Les principales réformes du Front populaire (1936 ~ 1938), coalition de partis de gauche, notamment de la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière, socialiste) et du parti communiste français (sans participation au gouvernement), qui forme un gouvernement à partir du 6 juin 1936 avec à sa tête Léon Blum (1872 – 1950), sont :
• la nomination de trois femmes au gouvernement, bien qu’elles n’aient pas le droit de vote (étendu aux femmes en 1944) : Irène Joliot-Curie (1897 – 1956) comme sous-secrétaire d’État à l’Éducation nationale chargée de la recherche scientifique, Cécile Brunschvicg (1877 – 1946) comme sous-secrétaire d’État à l’Éducation nationale et Suzanne Lacore (1875 – 1975), sous-secrétaire d’État à la santé chargée de la protection de l’enfance.
• l’organisation, dès le 7 juin, sous son arbitrage, de négociations sous une forme inédite entre les représentants de la Confédération générale du travail (CGT) et les représentants des organisations patronales, qui aboutissent dans la nuit même aux « accords de Matignon », un texte, prévoyant :
- l’établissement immédiat de contrats collectifs de travail qui devront reconnaître la liberté d’opinion et la liberté d’adhérer à un syndicat sans être discriminé. Les modalités de ces contrats collectifs sont formalisées par la loi du 24 juin 1936 ;
- des hausses de salaire pour les ouvriers de 15% pour les rémunérations les plus faibles de 7% pour les plus élevées ;
- l’institution de délégués du personnel, deux ou plus, dans les établissements comptant plus de dix ouvriers.
• les congés payés : votés le 11 juin 1936 par 563 voix contre une, et promulgués par la loi du 20 juin 1936. Ils sont de quinze jours minimum.
Tout ouvrier, employé ou apprenti occupé dans une profession industrielle, commerciale ou libérale ou dans une société coopérative, ainsi que tout compagnon ou apprenti appartenant à un atelier artisanal, a droit, après un an de services continus dans l’établissement, à un congé annuel continu payé d’une durée minimum de quinze jours comportant au moins douze jours ouvrables.
600 000 billets de train avec une réduction de 40% sur les tarifs appliqués par les compagnies privées sont mis en vente en 1936, 900 000 à l’été 1938. Rares sont ceux qui partent à la plage, les équipements touristiques étant rares et chers. Les catégories populaires qui bénéficient des congés partent voir leur famille à la campagne, ou partent découvrir la campagne proche. Au reste, le développement du réseau des auberges de jeunesse est soutenu par le sous-secrétaire d’État chargé de l’organisation des Loisirs et des Sports, Léo Lagrange (1900 – 1940).
• la semaine de 40 heures : au lieu des 48 heures instituées par loi des huit heures (1919), bien que le temps de travail effectif ait été de 43 heures (cf. Jean Vigreux). C’est la réforme qui suscite la plus grande opposition du patronat. La loi est votée à la Chambre des députés le 12 juin 1936 par 408 voix contre 100. Promulguée le 21 juin, elle dit :
Dans les établissements industriels, commerciaux, artisanaux et coopératifs ou dans leurs dépendances, de quelque nature qu’ils soient, publics ou privés, laïques ou religieux, même s’ils ont un caractère d’enseignement professionnel ou de bienfaisance, y compris les établissements publics hospitaliers et les asiles d’aliénés, la durée du travail effectif des ouvriers et employés de l’un ou de l’autre sexe et de tout âge ne peut excéder quarante heures par semaine.
L’article 2 de la loi précise qu’« aucune diminution dans le niveau de vie des travailleurs ne peut résulter de l’application de la présente loi […] ».
• la dissolution de certaines ligues nationalistes (Les Croix de feu, le Parti national-populaire, le Parti franciste, le Parti national-corporatif républicain) par un décret du 18 juin 1936. Pour rappel, la journée d’émeutes antiparlementaires du 6 février 1934 avait été un des points de départ de la coalition électorale ayant donné naissance au Front populaire.
• la réforme de la Banque de France par la loi du 24 juillet 1936 : cette institution reste une banque privée avec des actionnaires, mais elle passe par cette réforme sous le contrôle de l’État, le Conseil de régence étant remplacé par un Conseil de vingt personnes, avec 2 conseillers pris parmi les actionnaires, 9 devant représenter les intérêts économiques et sociaux de la nation et 9 autres les intérêts collectifs de la nation. En outre, tous les actionnaires de nationalité française ont droit à une voix à égalité.
• l’instruction primaire obligatoire est étendue aux enfants des deux sexes, français et étrangers, jusqu’à 14 ans, par la loi du 9 août 1936 votée à l’initiative du ministre de l’Éducation nationale Jean Zay (1904 – 1944). Une nouvelle classe est ensuite créée, « la classe de fin d’études », destinée aux bons élèves qui ne poursuivront pas leurs études dans le second degré. Selon Claude Lelièvre, dans le département de la Somme, « la partie de la classe d’âge (de 13 ans révolus à 14 ans révolus) scolarisée à l’école primaire passe de 12% en 1932 à 23% en 1933, puis à 43% en 1934, et enfin à 55% en 1935. »
• la loi du 15 août 1936 créé un Office national interprofessionnel du blé pour assurer l’approvisionnement blé, des prix décents et empêcher la spéculation des gros producteurs et négociants.
• la nationalisation des usines d’armement, avec de grandes difficultés néanmoins. La loi du 11 août 1936 nationalise les ateliers spécialisés dans la production d’armement (sept sites industriels et 10 000 ouvriers). Les nationalisation manquent d’efficacité dans le secteur aéronautique par exemple à cause des tensions sociales dans le secteur et des difficultés à le restructurer. Un plan quadriennal prévoyant 14 milliards de dépenses en armement est adopté le 7 septembre 1936 par le Front populaire, en réaction au conflit en Espagne et à la remilitarisation de la Rhénanie par l’Allemagne. Le ministre de l’Air, Pierre Cot, veut produire 1500 avions de combat.
• la loi 18 août 1936 abaisse l’âge de départ à la retraite, pour faire baisser le chômage notamment.
• une caisse nationale des marchés de l’État est instituée par la loi du 19 août 1936 pour faciliter le financement de grands travaux.
• l’interdiction de toute propagande politique à l’école est rappelée par la circulaire du 31 décembre 1936 et tout prosélytisme religieux par celle du 15 mai 1937.
• la création d’un « service central de la recherche scientifique » par l’article 53 de la loi des finances du 31 décembre 1936, à la suite de la création d’un conseil supérieur nationale de la recherche scientifique en 1933 et d’une caisse nationale en 1935. Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est créé par un décret du 19 octobre 1939.
• la création de la « radio scolaire » à partir de janvier 1937 l’initiative de Jean Zay, dont le principe était de diffuser des émissions pédagogiques à destinations des écoliers.
• la création du Brevet sportif populaire (BSP) par le décret du 10 mars 1937, dans le cadre d’une politique volontariste de développement des sports de masse, de surveillance de l’état de santé des enfants et de préparation aux Jeux olympiques de 1938.
• la création la Société nationale des chemins de fer français (SCNF) par le décret-loi du 31 août 1937 (après le gouvernement Blum I), effective le 1 janvier 1938. Ainsi, l’ensemble de réseau ferroviaire français passe sous le contrôle de l’État, sauf certaines lignes secondaires et les lignes d’Alsace-Lorraine, déjà nationales. La SNCF est contrôlée à 51% par l’État à 49% par les anciennes compagnies de chemins de fer.
Le 13 février 1937, une pause dans les réformes est annoncée par Léon Blum dans un discours radiodiffusé. Il remet sa démission le 21 juin 1937. Le gouvernement de Front populaire a été une étape décisive dans l’histoire de la transformation de l’État en État pilote de l’économie.
À lire
- Nicolas Beaupré, Histoire de France / 1914 – 1945
- Jean Vigreux, Histoire du Front populaire
- Xavier Vigna, Histoire des ouvriers en France au XXe siècle
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