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Pierre Mendès France, président du Conseil

Publié le 20/08/2016 (m.à.j* le 24/08/2024)
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Pierre Mendès France (1907 – 1982). Homme politique précoce, plus jeune avocat de France en 1926, économiste keynésien reconnu et résistant pendant la guerre, c’est encore aujourd’hui une figure de référence pour une partie de la gauche. Cependant, les figures de Jean Jaurès (1859 – 1914) et de Léon Blum (1872 – 1950) l’éclipsent dans la mémoire collective. Le premier a inscrit son nom dans l’histoire par son magistère intellectuel, le deuxième par la marque de ses réformes. L’héritage de Pierre Mendès France comme dirigeant du pays, en tant que président du Conseil du 18 juin 1954 au 5 février 1955, est beaucoup plus fragile. En réalité, « l’expérience Pierre Mendès France », est un échec. L’homme a essayé de rendre gouvernable un régime, la IVe République, caractérisé par la prépondérance de l’Assemblée nationale et des partis. Les limites du régime ont rendu l’ambition impossible. Ce n’était pas l’homme providentiel attendu.

 

La catastrophe indochinoise ouvre les portes du pouvoir à Pierre Mendès France

La culture générale - Pierre Mendes France Dien Bien phu
Soldats français à Dien Bien Phu / Source : Wikimédia Commons

Le 7 mai 1954 frappe l’opinion publique. À Diên Biên Phû, le Vietminh obtient une victoire décisive contre le corps expéditionnaire français. Le gouvernement Laniel, alors au pouvoir, est renversé. L’Assemblée nationale investit alors Pierre Mendès France comme président du Conseil (chef du gouvernement) le 18 juin 1954 pour dénouer la crise. Il apparaît alors comme l’homme de la situation. C’est en effet le seul homme politique à préconiser la paix par la négociation en Indochine depuis 1950. C’est aussi un acteur singulier du monde politique. Homme de gauche, ancien ministre du Front populaire de Léon Blum, il a cependant peu de rapports avec la direction du parti radical dont il est membre. En outre, il apparaît depuis la Libération comme un spécialiste des problèmes financiers.

 

Pierre Mendès France : une pratique nouvelle du pouvoir comme président du Conseil

La culture générale - Pierre Mendès France législature
La deuxième législature de la IVe République / Source : Wikimedia Commons

Le style de gouvernement de Pierre Mendès France tranche avec la pratique de la IVe République :

  1. il tente de limiter le rôle des partis ;
  2. il cherche à endiguer la prépondérance de l’Assemblée nationale sur le gouvernement.

Son investiture repose sur son seul programme. Il refuse logiquement de négocier la composition de son gouvernement avec les partis. La SFIO (l’ancêtre du parti socialiste) lui en voudra : elle refusera constamment la présence de socialistes dans l’équipe gouvernementale. C’est un véritable chef de gouvernement. Pierre Mendès France s’accorde la liberté de changer les ministres de poste à sa seule discrétion. Il ne sent pas non plus contraint à démissionner lorsqu’un ministre quitte le gouvernement.

 

Pierre Mendès France, un talentueux communiquant

Pierre Mendès France innove aussi dans la communication. Contrairement aux gouvernements précédents, il estime avoir des comptes à rendre au pays. Chaque semaine, il explique sa politique aux Français dans des causeries radiodiffusées. Ce sens de la communication fait beaucoup pour sa popularité dans de l’opinion. Le magazine l’Express, fondé en 1953, mène en outre un habile travail de propagande en faveur du chef du gouvernement. Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, à la tête de l’hebdomadaire, popularisent les idées de Mendès France en mettant en avant la modernisme de son action. Pour la première fois depuis la Libération, le pays se sent gouverné. Le souvenir de Pierre Mendès France restera vif parmi les esprits les plus sensibles à son action : jeunesse universitaire, syndicalistes, cadres intellectuels.

 

Pierre Mendès France, président du Conseil dynamique

La culture générale - Pierre Mendès France Conférence de Genève
Dernière séance de la conférence sur l’Indochine au palais des Nations de Genève, le 21 juillet 1954. De dos, au premier plan, la délégation nord-vietnamienne. / Source : Wikimédia Commons

Le gouvernement Mendès France apparaît comme dynamique. Loin de suivre les événements, il prend de nombreuses initiatives.

La fin de la guerre d’Indochine

Pierre Mendès France fait un « pari ». Il se donne un mois pour trouver une issue au conflit. C’est un succès. Les accords de Genève de juillet 1954 mettent fin à la guerre d’Indochine. Le Nord revient au Vietminh, le Sud revient à un gouvernement protégé par les États-Unis. Le Laos et le Cambodge deviennent indépendant. La France perd toute influence en Indochine. C’est le prix de la défaite.

L’amorce le processus de décolonisation

Pierre Mendès France engage la France dans la voie de la décolonisation consentie. Il engage la rétrocession des cinq comptoirs français en Inde. En Tunisie, son voyage surprise avec le maréchal Juin désamorce une guerre naissante. Il aboutit à la déclaration de Carthage. La Tunisie gagne son indépendance en 1956.

Les réformes en Algérie

Le 1er novembre 1954, le soulèvement en Algérie éclate. Pierre Mendès France et son ministre de l’intérieur, François Mitterrand, refusent de négocier avec le FLN. Il est vrai, l’Algérie a le statut de département français. Mendès France engage cependant une politique de réformes pour parer au malaise des populations indigènes. Pour les imposer aux Européens d’Algérie, il désigne Jacques Soustelle comme gouverneur, homme réputé libéral et énergique.

 

La liquidation de la Communauté européenne de défense

Le projet de Communauté européenne de défense (CED), vise à doter les pays européens du bloc de l’Ouest d’une armée commune sous patronage américain. Il divise la majorité de Mendès France. Les modérés et les radicaux y sont favorables, les gaullistes contre. Mais trouver un compris semble impossible. Les Américains refusent toute renégociation du caractère supranational du traité. Pierre Mendès France décide de liquider le projet. Il demande la ratification du traité par l’Assemblée nationale. Mais il n’engage pas l’existence de son gouvernement sur le vote. Pire, il s’en désinteresse ostensiblement. Le 30 août 1954, l’Assemblée nationale rejette l’adhésion de la France à la CED. Les démocrates-chrétiens du MRP ne pardonneront jamais à Mendès France le « crime du 30 août ».

Pierre Mendès France et le réarmement de l’Allemagne

Bien sûr, le rejet de la CED  mécontente les Américains. Ceux-ci sont soucieux de renforcer leurs alliés européens devant la menace communiste. Or, l’Allemagne est toujours désarmée. Mendès France signe donc les traités de Londres et de Paris en octobre 1954. Trois décisions successives y sont prises :

  1. Ils reconnaissent la souveraineté totale de l’Allemagne, y compris militaire.
  2. L’Allemagne entre dans l’OTAN.
  3. L’Union de l’Europe occidentale est formée.

Ce réarmement est ratifié de justesse par l’Assemblée nationale le 30 décembre 1954.

 

L’échec de l’expérience Pierre Mendès France comme président du Conseil

L’investiture de Pierre Mendès France répond d’abord au problème indochinois. Mais Mendès France a profité de son succès sur le dossier et de sa popularité pour instituer une pratique moderne et novatrice du pouvoir. Cette vigueur nouvelle du pouvoir exécutif disconvient au régime, la IVème République, qui consacre la toute puissance des partis et de l’Assemblée nationale sur le gouvernement. Du fait de la multiplicité des partis, ils ne pouvaient que froisser la base incohérente de ses soutiens. Leur seul dénominateur commun était la volonté de dégager la France du problème indochinois :

  • la droite l’accuse de « brader l’empire » ;
  • les pro-européens ne lui pardonnent pas l’échec de la CED ;
  • les communistes et les gaullistes lui reprochent le réarmement allemand ;
  • les colons français d’Algérie craignent ses intentions réformatrices ;
  • son dirigisme affiché en matière économique inquiète le centre-droit.

Le 7 février 1955, le gouvernement est renversé.

 

La fin de la IVe République

Plus que la fin d’un gouvernement, c’est la fin d’un régime : celui du parlementarisme, c’est-à-dire celui de la primauté du Parlement sur les autres pouvoirs. Plus personne n’a l’espoir de réformer la IVème République. Elle s’effondre au cours de la crise suivante : la guerre d’Algérie (1954 – 1962). Quatre ans plus tard, en 1958, le général de Gaulle instaure un nouveau régime, la Vème République, dans lequel le Parlement perd sa prépondérance au profit du président de la République.