Définition
Le supplice de Tantale signifie : désirer quelque chose qui est inaccessible, avoir un désir toujours inassouvi, avoir un désir irréalisable, voir ses projets échouer prêt du but.
Exemples
- Son médecin lui avait interdit le sucre. Passer devant la chocolaterie de la grand-rue avait été un véritable supplice de Tantale.
- Croiser chaque jour l’objet de tous ses tourments, vivre si près de celui à qui elle portait un si grand amour sans jamais pouvoir lui avouer, c’était le supplice de Tantale qu’aucun ne pouvait lui envier.
- — Voici les animaux, fit Joe ;
les hommes ne sont pas loin.
— Ah ! les magnifiques éléphants ! s’écria Kennedy. Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de chasser un peu ?
— Et comment nous arrêter, mon cher Dick, avec un courant de cette violence ? Non, goûte un peu le supplice de Tantale ! Tu te dédommageras plus tard. » (Verne, Cinq semaines en ballon) - Cet homme qui a été bibliothécaire est désespéré par les bibliothèques, parce qu’il veut se les approprier entièrement, et qu’elles dépassent les possibilités et les forces. Trop riches, surabondantes, elles sont pour le lecteur avide le supplice de Tantale. Aussi les regarde-t-il avec beaucoup plus d’angoisse que d’appétit. (Judith Schlanger, La Vocation)
Le supplice de Tantale : origine de l’expression
Tantale (Τάνταλος) est un des personnage de la mythologie grecque. Fils de Zeus et roi de Phrygie ou de Lydie, il a été condamné par les dieux à subir un châtiment éternel au Tartare.
Pindare (VIe – Ve av. J.-C.) raconte au premier chant de ses Olympiques que, parce que le fils de Tantale, Pélops, avait été emmené par Poséidon auprès de Zeus, et que les proches de Tantale s’inquiétaient de son absence et le cherchaient, une rumeur aurait été diffusée par un être malveillant selon laquelle les dieux auraient démembré ce fils pour le cuire et le manger. Mais Pindare ne souscrit pas à cette histoire « calomnieuse ». Pindare poursuite en racontant que Tantale ne put supporter sans excès et sans se ruiner lui-même l’honneur et la prospérité que lui accordèrent les dieux. Pour punir Tantale, le père des dieux, Zeus, suspendit au-dessus de lui une grosse pierre, menaçant toujours de l’écraser, et qu’il ne pouvait écarter malgré sa lutte. Ce sort malheureux, cette vie de fatigue permanente, Tantale la devrait, plus sûrement selon Pindare, au fait qu’il avait volé le nectar et l’ambroisie aux dieux au cours d’un banquet, pour se rendre immortel.
Il existe d’autres versions du crime de Tantale et de son châtiment. Diodore raconte par exemple que Tantale, admis aux festins des dieux, aurait révélé leurs secrets. Homère donne dans l’Odyssée une version du châtiment qui a donné son sens à l’expression moderne. Au chant XI, Ulysse est au pays cimmérien, et des âmes viennent lui rendre visite. Parmi elles figure Tantale :
Je vis aussi Tantale, en proie à la torture,
plongé debout jusqu’au menton dans un marais :
toujours brûlant de soif, il ne pouvait atteindre l’eau,
car, chaque fois que le vieillard se penchait pour y boire,
chaque fois l’eau fuyait, absorbée, tandis qu’à ses pieds
apparaissait la terre noire asséchée par un dieu.
Au-dessus de sa tête, de hauts arbres offraient leurs fruits,
des poiriers, des pommiers aux fruits brillants, des grenadiers,
des figuiers doux, des oliviers en pleine force :
à chaque fois que le vieillard essayait d’y porter la main,
le vent les rejetait vers les nuages sombres. (XI, 582 – 592 – Traduction de Philippe Jaccottet)
Lucien (120 – 180) fait parler Tantale dans un dialogue du Dialogue des morts :
MÉNIPPE. Pourquoi pleurer ainsi Tantale ? pourquoi gémir sur ton sort, debout près de ce lac ?
TANTALE. Parce que je meurs de soif, Ménippe.
MÉNIPPE. Es-tu donc si paresseux que tu ne te baisses pour boire, ou bien, par Jupiter, que tu ne puises de l’eau dans le creux de ta main ?
TANTALE. C’est vainement que je me baisserais : l’eau fuit, dès qu’elle me sent approcher d’elle, et si, par hasard, j’en puise un peu dans ma main et la porte à ma bouche, je n’ai pas le temps de mouiller le bord de mes lèvres que déjà elle s’écoule, je ne sais comment, à travers mes doigta, et que ma main reste sèche.
MÉNIPPE. Ce qui t’arrive est prodigieux, Tantale. Mais, dis-moi, pourquoi as-tu besoin de boire ? Tu n’as plus de corps ; le tien est enseveli quelque part en Lydie, et c’est lui qui pouvait jadis avoir soif ou faim. Aujourd’hui que tu n’es qu’une âme, comment peux-tu éprouver la faim ou la soif ?
TANTALE. C’est cela même qui est mon supplice : mon âme éprouve la soif, comme si elle était mon corps.
2. MÉNIPPE. Je veux bien le croire, puisque tu dis que cette soif est ta punition ; mais qu’est-ce que cela peut avoir d’affligeant pour toi ? Crains-tu de mourir, faute de boire ? Je ne vois pas qu’il y ait d’autre enfer que celui-ci, ni de mort qui nous fasse passer en d’autres lieux.
TANTALE. Tu as raison ; et c’est une partie de ma peine de désirer de boire sans en avoir besoin.
MÉNIPPE. Tu es fou, Tantale, et ce n’est pas d’eau que tu parais avoir besoin, mais, par Jupiter, d’ellébore pur. Tu éprouves le contraire des gens mordus par un chien enragé : ce n’est pas l’eau, c’est la soif que tu crains.
TANTALE. Je ne refuserais pas, Ménippe, de boire même de l’ellébore ; puissé-je en avoir !
MÉNIPPE. Sois tranquille. Tantale : ni toi, ni aucun mort ne boira jamais ; c’est impossible. Cependant, tous ne sont pas condamnés, comme toi, à une soif perpétuelle, tandis que l’eau s’échappe de leurs mains.
L’expression moderne « un supplice de Tantale » n’apparaît qu’au XVIIIe siècle et se fige au XIXe . À lire en cliquant ici : pourquoi dit-on une « épée de Damoclès » ?
« Cert’ il a souffert/ Jadis aux enfers Tantale/Quand l’eau refusa/D’arroser ses a…/Mygdales » (Brassens)