Définition de « ménager la chèvre et le chou »
Ménager la chèvre et le chou signifie : s’efforcer de ne pas froisser des intérêts opposés, essayer de manier un différend entre deux personnes aux intérêts contraires, se conduire dans une affaire de manière à ne blesser aucun parti, chercher à satisfaire tout le monde.
Exemples
- Dans cette affaire délicate, les enfants avaient dû jouer les équilibristes, et ménager la chèvre et le chou entre un père qui refusait radicalement de partir pour le Midi, et une mère qui ne rêvait que de cela.
- Les filles, qui aimaient peut-être toujours leur père, ont voulu ménager la chèvre et le chou, le père et le mari ; elles ont reçu le Goriot quand elles n’avaient personne ; elles ont imaginé des prétextes de tendresse. « Papa, venez, nous serons mieux, parce que nous serons seuls ! etc. » (Balzac, Le Père Goriot)
Ménager la chèvre et le chou : origine de l’expression
Ménager est à comprendre au sens du moderne « manager », c’est-à-dire « conduire, s’occuper de, diriger ». Duneton (La Puce à l’oreille) comme Alain Rey et Sophie Chantreau (Dictionnaire d’expressions et locutions) évoquent une vieille devinette : comment un quidam peut-il faire passer d’une rive à l’autre d’une rivière une chèvre et un chou, c’est-à-dire le dévoreur et le dévoré, voire une chèvre, un chou et un loup, alors que le quidam ne peut emmener sur sa barque qu’un seul animal ou élément à la fois ? La solution :
- Emmener la chèvre de la rive 1 à la rive 2. Le loup n’est pas intéressé par le chou.
- Emmener le loup de la rive 1 à la rive 2.
- Ramener la chèvre de la rive 2 à la rive 1 afin de ne pas la laisser seule avec le loup.
- Emporter le chou de la rive 1 à la rive 2. Il y a ainsi le loup et le chou sur la rive 2.
- Ramener la chèvre de la rive 1 à la rive 2. Le meneur se retrouve ainsi sur la rive 2 avec ses trois accompagnants, qu’il ne laissera pas s’entre-dévorer.
Comme souvent, l’allitération a probablement participé au succès de l’expression, plus que, peut-être, l’appétit des chèvres pour les choux.
L’expression « ménager la chèvre et le chou » est par ailleurs ancienne. Duneton a relevé « passer la chèvre et le chou » dans le Roman de la Rose (XIII siècle)
[3468] Quant il furent amdui ensamble,
si li fet lors un parlement
de paroles ou il li ment :
por passer les chievres, les chous,
sachiez qu’il n’estoit mie fous.
Il a existé la variante « sauver la chèvre et le chou », sortie d’usage. Cette expression a aussi donné « mi-chèvre mi-chou », c’est-à-dire « qui joue sur plusieurs tableaux », « ambigu », « qui ne choisit pas clairement un parti », « mitigé » :
Résultat mi-chèvre, mi-chou : Fañch Bernard a pu garder son tilde, mais la circulaire de 2014 n’a pas été modifiée. Le problème demeure : en novembre 2019, le parquet de Brest a interdit le tilde pour un deuxième Fañch.
Enfin, le belgicisme chèvrechoutiste signifie « qui veut plaire à tout le monde », « qui tente de réconcilier des opinions contraires » :
Après un silence significatif dans la huitième édition (1932), l’Académie réintroduit par contre dans la neuvième édition (1992), avec ce commentaire chèvrechoutiste : « Elle [= la locution par contre ] ne peut donc être considérée comme fautive, mais l’usage s’est établi de la déconseiller, chaque fois que l’emploi d’un autre adverbe est possible. » Entre l’usage du plus grand nombre et celui des puristes, le cœur de la vieille Dame du quai Conti balance…
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