DĂ©finition
Passer ou franchir le Rubicon signifie : oser faire quelque chose dâambitieux, sâengager dans une entreprise pĂ©rilleuse, prendre une dĂ©cision difficile et lourde de consĂ©quences, braver un interdit.
Exemples
- AprĂšs de longues hĂ©sitations, il franchit le Rubicon et dĂ©cida dâinvestir toutes ses Ă©conomies dans cet appartement.
- La dĂ©cision Ă©tait attendue de tous, et elle vint mardi : une des plus grandes figures de lâopposition franchit le Rubicon en quittant son parti pour rejoindre celui de la majoritĂ© au pouvoir.
- Jusquâalors il nâavait mĂȘme pas complĂštement secouĂ© le charme des fraĂźches et suaves idĂ©es qui enveloppent comme dâun feuillage la jeunesse des enfants Ă©levĂ©s en province. Il avait continuellement hĂ©sitĂ© Ă franchir le Rubicon parisien. (Balzac, Le PĂšre Goriot)
Franchir le Rubicon : origine de lâexpression
Cette expression fait rĂ©fĂ©rence Ă lâĂ©pisode dĂ©clencheur de la guerre civile entre Jules CĂ©sar (100 â 44 av. J.-C.) et PompĂ©e (106 â 48 av. J.-C.), soutenu par une faction aristocratique romaine, les optimates. Les optimates voulurent profiter de la fin du proconsulat de CĂ©sar pour lâarrĂȘter et lui intenter un procĂšs. CĂ©sar reprĂ©sentait un danger dĂ©stabilisateur pour les Ă©lites traditionnelles de la RĂ©publique romaine. Depuis la guerre des Gaules et sa victoire Ă Alesia en 52 av. J.-C., CĂ©sar Ă©tait au sommet de sa gloire militaire.
Ses adversaires au SĂ©nat le destituĂšrent de ses commandements le 1er dĂ©cembre 50. Le 7 janvier 49 av. J.-C., PompĂ©e reçut les pleins pouvoirs. Devenu ennemi public et menacĂ© par son rival, CĂ©sar franchit, le 11 ou 12 janvier, avec une lĂ©gion, le Rubicon, petit fleuve (aujourdâhui en Ămilie-Romagne) qui marquait la sĂ©paration entre la province de Gaule cisalpine et lâItalie, alors que la loi romaine lâinterdisait sans lâaccord du SĂ©nat. Cette transgression dĂ©clencha une guerre civile, mais lui permit de prendre de vitesse ses adversaires romains. PompĂ©e, sans armĂ©e, dut fuir. La dĂ©cision de CĂ©sar se rĂ©vĂ©la finalement payante puisquâil sortit vainqueur du conflit en 45, et prit le contrĂŽle de la RĂ©publique, avant dâĂȘtre assassinĂ© en 44. Selon SuĂ©tone, câest un signe des dieux qui dĂ©cida CĂ©sar de franchir le Rubicon :
Enfin, au point du jour, ayant trouvĂ© un guide, il suivit Ă pied des sentiers Ă©troits jusquâau Rubicon, limite de sa province, et oĂč lâattendaient ses cohortes. Il sây arrĂȘta quelques instants, et, rĂ©flĂ©chissant aux consĂ©quences de son entreprise : « Il est encore temps de retourner sur nos pas, dit-il Ă ceux qui lâentouraient ; une fois ce petit pont franchi, câest le fer qui dĂ©cidera tout. »
XXXII. Un prodige le détermine à passer ce fleuve
Il hĂ©sitait ; un prodige le dĂ©termina. Un homme dâune taille et dâune beautĂ© remarquables apparut tout Ă coup, assis Ă peu de distance et jouant du chalumeau. Des bergers et de trĂšs nombreux soldats des postes voisins, parmi lesquels il y avait des trompettes, accoururent pour lâentendre. Il saisit lâinstrument dâun de ces derniers, sâĂ©lança vers le fleuve, et, tirant dâĂ©nergiques accents de cette trompette guerriĂšre, il se dirigea vers lâautre rive. « Allons, dit alors CĂ©sar, allons oĂč nous appellent les signes des dieux et lâinjustice de nos ennemis: le sort en est jetĂ©! »
Ainsi, lâanecdote de lâĂ©pisode du franchissement du Rubicon a donnĂ© naissance Ă une autre expression cĂ©lĂšbre : le sort en est jetĂ©, alea jacta est. Il est Ă noter que le plan dâopĂ©ration du coup dâĂtat de Louis-NapolĂ©on Bonaparte du 2 dĂ©cembre 1851, alors quâil Ă©tait prĂ©sident de la RĂ©publique, se nommait « Rubicon ».
Sur le sujet, lire CĂ©sar de Christophe Badel (direction), La RĂ©publique romaine et son empire. De 509 av. Ă 31 av. J.-C de Michel Humm (direction).
Voir ici : pourquoi César a-t-il dit « veni, vidi, vici » ?
Câest parfait.