Définition de la paronomase
La paronomase est une figure de style par laquelle on rapproche deux mots dont la sonorité ou l’orthographe sont semblables, mais dont le sens est différent. Ces mots sont nommés des paronymes (comme éruption et irruption). La paronomase s’appuie sur la presque homophonie. Elle fait naître des allitérations ou des assonances. Exemple : « En vivant et en voyant les hommes, il faut que le cœur se brise ou se bronze. » (Chamfort, Maximes, pensées, caractères et anecdotes). Chamfort rapproche les termes « brise » et « bronze » dont la sonorité est semblable. La mélodie que crée cette paronomase permet de faire de cette phrase une maxime, c’est-à-dire une formule qui résume un principe moral et facile à mémoriser. La paronomase souligne en outre la contradiction entre les termes « brise » et « bronze » : elle met en exergue ce terrible dilemme pour certains hommes supérieurs qui doivent s’affermir ou se suicider devant une société impitoyable.
Autre exemple : « Le vin nouveau n’est pas plus vrai, le lin nouveau n’est pas plus frais. » (Saint-John Perse, Vents, 6). Ces deux paronomases reposent sur des métagrammes, c’est-à-dire des changements d’une lettre dans un mot (vin → lin / vrai → frais).
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Les effets de la paronomase
La paronomase, par la mélodie qu’elle donne à la phrase, la rime qu’elle fait naître, donne plus de vigueur à l’expression d’une pensée ou d’un sentiment, elle crée un écho qui inscrit la phrase dans l’esprit de celui qui la lit. Ce procédé est donc privilégié lorsque que l’on souhaite produire une maxime, une sentence, ou même un slogan. Exemple :
- Qui s’excuse, s’accuse.
- Femme boniche, femme potiche. (Slogans du Mouvement de libération des femmes, cités par Nicole Ricalens-Pourchot)
Rapprocher deux termes par une paronomase suggère bien sûr que leurs sens respectifs, bien que différents au départ, sont liés. Le Gradus ajoute que, poussée à l’extrême, la paronomase est un moyen de dépayser l’intelligence. Exemple : « Sourire du paveur car on pave cette ville avec des pavots serait-ce Paphos » (Aragon, Persécuté, cité par le Gradus, citant lui-même Angenot).
La paronomase, par la confusion qu’elle apporte, permet de créer des situations comiques de quiproquos. Exemple :
- Lors dit le prieur claustral : « Que fera cet ivrogne ici ? Qu’on me le mène en prison. Troubler ainsi le service divin ! »
- « – Mais, dit le moine, le service du vin , faisons tant qu’il ne soit troublé, car vous-même, monsieur le prieur, aimez boire du meilleur si fait tout homme de bien. […]» (Rabelais, Gargantua)
La paronomase permet aussi de créer des jeux de mots : « Quand un gendarme rit dans la gendarmerie. »
Paronomase et apophonie
L’apophonie est un procédé par lequel on rapproche des termes dont la variation phonétique est minime. Ce procédé est donc une variété de paronomase. Exemples :
- Il pleure dans
mon coeur
Comme il pleut sur la ville (Verlaine, Romances sans paroles, Il pleure dans mon cœur) - Bizarre, beaux-arts, baisers ! (Ionesco, La Cantatrice chauve, IX, Monsieur Martin)
Paronomase implicite
Une paronomase implicite ne présente qu’un seul des paronymes. L’autre est sous-entendu. Exemple :
- qu’ils aillent offrir au champ d’horreur
Leurs vingt ans qui n’avaient pu naître. (Jacques Brel, Jaurès)- Le mot honneur est sous-entendu, on parle habituel de « champ d’honneur ».
Étymologie de paronomase
Paronomase vient du grec paronomazo, « transformer un mot », de para « à côté de », et de onomazein « nommer ».
Exemples ordinaires de paronomases
Les paronomases sont courantes dans les locutions et les proverbes :
- Amantes sunt amentes : les amants sont fous.
- Ad augusta per angusta : vers la gloire par des voies étroites.
- Tu parles Charles !
- À tout seigneur, tout honneur.
- À bon chat, bon rat.
- Qui vole un oeuf, vole un boeuf.
- Qui vivre, verra.
- Qui se ressemble, s’assemble.
- Comparaison n’est pas raison.
- Traduttore, traditore : traducteur, traître.
Exemples littéraires de paronomases
Je m’instruis mieux par fuite que par suite.
Montaigne, Essais
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.
Rabelais, Gargantua
Et l’on peut me réduire à vivre sans bonheur,
Mais non pas me résoudre à vivre sans honneur.Corneille, Le Cid, Le Comte, II, 1
Sans rien en lui qui pèse ou pose
Verlaine, Art poétique
Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre.
Gambetta, Discours de Lille du 15 août 1877
Aboli bibelot d’inanité sonore,
Mallarmé, Sonnet en X, Poésies
Pâles membres de perle, et ces cheveux soyeux,
Valéry, Charmes, Fragments du Narcisse
[…] aplatissant son nez contre la vitre au centre d’un halo de halentante haleine.
Joyce, Ulysse, cité par le Gradus
Plus de mouton, plus de moutarde.
Jacob, Le Règne des prophètes
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violenteApollinaire, Alcools, Le Pont Mirabeau
Certitude, servitude.
Rostand, Carnet d’un biologiste
Lingères légères
Titre d’un recueil de Paul Éluard
Au biseau des baisers
Les ans passent trop viteAragon, Elsa je t’aime
Aucun recours. Aucun secours de personne.
Sarraute, Le Planétarium
Il en résulte que chaque remous met en action les équipes diverses de la hargne, de la grogne et de la rogne.
De Gaulle, Allocution radiotélévisée du 12 juillet 1961
— Y a pas d’hélice, hélas !
— C’est là qu’est l’os !Oury, La Grande Vadrouille
L’humeur, l’honneur, l’horreur
Titre d’un ouvrage Simon Leys
J’étais un bateau gigantesque
J’emportais des milliers d’amants
J’étais la France qu’est-ce qu’il en reste
Un corpsmort pour des cormoransSardou, Le France
Sur les Balkany :
Les Balkany nient l’idée délit,
L’erreur de justesse et l’horreur de justice
D’où leurs douleurs, lourdeurs aux nids des dénis
Si dures et durcies, les leçons sont !
Extrait du recueil « Défouloir de taulard » bourré de paronomases.
Merci…
j’essai d’obtenir un cerveau
Mais le service est lent
Vos descriptions tonitruante à mes yeux
Quand tout va à l’eau
Merci
Ces deux exemples ne sont pas des paronomases mais des prosonomasies :
« Lors dit le prieur claustral : « Que fera cet ivrogne ici ? Qu’on me le mène en prison. Troubler ainsi le service divin ! » « – Mais, dit le moine, le service du vin , faisons tant qu’il ne soit troublé, car vous-même, monsieur le prieur, aimez boire du meilleur si fait tout homme de bien. […]» Rabelais, Gargantua »
« Quand un gendarme rit dans la gendarmerie »
Pourquoi ?