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« Malgré » ou « malgrés » ? (orthographe) ✍️
malgré ou malgrés

Publié le 18/04/2025
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Orthographe

On écrit : malgré. Malgrés n’existe pas. Cette préposition est invariable. C’est une composé formé à partir des mots « mal » et « gré » (du latin gratus, gratum, « agréable, bienvenu, qui reçoit bon accueil », que l’on retrouve dans « je vous saurais gré »), qui existait à partir du XIIe siècle sous la forme « maugrée » (cf. Dictionnaire historique de la langue française). Cette préposition signifie donc littéralement : contre le gré, contre la volonté (et par extension, et plus couramment : en dépit de, nonobstant).

Le mot est de la même famille que « maugréer », c’est-à-dire « montrer sa mauvaise humeur », vieux mot que l’on emploie parfois encore. On forme plusieurs locutions à partir d’elle : malgré tout, malgré moi/toi/nous/elle (en dépit de tout, en dépit de moi/nous/elle), etc., malgré que (considéré un solécisme par une majorité de locuteurs qui le moque, mais employé par de nombreux grands écrivains), malgré que j’en aie (vieille façon de dire : contre ma volonté, mon désir), les malgré-nous, Alsaciens et Lorrains incorporés de force dans l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale.

Exemples :

  • Malgré tout, ces vacances furent une belle occasion de se reposer avant d’entamer une nouvelle année de travail.
  • Malgré la force des mes convictions et ma profonde détermination, je ne suis pas parvenu à me faire élire maire de cette ville.
  • C’était une célébrité dans tout le pays, malgré elle toutefois, car elle faisait tous les efforts du monde pour rester cacher et ne pas se faire voir.
  • Hélas ! tu as raison, car demain c’est aujourd’hui. Mais, malgré moi, m’emporte le désir secret de dire que nous ne sommes point encore arrivés au jour fatal. (Dumas, La Dame de Monsoreau)
  • Malgré la silencieuse immobilité des aubépines, cette intermittente odeur était comme le murmure de leur vie intense […] (Proust, À la recherche du temps perdu)

À lire en cliquant ici : peut-on dire « malgré que » ?

L’origine étymologique de “malgré”

Pour comprendre pourquoi “malgré” s’écrit sans “s”, il est utile d’examiner son étymologie. Cette préposition est issue de la contraction de deux mots : “mal” et “gré”.

À l’origine, au Moyen Âge, on utilisait l’expression “mal gré” (en deux mots) qui signifiait littéralement “mauvais gré” ou “mauvaise volonté”. Cette expression s’est progressivement contractée pour devenir “malgré”. Le mot “gré” vient du latin “gratum” qui signifie “ce qui plaît, ce qui est agréable”.

Ainsi, dire “malgré la pluie” équivaut étymologiquement à dire “avec le mauvais plaisir de la pluie” ou “contre le gré de la pluie”. Cette construction ne justifie en rien l’ajout d’un “s” final.

L’évolution historique de son usage

Au fil des siècles, l’usage de “malgré” s’est modifié. Dans l’ancien français, on pouvait trouver des expressions comme “malgré moi” ou “malgré lui” qui signifiaient littéralement “contre ma volonté” ou “contre sa volonté”.

Au XVIIe siècle, l’Académie française a fixé l’orthographe de nombreux mots, dont “malgré”. Depuis cette époque, la forme sans “s” est la seule reconnue comme correcte dans la langue française standard.

Dans la littérature classique, on trouve de nombreux exemples d’utilisation correcte. Chez Molière, dans “Le Misanthrope” : “Malgré tout le monde, elle en fait son galant.” Ou chez Victor Hugo, dans “Les Misérables” : “Malgré la destinée, je me sens l’égal des dieux.”

Pourquoi la confusion avec “malgrés” existe-t-elle ?

La confusion orthographique autour de “malgré” n’est pas anodine. Elle s’explique par plusieurs facteurs linguistiques et cognitifs.

L’influence des autres prépositions

En français, plusieurs prépositions et adverbes se terminent par un “s” :

  • Après
  • Sans
  • Puis
  • Lors
  • Tandis

Cette tendance peut créer une généralisation abusive qui pousse certains scripteurs à ajouter un “s” à “malgré” par analogie avec ces autres mots. C’est un phénomène courant en linguistique : l’alignement par analogie.

Par ailleurs, la prononciation ne permet pas de distinguer “malgré” de “malgrés” puisque le “s” final serait de toute façon muet. La bonne nouvelle ? Cette absence d’indice phonétique nous rappelle l’importance de connaître les règles orthographiques.

La confusion avec “dès” et “près”

Une autre source de confusion vient des prépositions “dès” et “près” qui, elles, s’écrivent bien avec un accent grave et un “s” final. L’analogie trompeuse entre ces mots peut conduire à l’erreur “malgrés”.

Créer une distinction mentale entre ces différentes prépositions est plus facile qu’on ne le pense. Imaginez “malgré” comme un mot rebelle qui refuse de porter un “s” final… [pause]… contrairement à ses cousins “dès” et “près” qui l’arborent fièrement.

Comment utiliser correctement “malgré” dans vos écrits

Maintenant que nous avons clarifié l’orthographe, voyons comment utiliser correctement cette préposition dans différents contextes.

Le sens et les usages de “malgré”

“Malgré” exprime fondamentalement une opposition, une concession. Elle indique que quelque chose se produit en dépit d’un obstacle ou d’une circonstance contraire. Son usage correct est essentiel dans une communication écrite efficace.

Voici quelques exemples d’utilisation correcte :

  • “Malgré la pluie, nous sommes allés nous promener.”
  • “Il a réussi son examen malgré son manque de préparation.”
  • “Malgré tous mes efforts, je n’ai pas pu le convaincre.”

Dans chacun de ces exemples, “malgré” introduit une circonstance qui aurait normalement dû empêcher l’action principale, mais qui n’a pas eu cet effet.

Les constructions grammaticales avec “malgré”

“Malgré” est suivi directement d’un groupe nominal, sans préposition intermédiaire. C’est une différence importante avec l’expression “en dépit de” qui requiert la préposition “de”.

Construction correcte : “Malgré le mauvais temps” (et non “malgré du mauvais temps”)

On peut également utiliser “malgré” avec un pronom démonstratif ou possessif :

  • “Malgré cela, nous avons persévéré.”
  • “Malgré tout, elle garde le sourire.”
  • “Malgré son jeune âge, il fait preuve d’une grande maturité.”

Les expressions figées avec “malgré”

La langue française compte plusieurs expressions figées utilisant “malgré” :

  • “Malgré tout” (néanmoins, toutefois)
  • “Malgré lui/elle” (contre sa volonté)
  • “Bon gré, mal gré” (volontairement ou non)

Ces expressions enrichissent votre vocabulaire et permettent d’exprimer des nuances subtiles. Utiliser “malgré” dans une rédaction est comme ajouter une épice délicate à un plat : cela relève le style et apporte de la profondeur à votre propos.

Erreurs fréquentes et comment les éviter

Au-delà de l’erreur d’orthographe “malgrés”, d’autres confusions existent autour de cette préposition.

Ne pas confondre “malgré” et “en dépit de”

Bien que ces deux expressions aient un sens très proche, leur construction grammaticale diffère :

  • “Malgré la tempête” mais “En dépit de la tempête”
  • “Malgré ses efforts” mais “En dépit de ses efforts”

La différence principale réside dans la préposition “de” qui suit “en dépit” mais qui n’apparaît jamais après “malgré”.

L’erreur “malgré que”

Une erreur courante consiste à utiliser “malgré que” comme conjonction de subordination. Cette construction est considérée comme incorrecte dans la langue soutenue, bien qu’elle soit fréquente à l’oral.

Au lieu de “malgré que”, préférez “bien que”, “quoique” ou “même si” :

  • Incorrect : “Malgré qu’il pleuve, nous sortirons.”
  • Correct : “Bien qu’il pleuve, nous sortirons.”

Seule l’expression figée “malgré qu’il en ait” (signifiant “contre son gré”) est acceptée dans la langue littéraire.

Astuces mnémotechniques pour ne plus se tromper

Pour ne plus jamais écrire “malgrés” avec un “s”, voici quelques astuces mnémotechniques efficaces :

  • Rappelez-vous l’étymologie : “mal” + “gré” = pas de place pour un “s”
  • Associez “malgré” à d’autres mots courts sans “s” comme “parmi” ou “voici”
  • Créez une phrase repère : “Malgré tout, jamais de S à la fin”
  • Visualisez le mot écrit correctement sur une page

Ces techniques simples peuvent vous aider à ancrer la bonne orthographe dans votre mémoire. Mémoriser l’orthographe correcte de “malgré” est plus simple que de retenir le code de votre carte bancaire. Votre cerveau l’enregistre. La règle s’imprime. L’erreur disparaît.

Conclusion : malgré ou malgrés, le verdict est clair

Pour conclure, retenons que la seule orthographe correcte est malgré, sans “s” final. Cette préposition, issue de la contraction de “mal” et “gré”, exprime une opposition ou une concession et s’utilise directement devant un groupe nominal.

L’erreur “malgrés” s’explique par l’analogie avec d’autres prépositions françaises terminées par “s”, mais elle reste une faute d’orthographe à éviter absolument dans vos écrits.

En maîtrisant l’orthographe et l’usage de “malgré”, vous faites un pas de plus vers une expression écrite précise et élégante. Malgré la complexité apparente de certaines règles orthographiques françaises, chacune a sa logique et son histoire. Les connaître vous permet non seulement d’éviter les erreurs, mais aussi de mieux comprendre les subtilités de notre belle langue.

Alors, malgré les pièges orthographiques que le français peut vous tendre, armez-vous de ces connaissances pour écrire avec assurance et précision.