Cette liste reprend en partie l’anthologie établie par Jean Orizet. Celle-ci a le mérite d’être plus courte que celle Georges Pompidou. Elle va à l’essentiel. Les textes présentés ne sont pas tous des poèmes. Certains sont des fables, des chansons ou des extraits de pièce de théâtre dont la beauté les a érigés en véritables modèles stylistiques. Votre poème préféré pourrait manquer. Catastrophe ! Cette liste est bien sûr subjective. N’hésitez pas, alors, à signaler une absence scandaleuse dans les commentaires !
Poèmes français du Moyen Âge
Poème de Marie de France
Ni vous sans moi, ni moi sans vous
« Belle amie ainsi est de nous
Ni vous sans moi, ni moi sans vous. »
Poèmes de Rutebeuf
Contre le tenz qu’aubres deffuelle,
Qu’il ne remaint en branche fuelle
Qui n’aut a terre,
Por povretei qui moi aterre,
Li mal ne sevent seul venir :
Tout ce m’estoit à avenir
S’est avenu.
Poèmes de Charles d’Orléans
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s’est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.
Poèmes François Villon
Ballade des dames du temps jadis
Mais ou sont les neiges d’antan ?
Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Poèmes français de la Renaissance
Poèmes de Clément Marot
Plus ne suis ce que j’ai été,
Et plus ne saurais jamais l’être :
Mon beau printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre.
Dedans Paris, ville jolie,
Un jour, passant mélancolie,
Je pris alliance nouvelle
A la plus gaie demoiselle
Qui soit d’ici en Italie.
Anne, par jeu, me jeta de la neige,
Que je cuidais froide certainement;
Mais c’était feu; l’expérience en ai-je,
Car embrasé je fus soudainement.
En m’esbatant je faiz Rondeaux en rime,
Et en rimant bien souvent je m’enrime:
Brief, c’est pitié d’entre nous Rimailleurs,
Car vous trouvez assez de rime ailleurs,
Poèmes de Joachim du Bellay
« Heureux qui, comme Ulysse… »
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
France, mère des arts, des armes et des lois
France, mère des arts, des armes et des lois,
Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle :
Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,
Je remplis de ton nom les antres et les bois.
Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n’aperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois,
Et ces vieux murs, c’est ce que Rome on nomme.
Ayant après long désir
Pris de ma douce ennemie
Quelques arrhes du plaisir,
Que sa rigueur me dénie,
Poèmes de Pierre de Ronsard
Mignonne, allons voir si la rose…
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu cette vêprée
Quand vous serez bien vieille…
Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle. »
Poème de Louise Labé
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Poèmes de François de Malherbe
Consolation à Monsieur du Périer sur la mort de sa fille
Ta douleur, Du Périer, sera donc éternelle,
Et les tristes discours
Que te met en l’esprit l’amitié paternelle
L’augmenteront toujours !
Dessein de quitter une dame qui ne le contentait que de promesse
Beauté, mon beau souci, de qui l’âme incertaine
A, comme l’océan, son flux et son reflux,
Pensez de vous résoudre à soulager ma peine,
Ou je me vais résoudre à ne la souffrir plus.
Poèmes français du XVIIe siècle
Théâtre de Pierre Corneille
Marquise, si mon visage
À quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu’à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.
Rome, l’unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant !
Rome qui t’a vu naître, et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore !
Sous moi donc cette troupe s’avance,
Et porte sur le front une mâle assurance.
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Percé jusques au fond du cœur
D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d’une juste querelle,
Et malheureux objet d’une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon feu récompensé,
Ô Dieu, l’étrange peine !
En cet affront mon père est l’offensé,
Et l’offenseur le père de Chimène !
Fables de Jean de la Fontaine
La Cigale, ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
Le lièvre et la tortue en sont un témoignage.
Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point
Sitôt que moi ce but. – Sitôt ? Etes-vous sage ?
Poèmes de Nicolas Boileau
Iris, tu fus alors moins à plaindre que moi :
Et, bien qu’un triste solrt t’ait fait perdre la vie,
Hélas ! en te perdant j’ai perdu plus que toi.
Qui frappe l’air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ?
Est-ce donc pour veiller qu’on se couche à Paris ?
Théâtre de Jean Racine
À peine nous sortions des portes de Trézène,
Il était sur son char. Ses gardes affligés
Imitaient son silence, autour de lui rangés ;
Il suivait tout pensif le chemin de Mycènes ;
C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit.
Ma mère Jézabel devant moi s’est montrée,
Comme au jour de sa mort pompeusement parée.
Ses malheurs n’avaient point abattu sa fierté ;
Poèmes français du XVIIIe siècle
Poèmes de Voltaire
Si vous voulez que j’aime encore,
Rendez-moi l’âge des amours ;
Au crépuscule de mes jours
Rejoignez, s’il se peut, l’aurore.
L’autre jour, au fond d’un vallon,
Un serpent piqua Jean Fréron ;
Que pensez-vous qu’il arriva ?
Poème de Jean-Jacques Rousseau
Dans un nouveau parentage,
Te souviendras-tu de moi ?
Ah ! je te laisse pour gage
Mon serment, mon cœur, ma foi.
Opéra de Philippe Fabre d’Églantine
L’hospitalité (Il pleut, il pleut, bergère)
Il pleut, il pleut bergère
Rentre tes blancs moutons
Allons sous ma chaumière
Bergère, vite allons
J’entends sous le feuillage
L’eau qui tombe à grand bruit.
Voici, venir l’orage,
Voici l’éclair qui luit.
Poèmes de Jean-Pierre Claris de Florian
Plaisir d’amour ne dure qu’un moment,
Chagrin d’amour dure toute la vie.
Partir avant le jour, à tâtons, sans voir goutte,
Sans songer seulement à demander sa route ;
Aller de chute en chute, et, se traînant ainsi,
Faire un tiers du chemin jusqu’à près de midi ;
La guenon, le singe et la noix
Une jeune guenon cueillit
Une noix dans sa coque verte ;
Elle y porte la dent, fait la grimace… ah ! Certes,
Dit-elle, ma mère mentit
Oh ! oh ! dit le grillon, je ne suis plus fâché ;
Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
Combien je vais aimer ma retraite profonde !
Pour vivre heureux, vivons caché.
Poèmes d’André Chénier
L’épi naissant mûrit de la faux respecté ;
Sans crainte du pressoir, le pampre tout l’été
Boit les doux présents de l’aurore ;
Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui,
Quoi que l’heure présente ait de trouble et d’ennui,
Je ne veux point mourir encore.
Pleurez, doux alcyons ! ô vous, oiseaux sacrés,
Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez !
Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine !
Poèmes français du XIXe siècle
Poèmes de Marceline Desbordes-Valmore
J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n’ont pu les contenir.
N’écris pas. Je suis triste, et je voudrais m’éteindre.
les beaux étés sans toi, c’est la nuit sans flambeau.
J’ai refermé mes bras qui ne peuvent t’atteindre,
Et frapper à mon cœur, c’est frapper au tombeau.
N’écris pas !
Poèmes d’Alphonse de Lamartine
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.
Salut, bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la nature
Convient à la douleur, et plaît à mes regards.
Quand j’étais jeune et fier et que j’ouvrais mes ailes,
Les ailes de mon âme à tous les vents des mers,
Les voiles emportaient ma pensée avec elles,
Et mes rêves flottaient sur tous les flots amers.
Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
Poèmes d’Alfred de Vigny
J’aime le son du Cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu’il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l’adieu du chasseur que l’écho faible accueille,
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.
Les nuages couraient sur la lune enflammée
Comme sur l’incendie on voit fuir la fumée,
Et les bois étaient noirs jusques à l’horizon.
Nous marchions, sans parler, dans l’humide gazon,
Poèmes de Victor Hugo
Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l’enfant paraître,
Innocent et joyeux.
Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis ?
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d’une bataille,
Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir,
Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir,
J’allai voir la proscrite en pleine forfaiture,
Et lui glissai dans l’ombre un pot de confiture
Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l’empereur brisait le masque étroit.
Booz s’était couché de fatigue accablé ;
Il avait tout le jour travaillé dans son aire ;
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire ;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.
Poème de Félix Arvers
« Mon âme a son secret, ma vie a son mystère :
Un amour éternel en un moment conçu.
Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire,
Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.
Poèmes de Gérard de Nerval
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.
En voyage, on s’arrête, on descend de voiture ;
Puis entre deux maisons on passe à l’aventure,
Des chevaux, de la route et des fouets étourdi,
L’oeil fatigué de voir et le corps engourdi.
Je suis le ténébreux, – le veuf, – l’inconsolé,
Le prince d’Aquitaine à la tour abolie :
Ma seule étoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.
Poèmes d’Alfred de Musset
J’ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté;
J’ai perdu jusqu’à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.
Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu,
Éveillons au hasard les échos de ta vie,
Parlons-nous de bonheur, de gloire et de folie,
Et que ce soit un rêve, et le premier venu.
Dans Venise la rouge,
Pas un bateau qui bouge ;
Pas un pêcheur dans l’eau,
Pas un falot.
Poème de Sophie d’Arbouville
Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d’amour :
Trop vite, hélas ! un ciel d’orage
Vient obscurcir le plus beau jour.
Poèmes de Théophile Gautier
Tandis qu’à leurs oeuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps.
Déjà plus d’une feuille sèche
Parsème les gazons jaunis ;
Soir et matin, la brise est fraîche :
Hélas ! les beaux jours sont finis !On voit s’ouvrir les fleurs que garde
Le jardin, pour dernier trésor :
Le dahlia met sa cocarde,
Et le souci sa toque d’or.
Poèmes Charles-Marie Leconte de Lisle
Midi, roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d’argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L’air flamboie et brûle sans haleine ;
La terre est assoupie en sa robe de feu.
Sous les noirs acajous, les lianes en fleur,
Dans l’air lourd, immobile et saturé de mouches,
Pendent, et, s’enroulant en bas parmi les souches,
Bercent le perroquet splendide et querelleur,
L’araignée au dos jaune et les singes farouches.
Poèmes de Charles Baudelaire
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !
La sottise, l’erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Poème de Théodore de Banville
Clown admirable, en vérité !
Je crois que la postérité,
Dont sans cesse l’horizon bouge,
Le reverra, sa plaie au flanc.
Chanson d’André Theuriet
Brins d’osier, brins d’osier,
Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier.Brins d’osier, vous serez le lit frêle où la mère
Berce un petit enfant aux sons d’un vieux couplet :
L’enfant, la lèvre encor toute blanche de lait,
S’endort en souriant dans sa couche légère.
Poème de Jean-Baptiste Clément
Quand nous chanterons le temps des cerises,
Et gai rossignol, et merle moqueur
Seront tous en fête !
Poèmes de Sully Prudhomme
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux,
Et le soleil se lève encore.
Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l’onde avec ses larges palmes,
Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
A des neiges d’avril qui croulent au soleil ;
Poèmes de Stéphane Mallarmé
De l’éternel azur la sereine ironie
Accable, belle indolemment comme les fleurs
Le poète impuissant qui maudit son génie
A travers un désert stérile de Douleurs.
La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Poèmes de José Maria de Heredia
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.
L’aube d’un jour sinistre a blanchi les hauteurs.
Le camp s’éveille. En bas roule et gronde le fleuve
Où l’escadron léger des Numides s’abreuve.
Partout sonne l’appel clair des buccinateurs.
Poèmes de Paul Verlaine
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?
Poème de Tristan Corbière
Il fait noir, enfant, voleur d’étincelles !
Il n’est plus de nuits, il n’est plus de jours ;
Dors… en attendant venir toutes celles
Qui disaient : Jamais ! Qui disaient : Toujours !
Poème de Maurice Rollinat
La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux :
Son petit faon délicieux
A disparu dans la nuit brune.
Poèmes d’Arthur Rimbaud
C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal :
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées!
Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J’ai de mes ancêtres gaulois l’oeil bleu blanc, la cervelle étroite, et la maladresse dans la lutte. Je trouve mon habillement aussi barbare que le leur. Mais je ne beurre pas ma chevelure.
Poème d’Émile Verhaeren
Se regardant avec les yeux cassés de leurs fenêtres
Et se mirant dans l’eau de poix et de salpêtre
D’un canal droit, marquant sa barre à l’infini.
Poème de Jules Laforgue
Blocus sentimental ! Messageries du Levant !…
Oh, tombée de la pluie ! Oh ! tombée de la nuit,
Oh ! le vent !…
La Toussaint, la Noël et la Nouvelle Année,
Oh, dans les bruines, toutes mes cheminées !…
D’usines…
Tout m’ennuie aujourd’hui. J’écarte mon rideau,
En haut ciel gris rayé d’une éternelle pluie,
En bas la rue où dans une brume de suie
Des ombres vont, glissant parmi les flaques d’eau.
Poème d’Henri de Régnier
Un petit roseau m’a suffi
Pour faire frémir l’herbe haute
Et tout le pré
Et les doux saules
Poème de Paul-Jean Toulet
Dans Arles, où sont les Aliscans,
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Théâtre d’Edmond Rostand
Descriptif : « C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! »
Poèmes français du XXe siècle
Poème de Francis Jammes
Le village à midi. La mouche d’or bourdonne
entre les cornes des bœufs.
Nous irons, si tu le veux,
Si tu le veux, dans la campagne monotone.
Poème d’André Suarès
Mol et sans voix, le couperet de l’ombre descend du ciel et le jour tombe, la face contre terre, dans le fatal étang ; et les yeux s’enfoncent dans la fosse. Long crépuscule.
Poème de Paul Valéry
Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !
Poème de Paul Fort
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite. Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer.
Poème de Charles Péguy
Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance,
Qui demeures aux prés, où tu coules tout bas.
Meuse, adieu: j’ai déjà commencé ma partance
En des pays nouveaux où tu ne coules pas.
Poèmes de Guillaume Apollinaire
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
J’ai cueilli ce brin de bruyère
L’automne est morte souviens-t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Automne malade et adoré
Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers
Poème de Jules Supervielle
Il vous naît un poisson qui se met à tourner
Tout de suite au plus noir d’une lame profonde,
Il vous naît une étoile au-dessus de la tête,
Elle voudrait chanter mais ne peut faire mieux
Que ses sœurs de la nuit, les étoiles muettes.
Chanson de Francis Carco
Le doux caboulot
Fleuri sous les branches
Est tous les dimanches
Plein de populo.
Poème de Blaise Cendrars
Tu es plus belle que le ciel et la mer
Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir
Poème de Saint-John Perse
Azur! nos bêtes sont bondées d’un cri !
Poèmes de Paul Eluard
Que voulez-vous la porte était gardée
Que voulez-vous nous étions enfermés
Que voulez-vous la rue était barrée
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom
La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu
C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.
Poèmes Louis Aragon
Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire
J’ai vu tous les soleils y venir se mirer
S’y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire
Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n’y a pas d’amour heureux
Poème de Robert Desnos
J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant
et de baiser sur cette bouche la naissance
de la voix qui m’est chère ?
Chanson de Joseph Kessel et Maurice de Druon
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne?Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme.
Poèmes de Jacques Prévert
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu’il aime
il dit non au professeur
il est debout
Poème de Birago Diop
Dans un des trois canaris
des trois canaris où reviennent certains soirs
les âmes satisfaites et sereines,
les souffles des ancêtres,
des ancêtres qui furent des hommes
des aïeux qui furent des sages,
Mère a trempé trois doigts,
trois doigts de sa main gauche
le pouce, l’index et le majeur ;
Poèmes de Léopold Sédar Senghor
Je ne sais en quel temps c’était, je confonds toujours l’enfance et l’Éden Comme je mêle la Mort et la Vie – un pont de douceur les relie.
C’est dimanche
j’ai peur de la foule de mes semblables au visage de pierre
De ma tour de verre qu’habitent les migraines, les Ancêtres impatients.
je contemple toits et collines dans la brume.
Dans la paix – les cheminées sont graves et nues.
Femme nue, femme noire
Vétue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle
Poème de René Guy Cadou
Pourquoi n’allez-vous pas à Paris ?
– Pourquoi n’allez-vous pas à Paris ?
– Mais l’odeur des lys ! Mais l’odeur des lys !
Poème d’Aimé Césaire
Là
où l’aventure garde les yeux clairs
là où les femmes rayonnent de langage
là où la mort est belle dans la main comme un oiseau
saison de lait
là où le souterrain cueille de sa propre génuflexion un luxe
de prunelles plus violent que des chenilles
là où la merveille agile fait flèche et feu de tout bois
Poème de Guillevic
C’est de la viande où passait le sang, de la viande
Où tremblait la miraculeuse,
L’incompréhensible chaleur des corps.
Il manque André Breton. Et toi qui est belle comme une perle de soleil murmure moi toujours ces mots éternels qui incitent à l’amour…
Je suis à la recherche d’un poème appris en classe primaire dans les années 50 . Je pense que le titre était : Après l’orage, et il contenait cette expression » le ciel, défatigué…. » . Qui saurait le retrouver? Merci!