La loi du 13 juillet 1907 « sur le libre salaire de la femme mariée et contribution des époux aux charges du ménage », permet aux femmes mariées sous le régime de la communauté des biens de disposer du produit de leur travail :
Art. 1. Sous tous les régimes, et à peine de nullité de toute clause contraire portée au contrat de mariage, la femme a, sur les produits de son travail personnel et les économies en provenant, les mêmes droits d’administration que l’article 1449 du Code civil donne à la femme séparée de biens.
Elle peut en faire emploi en acquisitions de valeurs mobilières ou immobilières.
Elle peut, sans l’autorisation de son mari, aliéner, à titre onéreux, les biens ainsi acquis.
La validité des actes faits par la femme sera subordonnée à la seule justification, faite par un acte de notoriété, ou par tout autre moyen mentionné dans la convention, qu’elle exerce personnellement une profession distincte de celle de son mari ; la responsabilité des tiers, avec lesquels elle a traité en leur fournissant cette justification, n’est pas engagée. Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux gains résultant du travail commun des deux époux.Art. 2. En cas d’abus par la femme des pouvoirs qui lui sont conférés, dans l’intérêt du ménage, par l’article précédent, notamment en cas de dissipation, d’imprudence ou de mauvaise gestion, le mari pourra en faire prononcer le retrait soit en tout, soit en partie, par le tribunal civil du domicile des époux, statuant en chambre du conseil, en présence de la femme, ou elle dûment appelée, le ministère public entendu.
En cas d’urgence, le président de ce tribunal peut, par ordonnance de référé, lui donner l’autorisation de s’opposer aux actes que la femme se propose de passer avec un tiers.
Auparavant, suivant le Code civil, les économies réalisées sur le produit du travail de l’un ou l’autre des époux formaient des uniquement des acquêts (bien acquis par l’un des époux et qui appartient au commun des deux), dont le mari seul avait l’administration (articles 1421 et 1422 anciens du Code civil). Il avait le droit de toucher les salaires de sa femme.
La loi du 13 juillet 1907 sur le libre salaire de la femme mariée : l’aboutissement d’un long combat.
Depuis la fin du XIXe siècle, les femmes gagnent, de fait, en autonomie, et ont, en droit, accès à de nouvelles études et professions : en 1861, Julie-Victoire Daubié (1824 – 1874) est la première bachelière ; en 1868, les études de médecine sont ouvertes aux femmes et en 1875, Madeleine Brès (1842 – 1921) devient la première femme médecin en France ; en 1892, Jeanne Chauvin (1862 – 1926) est la première femme docteur en droit, première avocate (1900) et première femme à plaider ; en 1900, les femmes peuvent étudier aux Beaux-Arts.
En janvier 1893, Jeanne Schmahl (1846 – 1915), féministe et suffragette, fonde l’Avant-Courrière, un groupe dont l’objectif est l’obtention pour les femmes mariées de la libre disposition de leur salaire et leur capacité à être témoin dans les actes civils (progrès acquis en 1897). La même année, Jeanne Chauvin lance une campagne de presse à succès en faveur du libre salaire de la femme, et rédige les projets de loi sur ce libre salaire. Il est adopté par proposition de loi à l’Assemblée nationale en 1896, mais il est enterré par ensuite par le Sénat, malgré un consensus large parmi les juristes et les parlementaires. La victoire des radicaux aux élections de mai 1906 permet à la loi d’être votée. La France est alors gouvernée par le président du Conseil Georges Clemenceau (octobre 1906 – juillet 1909).
La femme fait un pas, en droit, vers l’autonomie. Elle dispose de biens qui lui sont réservés, et peut protéger le ménage de l’influence éventuellement malfaisante du mari. Cependant, la loi est mal appliquée, pour des questions d’équilibre juridique, mais aussi par les organismes financiers ou les notaires, qui demandent l’autorisation du mari pour s’assurer notamment de la provenance des fonds.
Il faut en outre attendre la loi du 13 juillet 1965 pour que la femme puisse travailler et ouvrir un compte sans le consentement du mari.
À lire
- Jean-Louis Halpérin, Histoire privée du droit, Chapitre 2 – Les retouches du droit familial
- Florence Rochefort, « À propos de la libre-disposition du salaire de la femme mariée, les ambiguïtés d’une loi (1907) », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés
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