Définition
La parataxe est une figure de style par laquelle on juxtapose des propositions sans marquer le rapport de dépendance qui les unit. Aucun mot de liaison (comme les conjonctions de subordination : lorsque, que, quand, si, etc., de coordination, les prépositions, les verbes êtres, paraître, etc.) ne vient signaler le rapport entre les phrases : ce sont des textes sans « que » ! L’asyndète est une forme de parataxe, par laquelle on omet plus spécifiquement les mots de coordination. Exemple :
- L’orage éclatait. La pluie tombait en rayons blancs. Les carreaux pleuraient comme des yeux. De petites gouttes jaillissaient par les fentes des croisées. Dehors le cheval courbait la tête sous l’averse. (Jules Renard, Crime de village)
Dans cet extrait, il y un enchaînement logique des différentes phrases. La deuxième est une conséquence logique de la première, etc. Mais ce texte n’est composé que de propositions principales car il est dépourvu de coordonnants et de subordonnants. Autre exemple :
- Il raté son oral. Trop stressé, j’imagine.
La langue de tous les jours emploie souvent la parataxe.
- Voici Clémence Arlon. Nous avons le même âge, à peu près… Quelle drôle de visite ! En ce moment… Non, ce n’est pas drôle… Elle est venue malgré les alertes, les pannes de métro, les rues barrées… et de si loin !… de Vanves… Clémence vient presque jamais me voir… son mari non plus, Marcel.. (Céline, Féerie pour une autre fois)
Parataxe et asyndète
L’asyndète est une figure de style par laquelle on juxtapose des éléments tout en supprimant volontairement les mots de coordination entre ces éléments. On omet d’inscrire la coordination entre plusieurs propositions d’une même phrase ou entre plusieurs phrases. L’asyndète est une forme de parataxe, c’est-à-dire une construction par juxtaposition, sans mot de liaison. Exemple :
Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu
Suétone, Vie des douze césars
Cette asyndète, par sa vivacité, traduit la puissance foudroyante de César.
Parataxe et hypotaxe
La parataxe est la figure contraire de l’hypotaxe, qui consiste à multiplier les liens de subordinations entre plusieurs propositions qui se suivent. L’hypotaxe est caractéristique du texte écrit, dans lequel une pensée plus complexe se déploie en de longues phrases. Exemple :
Entre la couleur grise et douce d’une campagne matinale et le goût d’une tasse de chocolat, je faisais tenir toute l’originalité de la vie physique, intellectuelle et morale que j’avais apportée, environ une année auparavant, à Doncières, et qui, blasonnée de la forme oblongue d’une colline pelée – toujours présente même quand elle était invisible – formait en moi une série de plaisirs entièrement distincte de tous autres, indicibles à des amis en ce sens que les impressions tissées les unes dans les autres qui les orchestraient, les caractérisaient bien plus pour moi et à mon insu que les faits que j’aurais pu raconter.
Proust, Le Côté de Guermantes
Étymologie de parataxe
Parataxe vient du grec paratasso, « mettre en rang à côté les uns des autres », de para, « à côté de » et de tasso, « mettre à une place fixe, ranger ».
Exemples de parataxes
Il existe des parataxes de mot, qui deviennent des locutions usuelles, comme « la présidence Macron », « une photo noir & blanc », « le style Louis XV », etc.
Avide du bien d’autrui, prodigue du sien ; ardent de désirs ; beaucoup d’éloquence, de sagesse peu.
(alieni appetens, sui profusus ; ardens in cupiditatibus ; satis eloquentiae, sapientiae parum.)Salluste, La Conjuration de Catilina, Cité par Henri Suhamy
Le cardinal de Richelieu gouvernait l’État, et il devait toute son élévation à la Reine mère. Il avait l’esprit vaste et pénétrant, l’humeur âpre et difficile ; il était libéral, hardi dans ses projets, timide pour sa personne. Il voulut établir l’autorité du Roi et la sienne propre par la ruine des huguenots et des grandes maisons du Royaume, pour attaquer ensuite la maison d’Autriche et abaisser une puissance si redoutable à la France.
La Rochefoucauld, Mémoires
Vous n’êtes point gentilhomme, vous n’aurez pas ma fille.
Molière, Le Bourgeois gentilhomme, III, 12, M.Jourdain
Madame se meurt ! Madame est morte !
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Anne d’Angleterre
Néron m’aimait tantôt, il jurait votre perte ;
Il me fuit, il vous cherche : un si grand changement
Peut-il être Seigneur, l’ouvrage d’un moment ?Racine, Britannicus, V, 1, Junie
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler ;
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D’un sang qu’elle poursuit, tourments inévitables.Racine, Phèdre, I, 3, Phèdre
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;
Je m’écarte, je vais détrôner le Sophi ;
On m’élit roi, mon peuple m’aime ;
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;
Je suis gros Jean comme devant.La Fontaine, Fables, La Laitières et le pot au lait
Adieu, dit le Renard, ma traite est longue à faire,
Nous nous réjouirons du succès de l’affaire
Une autre fois. Le Galand aussitôt
Tire ses grègues, gagne au haut,
Mal content de son stratagème ;
Et notre vieux Coq en soi-même
Se mit à rire de sa peur
Car c’est double plaisir de tromper le trompeur.Le Coq et le Renard
Madame de Castries était un quart de femme, une espèce de biscuit manqué, extrêmement petite, mais bien prise, et aurait passé dans un médiocre anneau, ni gorge ni menton, fort laide, l’air toujours en peine et étonné…
Saint-Simon, Mémoires
Le lendemain, après le dîner, comme on sortait de table, Cunégonde et Candide se trouvèrent derrière un paravent Cunégonde laissa tomber son mouchoir, Candide le ramassa; elle lui prit innocemment la main le jeune homme baisa innocemment la main de la jeune demoiselle avec une vivacité, une sensibilité, une grâce toute particulière leurs bouches se rencontrèrent, leurs yeux s’enflammèrent, leurs genoux tremblèrent, leurs mains s’égarèrent.
Voltaire, Candide
J’entends des voix. Lueurs à travers ma paupière.
Une cloche est en branle à l’église Saint-Pierre.
Cris des baigneurs. Plus près ! plus loin ! non, par ici !
Non, par là ! Les oiseaux gazouillent, Jeanne aussi.
Georges l’appelle. Chant des coqs. Une truelle
Racle un toit. Des chevaux passent dans la ruelle.
Grincement d’une faux qui coupe le gazon.Hugo, Fenêtres ouvertes
Des étudiants promenaient leurs maîtresses ; des commis en nouveautés se pavanaient, une canne entre les doigts ; des collégiens fumaient des Régalias ; de vieux célibataires caressaient avec un peigne leur barbe teinte ; il y avait des Anglais, des russes, des gens de l’Amérique du Sud, trois Orientaux en tarbouch. Des lorettes, des grisettes, et des filles étaient venues là, espérant trouver un protecteur, un amoureux, une pièce d’or, ou simplement pour le plaisir de la danse ; et leurs robes à tunique vert d’eau, bleu, cerise, ou violette, passaient, s’agitaient, entre les ébéniers et les lilas. Presque tous les hommes portaient des étoffes à carreaux, quelques-uns des pantalons blancs, malgré la fraîcheur du soir. On allumait des becs de gaz.
Flaubert, L’Éducation sentimentale
Je ne leur fais pas confiance aveuglément. Trop impulsifs. Faut s’en méfier. Joueraient leur va-tout. Ils sont comme fous parfois. Les conséquences, ils n’y songent pas.
H. Michaux, Face aux verrous, Cité par le Gradus
Bonjour,
Merci pour cette belle rencontre
Au seul mot de la poésie,
J’espère y rencontrer quelques perles . .