Selon la légende, l’empereur Charlemagne (sacré en 800), possédait une épée qui avait un nom : Joyeuse. Le plus célèbre texte qui l’évoque est la Chanson de Roland, chanson de geste datant de la fin du XIe siècle, et donc produite à une époque bien postérieure à la vie de Charlemagne. Le 183e chant de la Chanson de Roland fait Joyeuse une épée magique et raconte que Joyeuse pouvait changer trente fois de couleurs par jour. Joyeuse était en outre une épée sainte : Charlemagne aurait fait incruster dans son pommeau d’or un morceau de la pointe de la Saint Lance, la lance de la crucifixion de Jésus-Christ. Joyeuse aurait reçu son nom de cet honneur, et les chevaliers auraient pris de là leur cri d’armes « Montjoie ! ». Selon une autre chanson de geste, Mainet, datant du XIIe siècle, Joyeuse aurait été forgée par l’Isaac biblique :
Isaac li bons fevres qui sor tos ot bonté,
La forga et tempra ens el val Josué ;
Et fu le premier roi qui tint crestienté
Elle échut à Clovis avant d’appartenir à Charlemagne :
Cloovi le courtois, le chevalier membré,
Qui fu levés en fons et crei dame Dré :
Ele a a non Joiouse, molt est de grant biauté ;
Une grant toise est longe, s’a demi pié de lé ;
[…]
Une épée réputée être de Charlemagne, probablement forgée au XIIe siècle selon Martin Aurell (Excalibur, Durandal, Joyeuse. La Force de l’épée) est employée dans la cérémonie du sacre des rois de France, peut-être à partir de celui de Philippe Auguste en 1179, mais plus assurément à partir de celui de Philippe III en 1271. Cette Joyeuse est ensuite employée dans toutes les cérémonies de sacre jusqu’à celle de Charles X en 1825, y compris pour celui de Napoléon en 1804, sauf pour celui de Henri IV, qui avait sacré à Chartres en 1594 parce que Reims était encore aux mains des ligueurs.
L’utilisation symbolique de Joyeuse permet aux premiers Capétiens de se placer dans la filiation prestigieuse de Charlemagne, et d’appuyer leur prétention à être « empereur en leur royaume » (nulle autorité n’est au-dessus d’eux dans leur royaume). Joyeuse intervient en seconde partie de la cérémonie de sacre : elle est remise au prince, avant l’onction du Saint Chrême de la Sainte Ampoule, comme symbole de sa souveraineté, accordée par Dieu. Ainsi, sur le célèbre portrait de 1701 de Louis XIV (roi de 1643 à 1715) en costume de sacre par Hyacinthe Rigaud (1659 – 1743), Joyeuse, ceinte à la taille du roi, est l’instrument du sacre le plus visible (alors que la couronne et la main de justice sont à l’arrière-plan) : elle symbolise la toute puissance du monarque.
Si Joyeuse n’était pas vraiment une épée caroligienne, elle intègre, selon Martin Aurell, des éléments anciens, comme les dragons ailés du XIIe siècle qui ornent sa garde, et le pommeau à motif d’oiseaux, qui daterait du X ou XIe siècle. Son fourreau d’argent doré, orné de pierres en cabochon, date peut-être de la fin du XIIIe siècle. Pour la sacre de Napoléon, l’épée fut restaurée, les fleurs de lys enlevées, et le fourreau recouvert d’un velours aux fines fleurs de laurier doré. La monarchie restaurée revint sur ces modifications pour le sacre de Charles X.
La Joyeuse des sacres est entrée au musée du Louvre à son ouverture en 1793, pendant la Révolution. Elle s’y trouve toujours.
Avec Joyeuse, d’autres épées ont été personnifiées et ont été au centre de légendes : Excalibur, Durandal, Flamberge, etc.
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