vendre une superbe maison à bon marché, il s’est retrouvé avec un taudis…

Tu n’entends pas être le dindon de la farce, peut-être ! Reste donc chez toi, grande bête, dors bien, mange bien, gagne de l’argent, aie la conscience tranquille, dis-toi que la France se débarbouillera toute seule, si l’empire la tracasse. Elle n’a pas besoin de toi, la France !

Zola, Le Ventre de Paris