Femme noire | Poème de Léopold Sédar Senghor
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Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de
ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre ; la
douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu’au cœur de l’Eté et de
Midi,
Je te découvre, Terre promise, du
haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein
cœur, comme l’éclair d’un aigle
Femme nue, femme
obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres
extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui
frémis aux caresses ferventes du Vent d’Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui
gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le
chant spirituel de l’Aimée
Femme noire, femme
obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile
calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du
Mali
Gazelle aux attaches célestes, les
perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or ronge ta peau qui se moire
A l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme
que je fixe dans l’Eternel
Avant que le destin jaloux ne te
réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
Chants d’ombre, 1945
When I was growing up in Port au Prince, I used to hear this poem on radio in the morning. Bachir Toure used to say it.