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Midi | Poème de Charles-Marie Leconte de Lisle

Publié le 24/05/2018
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Midiroi des étésépandu sur la plaine,
Tombe en nappes d’argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se taitL’air flamboie et brûle sans haleine ;
La terre est assoupie en sa robe de feu.L’étendue est immense et les champs n’ont point d’ombre,
Et la source est tarie  buvaient les troupeaux ;
La lointaine forêtdont la lisière est sombre,
Dort basimmobileen un pesant repos.

Seulsles grands blés mûristels qu’une mer dorée,
Se déroulent au loindédaigneux du sommeil ;
Pacifiques enfants de la terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du soleil.

Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse et lente
S’éveille, et va mourir à l’horizon poudreux.

Non loin, quelques bœufs blancs, couchés parmi les herbes,
Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais,
Et suivent de leurs yeux languissants et superbes
Le songe intérieur qu’ils n’achèvent jamais.

Homme, si, le cœur plein de joie ou d’amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux,
Fuis ! la nature est vide et le soleil consume :
Rien n’est vivant ici, rien n’est triste ou joyeux.

Mais si, désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l’oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté,

Viens ! Le soleil te parle en paroles sublimes ;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ;
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le cœur trempé sept fois dans le néant divin.

Poèmes antiques, 1852