Laurent Bouvet : la voie républicaine vers la laïcité
La Nouvelle Question laïque (2019) de Laurent Bouvet, politologue français fondateur du Printemps républicain, tente de « défricher » la voie républicaine vers la laïcité, instituée, après un long parcours, par la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, contre le dévoiement dont elle a été l’objet. Ce dévoiement se manifeste surtout par la normalisation libérale (au sens contemporain, ou lecture néolibérale) de la laïcité, qui résulte de l’influence de la mondialisation anglo-saxonne sur la culture française et qui est promue, en France, par des intellectuels comme l’historien Jean Baubérot. Cette normalisation a pour tort principal de réduire la laïcité au statut de voie française vers la garantie de la liberté religieuse. Or, selon Laurent Bouvet, cette lecture de la loi de 1905, qui répond à des impératifs politiques contemporains, est contraire à l’esprit dans lequel la loi a été adoptée. Cette loi est l’aboutissement des efforts d’un libéralisme républicain, distinct du libéralisme anglo-saxon, et dont le souci premier est de garantir, en plus et au-delà de la liberté religieuse, la liberté de conscience ( « La République assure la liberté de conscience. », première phrase de l’article 1 de la loi) de tous les citoyens. La laïcité est en effet : « la garantie de la liberté de conscience de chacun contre toutes les oppressions, celle de l’État comme celle des religions. » (p. 207)
Il est essentiel de renouer le « lien nécessaire » entre laïcité et République (suivant le mot de Guy Coq), de revenir à la conception républicaine de la laïcité, car elle est la seule qui peut permettre de préserver la communauté souveraine des citoyens français des défis identitaires contemporains. Telle est la nouvelle question laïque. Au premier rang de ces défis se trouve l’islamisme, instrumentalisation politique de l’islam, qui essaie de faire prévaloir la loi de Dieu sur la loi de la République.
Cet article est un résumé du chapitre 5 du livre de Laurent Bouvet.
La laïcité : politique avant d’être juridique
Le lien entre laïcité et République se manifeste d’abord par le fait que la laïcité est une « matière politique ». C’est un principe duquel les citoyens français, souverains, c’est-à-dire qu’ils disposent du pouvoir, doivent s’emparer, pour décider de ce qu’il doit être. Aux questions « qu’est-ce que la laïcité ? Quel visage doit-elle prendre dans notre société ? », les Français doivent répondre. Cela tient de leur responsabilité politique.
L’attitude contraire consisterait à se défausser sur les tribunaux pour régler les problèmes qui l’affectent. Bien que présente et délimitée par des textes juridiques, la laïcité n’est pas qu’un principe juridique.
En effet, suivant le mot d’Émile Poulat (1920 – 2014) la « laïcité est dans les textes et dans les têtes ». Elle fait partie de l’identité politique de la France, c’est-à-dire qu’elle est un élément constitutif de notre configuration politique. Les débats sur la laïcité doivent animer tous les citoyens français. Seule leur opinion donne du sens à ces débats, puisqu’ils touchent à la représentation que nous nous faisons de notre communauté politique.
Cette prise en main de la laïcité par le citoyen est d’autant plus nécessaire que le législateur n’a pas pénétré toutes les « zones grises » sur son application. Il en a été ainsi sur la question de « l’affaire du burkini » en France à l’été 2016, ou sur d’autres problèmes, comme les autorisations d’absence accordées aux agents du services public pour motif religieux ou sur la même gestion de ces problèmes religieux dans l’entreprise privée. Aucun texte ne dit la « vérité » sur la bonne façon de traiter ces affaires publiques : c’est aux citoyens de débattre et décider.
La laïcité est affaire de citoyenneté non seulement parce que ce sont les citoyens souverains qui, directement ou par l’intermédiaire de leurs représentants, décident des règles qui encadrent et garantissent son application mais surtout parce qu’elle fait intrinsèquement partie de leur identité politique, elle la définit même en grande partie, elle en est un des fondements.
p. 213
La laïcité : une protection et une garantie pour le citoyen
Ces débats sont permis par la laïcité même. En effet, elle protège le citoyen non seulement du pouvoir de l’État et de la puissance publique, mais aussi du pouvoir des autres individus, de la domination du pouvoir privé.
Or, selon Laurent Bouvet, la « laïcité libérale », réduisant la laïcité à la liberté religieuse, n’offre pas cette garantie contre la domination par les siens :
[Elle] se réduit à un régime de tolérance qui ne donne la possibilité à chacun que de vivre à l’abri de l’interférence des autres mais pas des « siens », la puissance publique s’interdisant d’intervenir au sein de la société et donc de pouvoir limiter les éventuels effets de domination qui peuvent exister entre individus à l’intérieur de telle ou telle communauté, religieuse par exemple.
p. 214
Il y a donc un choix philosophique à faire, par les citoyens français, sur le type de liberté qu’ils souhaitent privilégier, par le sens qu’ils donnent à la laïcité :
- une conception civile de la liberté (comme non-interférence) : la liberté doit avant tout être protégée de l’État qui apparaît comme la principale menace contre les individus et la société qui les regroupe ;
- une conception civique de la liberté (comme non-domination) : l’État est l’ordonnateur et le protecteur de la liberté contre les menaces multiples qui pèsent sur elle et « qui émanent principalement de la société civile, notamment des cultes et des religions ».
La liberté « civique » ne signifie pas une hostilité à la religion comme telle, mais aux « prétentions terrestres des Églises » (Marcel Gauchet, La Religion dans la démocratie, 1998). L’objectif est que chaque citoyen, autonome, libre de la domination des autres, « puisse quitter son site propre, se démarquer de lui-même afin d’adopter le point de vue de l’ensemble […] La citoyenneté, ou la chance offert aux individus de s’élever au-dessus de l’étroitesse de leur particularité, de se transcender eux-mêmes en participant à la généralité publique » (Marcel Gauchet toujours). En d’autres termes, que chaque citoyen s’élève au-dessus de sa condition d’individu pour adopter le point de vue commun, celui de l’intérêt général.
Les trois espaces de la laïcité : public, civil et privé
Pour autant, la liberté civique, à laquelle la laïcité républicaine donne accès, doit être comprise dans le cadre de la séparation entre les Églises et l’État (art. 2 de la loi de 1905). Cette liberté n’exige pas une séparation du citoyen avec le religieux dans tous les états et tous les lieux.
L’espace privé, le domicile par exemple, jouit de la liberté individuelle la plus étendue possible et est libre, notamment, de suivre les pratiques liées à sa croyance, dans la limite du respect des droits et libertés.
Dans ce cadre, la laïcité signifie à la fois [que l’État] n’intervient pas au-delà de cet impératif de respect mutuel des droits et libertés, et qu’il protège, par ce moyen, tout individu de toute interférence d’un autre sur sa liberté de conscience en particulier.
p. 218
L’espace public est celui de la séparation, c’est-à-dire que « les agents publics ne peuvent manifester, dans l’exercice de leur fonction, aucune conviction ou croyance d’aucune sorte, et dans les services publics, de manière générale, de telles manifestations sont interdites ». Le public est l’espace de la neutralité, c’est le domaine de « l’abstention ». En effet, l’expression par un agent public d’une conviction ou d’une croyance pourrait signifier qu’il exerce ses fonctions selon les commandements de ses convictions, de ses croyances ou de son idéologie, ce qui rendrait impossible le traitement des citoyens en égaux et nierait, par là, la liberté de conscience (puisque certaines consciences pourraient être favorisées sur d’autres). Cette règle s’applique aux élèves de l’Éducation nationale, usagers du service public, depuis la loi de mars 2004, qui leur interdit le port de signes ostensibles manifestant leurs croyances et convictions, sauf les signes discrets.
L’espace civil enfin, les lieux privés ouverts au public, est un espace entre-deux, indéfini et indéterminé, la rue ou l’entreprise par exemple, dans lequel « les convictions religieuses et antireligieuses [s’] expriment et [se] vivent librement, sous les formes les plus diverses » (Gwénaële Calvès, Territoires disputés de la laïcité, 2018). C’est dans cet espace que se déroule le débat public sur la laïcité et la place de la religion dans la société, sous protection de l’État :
Dans cet espace, la puissance publique, soumise à la neutralité, demeure garante de la liberté de conscience et se trouve le plus souvent dans une position d’arbitre en face des libertés concurrentes. C’est aussi l’espace où les frontières de la laïcité sont les plus floues et les plus mouvantes ; l’espace précisément où au-delà du rappel et du respect scrupuleux des règles de droit, une politique républicaine de la laïcité peut trouver tout son sens.
p. 220
C’est un espace de liberté à double sens. De liberté religieuse, certes : sont punis ceux qui …
soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte.
Article 31 de la loi de 1905
…et de liberté vis-à-vis de la religion.
La laïcité : ni capitulation, ni persécution
La politique républicaine de laïcité suppose de préserver l’espace public comme domaine de l’abstention, en combattant les accommodements avec les exigences identitaires et religieuses des individus, qui nous feraient oublier que nous formons une communauté de citoyens.
Elle suppose aussi d’éviter de tomber dans le travers contraire, c’est-à-dire vouloir étendre cette abstention à tout l’espace civil. La laïcité n’est pas une croyance qui a vocation à s’imposer à toutes les autres. Elle n’est pas une religion de substitution.
L’emprunt de la « ligne de crête » qu’impose la défense de la laïcité républicaine…
…c’est assumer à la fois le « fait du pluralisme » moderne, c’est-à-dire l’existence de consciences humaines libres, égales et différentes, qu’ils s’agisse d’opinions, de croyances ou d’intérêts
mais aussi…
la nécessité de vivre non pas ensemble, comme la doxa politico-médiatique nous le serine à longueur de journée, mais en commun.
C’est une double manière d’aller au-delà de soi-même :
en acceptant l’altérité, les autres, tels qu’ils sont, et en acceptant de se dépasser comme individu (avec nos propres intérêts, notre identité particulière) pour devenir membre de la communauté des citoyens.
Un tel rapport induit une relation particulière entre le politique et le religieux : l’un comme l’autre n’interviennent pas dans leurs matières réciproques et ne prétendent pas jouer un rôle en celles-ci. Ils se connaissent, mais chacun reste chez soi. Conséquence :
Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte.
Article 26 de la loi de 1905
Laurent Bouvet présente alors les conséquences pratiques que cette relation devrait entraîner dans la vie politique :
- La non-participation des responsables politiques (en tant quel tels, pas en tant que citoyens privés) aux activités religieuses comme des responsables religieux (idem) aux activités politiques.
- La non participation des responsables religieux à des manifestations politiques (comme on a pu le voir pendant la mobilisation contre le mariage pour tous en 2012). Le politique touche à l’espace public.
L’expression des religions, libre sur toutes les affaires publiques, ne peut se faire que dans l’espace privé et l’espace civil.
Exception : l’expression des représentants du culte ou associations à but cultuel lorsqu’ils sont sollicités par le politique (instances consultatives, commissions, etc.) pour avis doit être possible, si les différentes croyances et convictions sont traitées équitablement.
Le cas de l’école
La laïcité s’institue par l’école. Elle a été le premier lieu d’institution de la laïcité par la IIIe République et elle est surtout le lieu où les élèves apprennent l’autonomie, le doute et l’usage de la raison, qui permettent la liberté de conscience. En effet, l’école n’enseigne pas à l’élève des dogmes, mais forme sa capacité à faire des choix critiques entre des doctrines et lui apprendre à former ses convictions.
La loi de mars 2004, qui interdit le port de signes ostensibles manifestant leurs croyances et convictions, va dans le sens de cette conception, puisqu’elle cherche à dégager les élèves du risque d’une influence dogmatique.
La période de « tranquillité laïque » de l’Éducation nationale est néanmoins aujourd’hui terminée. En effet, les attentats de Mohamed Merah en 2012 et ceux de 2015, commis par terroristes passés par l’école publique a provoqué un questionnement sur l’apprentissage de la laïcité à l’école. L’Éducation nationale a subi en outre l’effet « délétère » de la normalisation libérale sur la compréhension de la laïcité par les enseignants.
La laïcité dans l’entreprise
La nouvelle question laïque se pose aussi dans les administrations de guichet et surtout, dans un lieu cardinal de l’espace civil, l’entreprise. Cette communauté humaine, un lieu privé dans lequel les relations sont publiques, doit pouvoir se doter de règles internes pour obliger ceux qui y travaillent à garder leurs convictions pour l’espace privé en échange d’une flexibilité du temps de travail qui devrait permettre à certains salariés de respecter leurs « obligations » cultuelles.
La voie républicaine de la laïcité : l’émancipation individus dans le cadre politique commun
Dans tous les espaces de la vie sociale, la laïcité dans son interprétation républicaine, en atténuant les effets de l’inégalité et la fragilité nés de l’individualisme, et en combattant la domination extérieure, religieuse ou politique, est, selon Laurent Bouvet, la seule qui se bat pour l’émancipation des individus modernes dans un cadre politique commun.
Elle est la seule qui puisse organiser la possibilité même pour l’Homme de croire sincèrement et d’adhérer sans réserve à une vision transcendante de sa propre existence, sans avoir pour autant à en subir les conséquences sociales et politiques.
p. 235
Vient alors la question majeure : est-ce que la laïcité peut permettre à l’islam de trouver pleinement sa place dans la République et, si oui, à quelles conditions ?
L’islam dans la République
Il convient d’abord d’écarter la question de la compatibilité de l’islam avec la République. Cette question, philosophique ou théorique, ne permet pas de traiter les défis de la situation actuelle. En outre, ce ne sont pas les dogmes d’une religion qui peuvent être éventuellement incompatibles avec la laïcité, mais les pratiques qui en découlent.
« L’islam n’est pas entré dans la démocratie mais, nuance capitale, il est engagé dans le processus qui mène vers la démocratie. Il est travaillé par ce processus » (Marcel Gauchet). Absent du paysage français lorsque la laïcité est née, il pose des questions particulières qu’il convient de soulever, et qu’il faut oser soulever, pour les dépasser.
Il faut d’abord échapper à une double impasse : penser l’islam comme une religion univoque et cohérente, à « une seule tête » et vouloir organiser, à partir de lui, un « islam de France ».
Considérer l’islam ainsi, c’est considérer les Français musulmans uniquement en fonction de leur religion, alors que la laïcité consiste justement à les considérer d’abord comme des citoyens pour leur permettre ensuite de croire et pratiquer leur culte comme ils l’entendent. Ce sont deux démarches incompatibles.
p. 239
L’organisation d’un « islam de France » suppose qu’il existerait une demande des citoyens musulmans dans ce sens, appuyant l’idée d’un islam « un et indivisible ». Cette position renforcerait le rôle des islamistes (pour qui il ne peut exister qu’un seul islam, fondamentaliste) et négligerait le principe de séparation des églises et de l’État au profit de l’instauration d’une espèce de nouveau Concordat.
Le défi majeur est plutôt de penser l’existence de l’islam dans la laïcité et sa bonne intégration dans le paysage français. Cette question, loin de ne revenir qu’aux citoyens musulmans, concerne l’ensemble des citoyens.
Une laïcité née d’une civilisation
Ce défi dépasse la simple gestion du culte musulman. Il y a là un enjeu culturel et politique, un enjeu de civilisation :
Les revendications identitaires, les tentations communautaires et séparatistes, les discours idéologiques sur fond d’islam ou encore les évolutions démographiques, ce ne sont pas là de simples questions qui peuvent résoudre des décisions techniques de politique publique. Ce sont des enjeux qui touchent directement l’identité commune de tous les Français, bien au-delà de ceux qui se reconnaissent comme musulmans.
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La lecture libérale de laïcité, qui suppose une lecture détachée de toute profondeur culturelle (détachée de l’histoire), n’est pas satisfaisante. La laïcité n’est pas un lieu vide, sans histoire ni origine, mais l’aboutissement d’un travail de plusieurs siècles d’une civilisation spécifique. La dissociation entre le théologique (ou la religion) et le politique est née dans un contexte socio-historique particulier, celui de l’Europe occidentale dominée par le christianisme.
Mais la laïcité est une rupture avec cette origine qu’elle met à distance. Cette situation génère un paradoxe. La laïcité…
doit, en effet, pour se réaliser, traiter de manière égale, juridiquement, toutes les religions, y compris celle dont elle est issue culturellement. Or ce ce paradoxe devient un problème, philosophique et politique, lorsque la laïcité est contestée par une religion qui ne la reconnaît pas culturellement comme une mode légitime de régulation des rapports entre l’État et les religions.
p. 244
Or, pour que la laïcité puisse vivre, elle doit être portée par une communauté de citoyens qui l’accepte et la reconnaisse, une communauté qui fait sienne la philosophie républicaine qui lui a donné naissance en 1905. Réduire la laïcité à la neutralité de l’État et en déduire que la République est un lieu vide de toute substance civilisationnelle, comme le fait la conception libérale, présente deux risques :
celui d’abord de retourner contre la laïcité républicaine des conceptions que l’on considère, en regard, comme « pleines », donc au premier rang les religions, ce qui présent le défaut de favoriser mécaniquement les dérives identitaires et ne leur sein ; celui ensuite de présenter le combat politique, au sein de la société moderne, comme l’affrontement entre ces « vraies » conceptions et visions du monde, comme le lieu d’une « guerre des « dieux ».
En d’autres termes, si l’on suivait la conception libérale, la laïcité ne serait qu’un cadre juridique, au sein duquel des communautés de croyances, porteuses de valeurs, s’affronteraient.
Mais la laïcité est elle-même une « vision du monde », dans laquelle la communauté des citoyens place au-dessus de tout la mise en place des conditions qui permettent la liberté de conscience par la séparation de l’État et des religions. C’est là son fondement. La « civilisation laïque » permet, aux citoyens, de penser en commun leur communauté politique. Il existe en France des mœurs laïques en ce que les Français sont profondément imprégnés par les principes de liberté et par la distanciation par rapport aux dogmes.
Laisser penser, aujourd’hui, que seuls ceux qui croient en Dieu ou qui vivent selon les principes de leur religion, seraient capables non seulement de comprendre le monde mais surtout de l’habiter et de le diriger, qu’ils seraient donc, d’une certaine manière, supérieurs moralement et politiquement, à ceux qui ne veulent pas qu’une telle « vérité » fonde l’ordre social et politique. Laisser penser cela conduit à la destruction de tout commun moderne.
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Comment pourrait se terminer une « guerre des dieux », à part par des croisades ?
La laïcité, c’est précisément la garantie qu’une conviction ne sera pas écrasée par une autre.
ibid.
Les seules pratiques
Dans cette perspective, seules les conséquences politiques, sociales et culturelles qu’impliquent un dogme, et non pas le dogme en lui-même, peuvent être mises en cause lorsque l’on traite de la question de l’adaptation d’une religion, et notamment l’islam, à la laïcité.
Nul n’a, de l’extérieur de la religion, ni la capacité ni la légitimité pour décider de ce qu’est la bonne ou la mauvaise pratique l’islam, ce qui est très bien ainsi.
p.253
Ce ne sont que les effets des croyances qui peuvent intéresser le débat public :
Et ce n’est qu’à partir de ces effets, et tout spécialement de la manière dont la religion musulmane se manifeste concrètement dans l’espace civil, celui de la « confrontation » des convictions et des consciences, que l’on peut situer le débat d’un point de vue politique.
ibid.
Et certains fondent sur des croyances un combat de nature idéologique : on passe de l’islam à l’islamisme.
L’islamisme est à combattre, non pas en tant qu’opinion fondée sur un dogme religieux, mais parce qu’il entraîne des conséquences pratiques sur la liberté de conscience, la liberté d’expression et le mode de vie de certains citoyens, de confession ou de culture musulmane, au premier rang desquels on trouve les femmes.
Le combat républicain contre l’islamisme
Le combat idéologique contre l’islamisme est la condition première de la possibilité d’un islam français.
p. 254
En combattant l’islamisme, la République montre aux citoyens musulmans qu’elle les protège des risques d’oppression venus d’autres coreligionnaires, et qu’il y a une différence entre liberté de conscience et les tentations obscurantistes ou communautaristes.
S’il est combattu par les armes, il faut aussi combattre le discours idéologique qui l’anime. Il faut lutter contre ses formes violentes, mais aussi dans le débat public contre sa propagande.
Parmi ces discours, il y a, bien sûr, celui des salafistes ou des Frères musulmans. Celui trouve facilement un interlocuteur dans une partie des élites françaises, chez qui il existe une fascination pour l’islam. Cette religion est apparue, aux yeux de certains, dans sa forme réactionnaire, ou fondamentaliste, comme un possible régénérateur d’un Occident corrompu, grâce à la foi sincère qu’il est capable de générer. Conséquence néfaste : les plus fondamentalistes des citoyens musulmans passent pour être les musulmans les plus authentiques, supposant faussement que les autres le seraient moins.
Cette propagande se manifeste aussi en France, selon Laurent Bouvet, dans le « djihad judiciaire » mené par certaines instances islamistes, comme le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui multiplie les procès, sans succès, contre toute déclaration jugée « islamophobe », un concept à la définition trouble :
L’islamisme se sert ainsi du droit, de la législation sur le droit de la presse en l’occurrence mais aussi des droits de l’homme, pour faire avancer ses idées.
p.265
Pour mener ce combat, il paraît paradoxalement nécessaire de militer pour l’abrogation de la loi Pleven de 1972, qui introduit des limitations à la liberté d’expression pour les offenses à caractère raciste. En effet, celle-ci a pour tort de mêler les offenses racistes et les offenses faites aux croyants, et donc à « ethniciser » les croyances. Elle est manipulée par des instances islamistes qui veulent s’en servir pour interdir toute critique d’une religion comme offense à une communauté religieuse.
L’esprit de laïcité a pour principe la libre circulation de toutes les croyances, même les plus dangereuses, qui doivent être combattues dans le débat public, par la confrontation politique dans l’espace civil, et pas par la loi.
Il doit être ainsi possible de discuter de la question du voile islamique, malgré toutes les crispations que ce débat entraîne.
Cette même femme musulmane, qu’elle porte ou non le voile, fait en effet partie intégrante de la communauté des citoyens. C’est pourquoi les débats récurrents sur le port du voile – ce terme étant devenu générique pour signifier le port par les femmes de tenues induites par telle ou telle pratique de la religion musulmane : foulard, hijab, burqa, niqab, burkini…- sont en tant que tels légitimes dans un espace public et civique ouvert à la critique de la religion […]
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Ce combat républicain permet d’atteindre un universalisme réitératif, concept théorisé par le philosophe américain Michael Walzer :
un universalisme qui retrouve dans chaque société, au sein de chaque groupe humain, des exigences et des valeurs morales communes : égalité, notamment entre femmes et hommes, justice sociale, dignité, respect et reconnaissance de l’autre, paix civile et droit à la tranquillité.
p. 272
Ce sont les politiques qui sont responsable d’une ideologie wahhabite qui en contre partie et pour asseoir sa legitimité monarchique distribue voir offre une sont » tresor de guerre » au investisseur occidentaux qui se foutent des consequences de ce lien dangereux.