Définition
La syllepse est une figure de style par laquelle on emploie un même mot à la fois au sens propre et au sens figuré. La syllepse joue donc sur la polysémie d’un mot, c’est-à-dire sur le fait qu’un mot dispose de plusieurs sens.
Exemple :
Sais-tu pourquoi les sauvages sont tout nus ?
C’est parce que Christophe Colomb les a découverts.Attribué à Hugo par le Lexique des figures de style
Cette devinette joue sur la polysémie du verbe « découvrir » : ôter les vêtements de quelqu’un, et découvrir de nouvelles terres. Cet exemple est évidemment empreint d’humour : la syllepse permet de créer des jeux de mots.
Autre exemple :
Je percerai le cœur que je n’ai pu toucher
Andromaque, IV, 3, Hermione
Le terme « coeur » est à comprendre ici l’organe et la métaphore du siège de la sensibilité.
À lire en cliquant ici : la liste de toutes les figures de style essentielles de la langue française.
Effets
En jouant sur le sens des mots, la syllepse est comme une énigme qui permet de surprendre et d’amuser le lecteur. Ce dernier doit faire travailler son imagination afin de comprendre comment l’auteur utilise la polysémie d’un terme pour faire passer des messages cachés. La syllepse permet en outre de créer des jeux de mots ; elle est par là un procédé qui permet l’humour.
Jeux de mots
Exemple :
Quand j’étais petit,
j’ai suivi seulement les cours de récréation
et après
il paraît que l’école
c’est secondaireCité par Le Lexique des figures de style
Il faut prendre le terme « secondaire » dans plusieurs sens : l’enseignement qui suit le primaire, mais aussi comme ce qui a une importance de second ordre.
Nos petites cuillères n’ayant rien à voir avec des médicaments, nous prions notre aimable clientèle de ne pas les prendre après les repas
Jean-Charles, Les Perles du facteur
Le terme « prendre » est à comprendre comme « prendre des médicaments », mais aussi comme « dérober, voler ».
Votre agent a besoin d’un savon : dès qu’il a placé la machine, il s’en lave les mains
Ibid
« S’en laver les mains » est à prendre au sens littéral, mais aussi au sens de se « dégager de sa responsabilité ».
Les miroirs feraient bien de réfléchir avant de nous renvoyer notre image
Jean Cocteau, Essai de critique indirecte
« Réfléchir » est ici compris comme « refléter » mais aussi « penser ».
Il mourut décapité, mais la tête haute
Cité par Gradus
Ce n’est pas que je prenne mon chien pour plus bête qu’il n’est.
Raymond Devos, Mon chien c’est quelqu’un
« Bête » est à comprendre comme « animal », mais aussi « stupide ».
Syllepse et zeugma/zeugme
La syllepse est souvent associée au zeugme, qui est une figure par laquelle on adjoint à un terme deux compléments de nature différente, par la syntaxe ou par le sens.
Exemple :
Contre ses persiennes closes, Mme Massot tricote, enfermée dans sa chambre et dans sa surdité.
Martin du Gard, Vieille France
« Dans sa chambre » et « dans sa surdité » sont deux compléments, de construction identique, du verbe « enfermer ». Mais le verbe « enfermer » est à comprendre au sens littéral quand il est associé à « dans sa chambre » (être enfermé dans sa chambre) et à comprendre au sens métaphorique quand il est associé à « surdité » (être enfermé dans surdité). Il y a donc syllepse car deux sens différents du verbe « enfermer » sont employés, avec deux compléments de construction identique mais de sens différents.
Vêtu de probité candide et de lin blanc
Hugo, La légende des siècles, Booz endormi
Le zeugme et la syllepse permettent ici une métaphore forcée : si « être vêtu de lin blanc » est compréhensible, la métaphore « être vêtu de probité candide » semble quelque peu « tirée par les cheveux ».
Syllepse et antanaclase
La syllepse n’emploie qu’une seule fois le même mot, mais dans deux sens différents. L’antanaclase, quant à elle, emploie deux fois le même mot et dans deux sens différents :
Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point.
Pascal, Pensées, IV, 277
Étymologie de syllepse
Le latin syllepsis a repris le grec sullêpsis, « action de prendre ensemble »
Exemples de syllepses
Galathée est pour Corydon plus douce que le miel du Mont Hybla
Virgile, Les Bucoliques
« Douce » signifie à la foie « sucrée » (en relation avec le miel du Mont Hybla) et « tendresse amoureuse ».
Je souffre tous les maux que j’ai faits devant Troie :
Vaincu, chargé de fers, de regrets consumé,
Brûlé de plus de feux que je n’en allumai,
Tant de soins, tant de pleurs, tant d’ardeurs inquiètes…Racine, Andromaque, I, 3, Pyrrhus
Les « feux » sont à comprendre comme ceux de la passion et ceux qui brûlent.
Blaise. -…Le capitaine de gendarmerie tenait qu’on s’embarque tous les quatre, plus les toutous, dans la « quatre cent trois » qu’il vient de se payer. Une voiture nouvelle, ça vous transporte, les premiers jours !
Audiberti, L’Effet Glapion, Cité par le Gradus
Transporter est à comprendre au sens littéral de se déplacer, et au sens figuré de susciter l’enthousiasme, un sentiment très vif.
Dupont…préparait dans sa cuisine une autre boîte de conserve pour le repas du soir. Il lui fallait, tout d’abord, faire cuire avec l’assaisonnement…puis distiller la soudure, remplir de méture la boîte de tôle étamée avec la nourriture cuite à grande eau…et puis souder le couvercle…et ça faisait une boîte de conserve pour le repas du soir.
Vian, L’Automne à Pékin
Ici la syllepse donne une teinte farfelu au récit car le contenant est donné pour le contenu : lorsque que l’on dit que l’on va « préparer une boîte de conserve », on entend « le contenu de la boîte de conserve ». Pourtant, le personnage de Vian cuisine la boîte de conserve elle-même. Il y a syllepse métonymique.
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