Le svastika, ou croix gammée (Hakenkreuz en allemand), est le symbole politique adopté par le parti nazi (NSDAP, Parti national-socialiste des travailleurs allemands) comme emblème ou logotype. À ce titre, son utilisation est bannie dans la plupart des pays occidentaux, tacitement ou légalement, comme en Allemagne. En effet, l’article 86a du code pénal allemand (Strafgesetzbuch) interdit l’usage de tous les symboles nazis. Le lien symbolique entre croix gammée et nazisme (ou racialisme) est toujours établi : au cours des manifestations « Unite the Right » d’août 2017 à Charlottesville aux États-Unis, certains néo-nazis et membres du Ku Klux Klan arboraient des croix gammées.
La croix gammée, le nazisme et l’Antiquité
L’utilisation de la croix gammée par des mouvements nationalistes allemands remonte à la fin du XIXe siècle. Au début des années 1870, l’archéologue Heinrich Schliemman (1820 – 1890) pense découvrir les sites de Troie, une des cités principales de l’épopée d’Homère, et de Mycènes en Anatolie (Turquie). De nombreux svastikas y sont alors déterrés. Parallèlement, ce même symbole est trouvé en nombre sur des sites archéologiques scandinaves. Cette coïncidence alimente alors la théorie, en vogue dans les milieux nationalistes, selon laquelle les Allemands, ou plutôt la « race nordique » (le peuple indogermanique nordique ou les Aryens), aurait migré vers le Sud et aurait donné naissance aux grandes civilisations de l’Antiquité (Grecs et Romains).
Plus généralement, comme le décrit Johann Chapoutot dans Le Nazisme et l’Antiquité, le nationalisme allemand, et plus tard le parti nazi, ont essayé d’annexer culturellement les grandes civilisations antiques à l’histoire de l’Allemagne afin de se doter d’ancêtres plus prestigieux que les tribus germaniques. Cette manœuvre intellectuelle consistait donc à faire de chaque grande civilisation européenne le surgeon d’une race nordique originelle. Ainsi, le théoricien du nazisme Alfred Rosemberg écrivait-il :
Bien avant 3000 avant notre ère, les vagues de peuplement nordiques ont apporté ces signes [les croix gammées] en Grèce, à Rome, à Troie, en Inde. (cité par Johann Chapoutot)
La croix gammée
évoque « l’honneur d’un peuple, l’espace vital,
l’indépendance nationale, la justice sociale et la fertilité
régénératrice de la vie ».
Avant l’émergence du nazisme, la croix gammée est ainsi adoptée par le mouvement gymnique allemand (Turnverein) de Friedrich Ludwig Jahn (1778 – 1852), elle sert d’emblème aux antisémites baltes et autrichiens après la Première Guerre mondiale et est utilisée par Jörg Lanz von Liebenfels (1874 – 1954), fondateur de la revue Ostara, lue par Hitler dans sa jeunesse (Les Fascismes, Pierre Milza). La société secrète Thulé, à l’idéologie antisémite, l’utilise aussi comme emblème.
La croix gammée commence à faire son apparition dans les rassemblements du parti nazi dans les années 1920. Elle est présente sur les brassards du parti, devenus rapidement obligatoires pour les adhérents et elle est arborée sur les véhicules du putsch raté de la Brasserie de novembre 1923. Hitler revendique le choix de la croix gammée et la création du drapeau nazi. Dans son autobiographie et programme politique Mein Kampf (1925) il explique ce choix symbolique :
Moi-même, après d’innombrables essais, je m’arrêtais à une forme définitive : un rond blanc sur fond rouge, et une croix gammée noire au milieu. Dans le rouge nous voyons l’idée sociale du mouvement, dans le blanc l’idée nationaliste, dans la croix gammée la mission de la lutte pour le triomphe de l’Aryen et aussi pour le triomphe de l’idée du travail productif, qui fut et restera éternellement antisémite.
Vol. 2, chap. 7
La croix gammée est donc pour Hitler un symbole « d’aryanité » qui lie les Allemands à la race indogermanique, mais aussi un symbole antisémite. Le choix de la croix gammée comme symbole du parti nazi a en outre un grand avantage : très simple, elle est aisément reproductible à des millions d’exemplaires. Saturant l’espace public sous la dictature nazie, progressivement mise en place après l’arrivée au pouvoir de Hitler en 1933, elle participe au dispositif général de manipulation des masses, elle peut être perçue comme signal excitant destiné à provoquer une réaction nerveuse de soumission et à réveiller des réflexes conditionnés (Le symbolisme et la propagande politique, Serge Tchatkhotine). En 1935, par les lois de Nuremberg, la croix gammée sur un fond blanc entourée de rouge devient l’emblème de l’État allemand. Le parti nazi contrôle de la culture visuelle des Allemands.
Symbole de la liaison entre revendication de l’aryanité et antisémitisme, les lois de Nuremberg (c’est-à-dire la loi sur la citoyenneté du Reich et la loi sur la protection du sang allemand et de l’honneur allemand) excluent les Juifs de la citoyenneté allemande sur des fondements raciaux. Les mariages et les relations sexuelles entre Juifs et Allemands sont par exemple interdits.
Le svastika, un symbole mondial
La croix gammée est un symbole que l’on trouve dans de nombreuses cultures du monde, des civilisations précolombiennes au Japon. En dehors des pays occidentaux, la croix gammée est un symbole à la connotation positive. Son caractère circulaire évoquerait le mouvement du Soleil dans le ciel. Le terme « svastika » est originaire du sanskrit (स्वस्तिक). Il signifie « vie heureuse » ou « bon présage »: il est associé à la chance. C’est un symbole sacré dans les grandes religions indiennes, le bouddhisme, l’hindouisme et le jaïnisme. On le trouve apposé sur les statues de nombreux dieux, notamment sur le torse de bouddhas. Au Japon, la croix gammée, nommée manji, peut symboliser l’énergie, l’amour, la sagesse ou la compassion. Sur les cartes de Google Maps, le symbole manji permet de signaler la présence d’un temple bouddhiste.
J’ai appris encore grâce à vous!
Merci beaucoup pour l’éclairage que vous donnez concernant ce symbole dont la seconde signification réconforte bien plus que sa dernière au service d’Hitler et des nazis. Ne jamais oublier ces pauvres morts partis trop tôt trop vite pour une idéologie absurde . Je pense encore bien à eux et prie pour le salut de leur âme.
Merci Adrian.
Et moi qui pensais que la Croix gammée était la croix chrétienne brisée indiquant ainsi que les ariens ‘ les à rien’, plus paiens que chrétiens, voulaient montrer qu’ils brisaient le symbole de la chrétienté! Merci, Adrian, de m’avoir illuminée. monique
C’est assez difficilement envisageable étant donné le soutien assuré par l’église aux Nazis au départ, vote des pleins pouvoirs à Hitler par le parti Zentrum présidé par un évêque selon des accords préétablis, nourris leur antisémitisme, en diffusant le complot judéo-maçonnique comme le montre Umberto Ecco dans « le cimetière de Prague », ou le peuple déicide.
CEla peut confirmer les croyances des gogo, mais c’est historiquement léger. En 1931, interdiction pour les catholiques de faire parti du parti nazi. moins de quatre ans, les évêques allemands enverront 55 protestations au chancelier (devenu président en 1935).
L’incompatibilité de la doctrine nazie avec celle de l’Église est au cœur de l’encyclique Mit brennender Sorge rédigée pour le pape Pie XI en 1937 par Eugenio Pacelli, futur Pie XII et ancien nonce en Bavière. Il s’agit du premier texte condamnant officiellement l’idéologie nationale-socialiste écrit par un chef religieux.
Écrite en allemand (et non en latin comme le veut l’usage), introduite clandestinement en Allemagne, elle est lue en chaire par tous les curés d’Allemagne le 21 mars à l’occasion du Dimanche des Rameaux.
À la suite de sa lecture publique dans les églises, 1 100 prêtres sont arrêtés.
Les états catholiques allemands sont ceux qui ont le moins voté pour Hitler. Bref, les faits peuvent être plus têtus que l.idéologie commune
La Croix gammée et le svastika sont différents.
La Croix gammée est inversée et inclinée. Symboliquement ont peut donc en déduire qu’elle représente les valeurs inversées du svastika (vie heureuse en sanskrit)
j’avais lu cela aussi, mais plus tard qu’en fait, non il n’y avait pas d’inversion de sens, juste inclinaison de 45°
En tous cas en effet il y a bien une inversion de valeur!
Pillage culturel pour construire et assoir l’idéologie délirante du nazisme.