Les yeux | Poème de Sully Prudhomme
Bleus ou noirs, tous aimés, tous
beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore
;
Ils dorment au fond des
tombeaux,
Et le soleil se lève
encore.
Les nuits, plus douces que les
jours,
Ont enchanté des yeux sans nombre
;
Les étoiles brillent
toujours,
Et les yeux se sont remplis
d’ombre.
Oh ! qu’ils aient perdu leur
regard,
Non, non, cela n’est pas possible
!
Ils se sont tournés quelque
part
Vers ce qu’on nomme l’invisible
;
Et comme les astres
penchants
Nous quittent, mais au ciel
demeurent,
Les prunelles ont leurs
couchants,
Mais il n’est pas vrai qu’elles
meurent.
Bleus ou noirs, tous aimés, tous
beaux,
Ouverts à quelque immense
aurore,
De l’autre côté des
tombeaux
Les yeux qu’on ferme voient
encore.
Stances et poèmes, 1865
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