Définition
Une polysyndète est une figure de style par laquelle on multiplie volontairement les mots de liaison, notamment les conjonctions de coordination (mais, ou, et, donc, or, ni, car) ou les adverbes de liaison (ainsi, alors, certes, en effet…) alors que la grammaire ne l’exige pas. La polysyndète s’oppose à l’asyndète. Exemple :
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.Verlaine, Poèmes saturniens, Mon rêve familier
Verlaine multiplie la conjonction « et », ce qui donne une impression de bercement. Autre exemple :
La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !Mallarmé, Brise marine
Mallarmé répète trois fois la conjonction négative « ni » pour insister fortement sur l’idée que rien ne le retiendra.
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Effet de la polysyndète
Alors que l’asyndète crée une impression de foisonnement, de profusion, de désordre, la polysyndète détache chaque élément énuméré pour lui donner plus de relief. Elle permet de créer des accumulations frappantes de fait du rythme (binaire, ternaire) joué. Exemple :
Avez-vous dans les airs entendu quelque bruit ?
Les vents nous auraient-ils exaucés cette nuit ?
Mais tout dort, et l’armée, et les vents, et Neptune.Racine, Iphigénie, I, 1, Arcas
La polysyndète crée ici un rythme ternaire.
Polysyndète et anaphore
Figure voisine de la polysyndète, l’anaphore est une figure de style par laquelle on répète un même mot ou un même groupe de mots en tête de phrases, de vers, de paragraphes qui se suivent. C’est une figure de style qui donne une impression d’insistance, de symétrie et renforce un propos. Ce procédé est particulièrement populaire en poésie. Exemple :
Paris, Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré !…
Étymologie de polysyndète
Polysyndète vient du grec polusundetos, πολυσυνδετος, « qui contient beaucoup de conjonctions », de polus « nombreux », et sundet, « lier, unir ».
Exemples de polysyndètes
- Et la
mer et l’amour ont l’amer pour partage,
Et la mer est amère, et l’amour est amer (Marbeuf) - Mes yeux ne voyaient plus, je ne
pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler. (Racine, Phèdre, I, 3, Phèdre) - Volage adorateur de mille objets
divers,
Qui va du Dieu des morts déshonorer la couche ;
Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche, (Phèdre, II, 5) - Quelquefois à l’autel
Je présente au grand-prêtre ou l’encens ou le sel,
J’entends chanter de Dieu les grandeurs infinies.
Je vois l’ordre pompeux de ses cérémonies. (Athalie, II, 7, Joas) - […] la raison ne peut tenir contre le tempérament : elle se laisse mener en triomphe, ou en qualité de captive, ou en qualité de flatteuse. Elle contredit les passions pendant quelque temps, et puis elle ne dit mot, et se chagrine en secret, et enfin elle leur donne son approbation. (Bayle, Réponses aux questions d’un provincial)
- Oui, je le lui rendrai, mais
mourant, mais puni
Mais versant à ses yeux le sang qui m’a trahi. (Voltaire, Zaïre, Acte III, 7) - J’ai perdu ma force et ma
vie
Et mes amis et ma gaieté (Musset, Poésies nouvelles, Tristesse) - Et son bras et sa
jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne… (Baudelaire, Les Fleurs du mal, Les Bijoux)- Cette polysyndète sert à former une accumulation.
- Assez vu. La vision s’est
rencontrée à tous les airs.
Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours. (Rimbaud, Illuminations, Départ) - Un soir, j’ai assis la Beauté sur
mes genoux. − Et je l’ai trouvée amère. − Et je l’ai injuriée.
(Une saison en enfer,
Prologue)
- Ce vers est aussi une allégorie et une personnification de la Beauté.
- Le temps ! le temps !
Issoire,
Il coule et tourne et gire et vire et filtre en ta passoire… (Romains, Les Copains) - Il faut les croire sur
baiser
Et sur parole et sur regard
Et ne baiser que leurs baisers (Éluard, Amoureuses) - Et avec quel effroi ! …Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu’aux cheveux ? (Céline, Voyage au bout de la nuit)
- Puis vient le jour où l’on sait qu’on est pauvre et misérable et malheureux et aveugle et nu. (Kerouac, Sur la route, cité par le Gradus)
- Ces hommes qui comme nous
croquèrent des olives, burent du vin, s’engluèrent les doigts de
miel, luttèrent contre le vent aigre et la pluie aveuglante, et
chèrchèrent en été l’ombre d’un platane, et jouirent, et pensèrent,
et vieillirent et moururent. (Yourcenar, Mémoires
d’Hadrien)
- Cette polysyndète succède à une parataxe.
- Et quelques pas de
deux et quelques pas de danse
Et la nuit est soumise et l’alizé se brise
Aux Marquises. (Brel, Les Marquises)
LES EXTRAITS PRÉSENTÉS CI-DESSUS POSSÈDENT UNE BELLE MUSICALITÉ, CELLE DES GRANDS POÈTES tels Verlaine, Rimbaud, Baudelaire, Mallarmé, Apollinaire.
…«soumise» «brise» Marquises…quelle douceur chez notre Grand Jacques Brel…que j’ai eu le bonheur d’entendre à l’Apollo de Lens..il y a longtemps…
La conjonction «et»exprime l’affectivité parfois ,le «ni» chez Apollinaire suggère le bruit de l’eau et le passage du temps:
Sous le pont Mirabeau coule la Seine ET nos amours…
..ni le temps passé ..ni les amours reviennent,,,