530 Vues
Enregistrer

Zheng He : les expéditions des bateaux trésors de l’amiral chinois

Publié le 06/10/2016 (m.à.j* le 24/08/2024)
4 commentaires

Zheng He

Nous sommes en 1405. Les Européens ne dominent pas encore l’océan Indien. Le Portugais Vasco de Gama (1469 – 1524) n’a pas encore atteint Calicut, en Inde. Il faut attendre 1498. Les Chinois de la dynastie Ming (1368 – 1644), en revanche, préparent une immense expédition maritime vers l’océan Indien. L’amiral chinois Zheng He (1371 – 1433) mène son armada commercer jusqu’à Zanzibar (Tanzanie actuelle). Cet eunuque, musulman, est au service de l’empereur Yongle (1402- 1424). Entre 1405 et 1433, Zheng He mène 7 expéditions à partir du port de Longjiang. Il passe par presque tous les grands ports des pays du pourtour de l’océan Indien. Sa flotte s’arrête d’abord à Java puis à Sumatra, pour ensuite accoster à Calicut. Il poursuit par la Perse, pousse en Arabie jusqu’à Djedda, après une étape à La Mecque (Arabie saoudite actuelle). Enfin il redescend vers l’Afrique orientale. 

 

Les bateaux trésors de Zheng He

Zheng he

La flotte de la première expédition comptait 317 vaisseaux, dont 62 « bateaux trésors », d’énormes vaisseaux de 110 à 130 mètres de long et de 50 mètres de large qui pouvaient transporter jusqu’à 500 passagers. En comparaison, les caravelles de Christophe Colomb (1451 – 1506) de 1492 ne dépassaient les 25 mètres de long. Autre exemple, l’Invincible Armada espagnole de 1588 ne comptait « que » 132 navires.

Voir ici : les noms des 3 bateaux de Christophe Colomb.

En 1405, les Chinois ont encore une très large avance technique sur les Européens. Ils utilisent la poudre, le papier et l’imprimerie. C’est le pays le plus peuplé au monde, qui connaît la lettre de change ou le crédit. Ils exportent de la porcelaine, de la soie, du lin, du cuivre, etc.

 

Des expéditions pour démontrer la puissance de la Chine

Zheng He carte
Itinéraire des voyages de Zheng He de 1405 à 1433 | Wikimédia Commons

Zheng He, agent du prestige de la Chine

Il ne s’agissait pas ici de chercher de nouvelles voies pour commercer, ni d’explorer de nouvelles terres. Les routes maritimes empruntées par la flotte de Zheng He sont connues et sont fréquentées par les marchands arabes depuis le VIIe siècle. L’empereur Yongle souhaitait avant tout mener une politique de prestige pour étendre le rayonnement de la Chine, asseoir son pouvoir et celui de la jeune dynastie Ming (au pouvoir depuis 1368). Ainsi, au cours de ces expéditions, Zheng He engage surtout des relations diplomatiques avec une trentaine de pays. C’était aussi l’occasion d’échanger des présents ou de rapporter des curiosités, comme des girafes, animaux de bon augure assimilés à des licornes, ou des produits exotiques. Cependant, des marchands privés ont bien sûr profité des expéditions pour faire leur commerce.

girafe zheng he

 

Bref, ces expéditions n’avaient pas pour but de diffuser une religion, ni de faire de nouvelles conquêtes, ni de coloniser de nouvelles terres et de trouver des esclaves. 

Trouver des États vassaux de la Chine

Ces expéditions n’ont cependant pas été exemptes de violences. Dans plusieurs ports, les troupes de Zheng He n’ont pas hésité à restaurer l’ordre, notamment à Java, à Sumatra et à Ayutthaya, capitale du Siam. C’était aussi l’occasion de trouver de nouveaux tributaires pour renforcer la puissance de la dynastie Ming. Aux yeux de la Chine, les États voisins étaient des États vassaux qui devaient lui verser un tribut en signe de reconnaissance de leur soumission. Ils obtenaient en échange le droit de commercer avec elle et bénéficiaient, théoriquement, de sa protection. 

 

La fin des expéditions de Zheng He

grande muraille chine Zheng he

La dynastie Ming au pouvoir en Chine met fin à ces voyages en 1433, avec la mort de Zheng He. Les armées mongoles et mandchoues, au nord, menacent. Ces expéditions sont onéreuses. La poursuite de la construction de la Grande Muraille devient la priorité. Les Ming privilégient alors une politique isolationniste.

Ces voyages n’eurent jamais de suite. La construction de navire fut interdite. En 1525, un édit impérial décide la destruction des bâtiments existants. Le vice-ministre de la Guerre fait détruire vers 1479 tous les documents se rapportant à ces expéditions. Le commerce de la Chine avec l’extérieur fut interrompu jusqu’en 1567. Il faut attendre 1848 pour qu’un navire chinois, le Keying, franchisse le cap de Bonne-Espérance, pour rejoindre Londres.

 

Zheng He, instrument de la propagande chinoise

colomb zheng he
La caravelle de Colomb comparée à un bateau trésor de Zheng He. Une propagande efficace !

Aujourd’hui, la mémoire de Zheng He est honorée en Chine. Cette réhabilitation a une dimension politique et idéologique. Elle sert à la Chine à se présenter comme une puissance commerciale pacifique, voire altruiste, qui respecte la souveraineté des pays avec lesquels elle traite, au contraire des nations européennes. Dès le communisme, en 1963, Zhou Enlai (1898 – 1976), l’un des puissants du régime, se sert de la figure de Zheng He pendant sa tournée en Afrique. En 1983, on restaure son cénotaphe. Des ouvrages lui sont consacrés depuis. On célèbre aussi le 600ème anniversaire de sa première expédition et on évoque son souvenir en 2008 lors de la cérémonie d’ouverture des JO. La Chine cherche ainsi à rassurer ses voisins malgré son ambitieuse politique maritime. La mémoire de Zheng He est aussi utilisée par le régime communiste pour rassurer la population musulmane de Chine, représentant environ 20 millions de personnes. Cette minorité a de quoi s’inquiéter. La Chine mène une politique de colonisation de la région du Xinjiang, peuplée par une minorité turcophone musulmane, les Ouïgours. L’ethnie Han, majoritaire, représente désormais 40% de la population du Xinjiang. Se sentant marginalisée, une partie de la population s’est tournée vers l’islamisme et des attentats terroristes ont touché à plusieurs reprises les populations de colons. Pour contrer cette tendance, la propagande du régime utilise Zheng He en le présentant comme un musulman ayant mis sa ferveur religieuse au service de la grandeur de la Chine.