La guerre de Cent Ans est un conflit multilatéral qui a impliqué nombre de belligérants, les royaumes d’Angleterre et de France et l’« État bourguignon » pour les principaux, ainsi que de nombreux acteurs secondaires. Elle s’est déroulée sur une période d’environ 116 ans, de 1337 à 1453 pour sa période la plus active. En effet, on peut faire commencer la guerre de Cent Ans en 1337 ou à la confiscation de la Guyenne, territoire contesté entre les parties, par Philippe le Bel en 1294. On peut terminer la guerre de Cent Ans à la reconquête de la Guyenne en 1453, ou au traité de Picquigny de 1475. La locution « guerre de Cent Ans » est récente. En effet, on en trouve les premières occurrences au XIXe siècle (Contamine 2012, p.3.).
Les origines de la guerre de Cent Ans
Les rois d’Angleterre, seigneurs en France
Henri II Plantagenêt (1154 – 1189), qui était aussi duc de Normandie et comte d’Anjou en 1151, ajouta à sa collection de territoires l’Aquitaine et la Guyenne par son mariage avec Aliénor d’Aquitaine (1122 – 1204) en mai 1152, avant de monter sur le trône d’Angleterre en octobre 1154. Si cet « Empire Plantagenêt » s’éroda sous l’effet de la politique énergique de certains rois de France comme Philippe Auguste (r. 1180 – 1223), le traité de Paris établi par Saint Louis en 1259 rendit certains territoires au roi d’Angleterre et lui reconnut la jouissance de Guyenne. Il ne put obtenir l’indépendance de cette principauté. En échange, le roi d’Angleterre devint un vassal du roi de France et devait lui prêter hommage.
Cette disposition sema « les graines des orages futurs » (Allmand 2015, p.27 ). En effet, les Anglais cherchèrent par la suite à faire de leurs possessions dans le royaume de France des terres détenues en toute indépendance. En réponse à ses velléités émancipatrices, Philippe le Bel (1285 – 1314) confisqua la Guyenne en 1294 (pour la restituer ensuite). Le roi d’Angleterre vit progressivement son territoire réduit à une bande de terre courant le long de l’Atlantique. Il comprenait la Saintonge, Bordeaux et le Bordelais, les diocèses de Dax et Bayonne et comptait alors environ 400 000 habitants (Contamine 2012, p.7.). D’un premier conflit avec le roi d’Angleterre Édouard III (r. 1327 – 1377), le roi de France Philippe VI de Valois (r. 1328 – 1350) garda l’Agenais et le Bazadais. En effet, malgré une convention passée entre le roi de France et son vassal anglais, ce dernier ne parvint pas, dans un premier temps, à défendre l’intégrité de son duché.
Pour Philippe Contamine, une seule solution s’offrait alors à Édouard III : déclarer la guerre à Philippe VI. En effet, le roi d’Angleterre ne pouvait obtenir l’indépendance de sa principauté, du fait du traité de Paris, ni s’allier à des puissances étrangères contre son seigneur le roi de France, sous peine de se rendre coupable de félonie.
L’accroissement de la puissance capétienne
Cet antagonisme est à comprendre dans un temps plus long. Depuis le XIIe siècle, la monarchie capétienne a affirmé sa prépondérance dans les limites de son territoire. Les rois de France demandèrent à leurs grands feudataires de leur prêter un hommage lige, c’est-à-dire un hommage préférentiel. En effet, si plusieurs seigneurs d’un même vassal étaient en conflit, le vassal devra combattre en priorité aux côtés de celui à qui il a rendu un hommage lige. Du point de vue de la monarchie capétienne, les vassaux du roi ne pouvaient donc pas se retourner contre lui, sauf à se rendre coupable de félonie. Ainsi, Henri III (1216 – 1272), roi d’Angleterre, dut-il prêter un hommage lige au roi de France Saint Louis. Il ne put s’allier à des ennemis de son seigneur. Henri III fut en outre fait pair de France, marquant son allégeance à Saint Louis.
Une querelle dynastique : cause immédiate de la guerre de Cent Ans
Louis X (1314 – 1316) mourut en 1316 sans laisser d’héritier mâle, situation inédite alors pour la maison capétienne. Sa femme donna naissance à un fils, Jean, qui mourut cinq jours après sa naissance. Le frère de Louis X, alors régent, prit le pouvoir : il devint Philippe V (1316 – 1322) dit « le Long ». Si Louis X n’ eut pas de fils, il eut une fille : Jeanne. Philippe V convaqua une assemblée, qui déclara alors que les femmes ne pouvaient succéder au royaume de France. Mais Philippe V mourut lui aussi en 1322 sans héritier mâle. Le dernier frère de Louis X à devenir roi, Charles IV (1322 – 1328) ne fit pas exception à sa mort en 1328. Cependant, Jeanne d’Évreux, sa femme, était enceinte. La nomination d’un régent s’imposait encore.
Trois candidats étaient alors en lice : Philippe d’Évreux, Édouard III d’Angleterre (1327 – 1377) et Philippe de Valois. Ce dernier emporta la régence. Lorsque Jeanne d’Évreux donna naissance à une fille, Philippe de Valois devint roi sous le nom de Philippe VI (1328 – 1350). Édouard III fit valoir ses droits sur la couronne en envoyant une ambassade, mais il renonça finalement à ses prétentions et rendit hommage à Philippe VI.
L’emballement
Édouard III et Philippe VI s’opposèrent alors en Écosse, où ils soutinrent respectivement le parti de Édouard Balliol contre celui de David II. En même temps, Édouard III prépara son entrée en guerre en France. Philippe VI prononca la confiscation de la Guyenne le 24 mai 1337. Le 7 octobre, à Westminster, Édouard III revendiqua publiquement le royaume de France et renia son hommage à « Philippe, qui se dit roi de France »(Contamine 2012 p.13.). Il somma en outre Philippe VI de renoncer à son royaume, acquis indûment selon lui.
Le début de la guerre de Cent ans
Un système d’alliance anglais efficace
Pour faire entrer la Flandres dans sa sphère d’influence, Édouard III tenta de susciter le mécontentement populaire contre le comte du lieu. En effet, en 1336, il saisit les marchandises des Flamands se trouvant en Angleterre et interdit l’exportation de laine en Flandre dont les tisserands étaient pourtant très dépendants. Un bourgeois de Gand, Jacques Van Arteveld, se distingua comme le chef des mécontents. Il gagna Ypres et Bruges à sa cause et demanda l’alliance avec l’Angleterre. Le comte de Flandres se réfugia en France auprès de Philippe VI.
Édouard III s’assura en outre le soutien ou neutralité bienveillante de nombreuses principautés du nord de la France : les comtes de Hainaut, de Berg, de Gueldre, de Clèves, de Brabant et le comte palatin du Rhin, le margrave de Juliers. Grand succès, il parvint à s’assurer le soutien de l’empereur Louis IV (r. 1328 – 1347) qui s’engagea à lui fournir 2000 combattants pendant deux mois contre 300 000 florins. Édouard III fut aussi institué vicaire impérial pour la rive gauche du Rhin (Contamine 2012, p.15.). La France était prise en tenaille, au Nord par les alliés de l’Angleterre, au Sud-Ouest par la Guyenne.
Édouard III, roi de France
Grâce au soutien nouveau des populations flamandes, Édouard III s’installa dans le Brabant. Depuis cette arrière base, il ravagea le Cambrésis, le Vermandois, la Soissonnais et la Thiérache en septembre 1339. Son but était contraindre Philippe VI à l’affronter dans une bataille rangée. Sans succès. Un traité signé le 3 décembre 1339 lui assura cependant le soutien militaire des villes flamandes, qui s’engagèrent de surcroît à le reconnaître comme le vrai roi de France. L’Angleterre leur fournit en contrepartie subsides et armes, et accepta de lever l’embargo sur les laines.
Édouard III franchit une étape supplémentaire en prenant solennellement le titre de roi de France à Gand, en janvier 1340. Il apposa les fleurs de lys sur son Grand Sceau et sur ses armes. Il produit en outre un manifeste, dans lequel il se présente comme le champion des bonnes lois et des coutumes du temps de Saint Louis (Contamine 2012, p.23.). Cette prétention au trône de France ne prit fin que sous George III (1760 – 1820).
La bataille de L’Écluse, première défaite française
Édouard III assécha ses finances à force de tentatives de provocation de Philippe VI. Il rentra en Angleterre et parvint toutefois à obtenir de nouveaux subsides du Parlement. Mais le roi de France profita de l’absence de son rival pour ravager la côte sud de l’Angleterre avec une flotte de 190 navires, comptant Français et Génois (Contamine 2012, p.24.). Le 24 juin 1340, la flotte française rencontra une flotte anglaise au large de L’Écluse (Sluis en néerlandais). Les archers anglais prirent le dessus sur les arbalétriers français. Les commandants français, Hugues Quiéret et Nicolas Béhuchet furent fait prisonniers et tués. Les Flamands rejoignirent dans l’après-midi du jour de la bataille leurs alliés anglais, finalisant la déroute de leurs ennemis. Génois se retirèrent, et la flotte française est fut annihilée, perdant par là le contrôle des mers. Malgré cette défaite, les deux rivaux, à bout de ressources, concluèrent à Esplechin une trêve qui devait durer jusqu’au 24 juin 1342.
Succès diplomatiques français
Philippe VI engagea des forces considérables en Guyenne : 10 800 hommes d’armes et 15 000 gens de pied. Mais cette expédition ne fut pas fructueuse (Contamine 2012, p.25). Toutefois, la diplomatie française connut néanmoins quelques succès. Les Français convainquirent le Hainaut, le Brabant et surtout Louis IV de renoncer à leur alliance avec l’Angleterre. Édouard III perdit ainsi son vicariat impérial. Le bourgeois gantois Jacques Van Arteveld qui avait poussé ses compatriotes à s’allier avec l’Angleterre, perdit de son influence. Clément VI (r. 1342 – 1352), pape français qui résidait à Avignon, excommunia les félons flamands qui s’étaient rebellés contre leur comte.
Édouard Balliol, soutenu par l’Angleterre, connut de telles difficultés en Écosse qu’il dut quitter le pouvoir en 1340 au profit de David II Bruce qui prit sa place en 1341. Enfin, certains soutiens financiers de la couronne, comme les Italiens Bardi et Peruzzi, firent faillite en 1343.
La guerre de Cent Ans en Bretagne
Jean III, duc de Bretagne (1312 – 1341) mourut sans laisser d’héritier en avril 1341. Deux candidats pouvaient prétendre à la succession :
- Jean, comte de Montfort-l’Amaury, beau-frère de Jean III ;
- Charles de Blois, époux de Jeanne de Penthièvre, nièce de Jean III, et lui-même neveu de Philippe VI.
Philippe VI fut désigné arbitre du conflit, mais Jean de Montfort n’attendit pas son jugement : il s’empara de Nantes, capitale du duché et se proclama duc de Bretagne en 1341, avec le soutien d’Édouard III. Le nouveau duc, Jean de Montfort reconnut en échange Édouard III comme roi de France. En réaction, Philippe VI réagit en arbitrant la succession en faveur de Charles de Blois par l’arrêt de Conflans du 7 septembre 1341. La Bretagne fut alors divisée alors entre Bretagne bretonnante, favorable à Jean de Montfort (Bretons montfortistes), et Bretagne de langue française, favorable à Charles de Blois (Bretons blésistes), jusqu’à la résolution du conflit, 23 ans plus tard.
La France sur le recul
La première grande chevauchée anglaise de la guerre de Cent Ans
En juillet 1345, Jacques van Artevelde, provoqua le soulèvement de Gand contre lui-même lorsqu’il proposa son fils comme nouveau comte de Flandre. Il mourut assassiné. Le roi d’Angleterre perdit un précieux allié au nord du royaume de France. Néanmoins, Walter Manny et le compte de Derby, envoyés en Guyenne par Édouard III, parvinrent à se saisir de Bergerac, de La Réole, d’Aiguillon et d’Angoulême. Le roi d’Angleterre décida ensuite en 1346 une nouvelle expédition. Elle embarqua le 11 juillet avec 15 000 hommes et débarqua à Saint-Vaast-la-Hougue, dans le nord du Cotentin (Contamine 2012, p.29.).
Cette expédition fut la première grande chevauchée anglaise sur les terres du royaume de France. L’armée anglaise, répartie sur plusieurs colonnes évoluant parallèlement l’une à l’autre sur quelques kilomètres de largeur, passa par Valognes, Carentan, Saint-Lô et pilla les propriétés sur son passage. Caen se rendit. Les troupes franchirent la Seine au pont de Poissy, non loin de Paris, le 16 août. Les Anglais avaient parcouru près de 350 km en un mois (Contamine 2012, p.29.).
La bataille de Crécy : première grande défaite française de la guerre de Cent Ans
Devant ces ravages, Philippe VI resta passif, même s’il convoqua la noblesse et fit crier l’arrière-ban. Sous pression, le roi de France décida donc de poursuivre les Anglais. Ces derniers l’attendaient à Crécy-en-Ponthieu (Somme), où Édouard III disposa son armée en trois corps et ses archers « en herse ». Le 26 août 1346, l’armée française connut sa première grande défaite sur terre. Indisciplinée, elle s’écrasa sur les lignes défensives anglaises. Le roi de France fut blessé, et le roi de Bohême, le comte de Flandre, et Charles d’Alençon, le frère de Philippe VI y perdirent la vie. La haute noblesse se heurta à l’efficacité des archers anglais.
Le siège de Calais
Libéré de toute menace par sa victoire à Crécy, Édouard III diriga son armée vers Calais, où il arriva le 4 septembre. La ville était bien défendue et solidement fortifiée. Le roi de France, arrivé sur la butte de Sangatte le 27 juillet 1347, n’attaqua pas les Anglais. La ville se rendit donc en août.
La ville, désormais aux mains de l’Anglais, fut transformée en véritable « bout d’Angleterre » qui servit de solide point d’appui pour pénétrer dans le royaume de France depuis le Nord. Les 7000 sujets français qui habitaient la ville durent la quitter et furent remplacés par des Anglais. Une forte garnison vint la défendre, aidée par l’établissement de nouvelles fortifications. Calais fut rattachée à l’évêché de Canterbury, et s’affirma comme centre de commerce des Anglais aux dépens de Bruges lorsque l’étape des laines y fut établie en 1363. Le royaume de France ne récupéra Calais qu’en 1558.
Succès anglais à l’Ouest et en Écosse
Le comte de Derby s’empara en 1346 de Saint-Jean-d’Angély, de Niort et de Saint-Maixent. En juin 1347, le parti français en Bretagne vit son champion, Charles de Blois, être capturé puis fait prisonnier en tentant de reprendre La Roche-Derrien, occupée par les Anglais. En Écosse, David II Bruce fut lui aussi capturé par les Anglais à Neville’s Cross le 17 octobre 1346.
Peste noire et fin de la première partie de la guerre de Cent Ans
Ces échecs valurent à Philippe VI des critiques à la réunion des États de novembre 1347. Mais la guerre fut interrompu par le développement de la peste noire en Europe. Elle toucha la basse vallée du Rhône dès 1347, et affecta la France dans sa presque totalité à l’été 1348 (Contamine 2012, p.31.), ainsi que l’Angleterre. Elle pourrait avoir provoqué une chute de 30% de la population anglaise.
Par ailleurs, dès le 28 septembre 1347, les légats pontificaux avait obtenu une trêve devant courir jusqu’en juin 1355. Deux ans plus tard, en 1349, Louis de Male, comte de Flandre, récupéra ses états. Philippe VI s’éteignit le 26 août 1350.
La guerre de Cent Ans à l’époque de Jean le Bon, Charles de Navarre et du Prince Noir
Jean II, dit « le Bon » (r. 1350 – 1364) succéda à son père Philippe VI. Il fut sacré roi de France à Reims, le 26 septembre 1350.
La fondation de l’ordre de l’Étoile
Le premier souci de Jean le Bon fut d’améliorer son instrument militaire (Contamine 2012, p.33.), par l’emploi notamment de cavaliers plus légèrement armés que les chevaliers : les hommes de cheval. Il développa les armes de trait, augmente les soldes, renforces les contrôles contre les désertions. Dans la même perspective Jean le Bon fonda l’ordre de l’Étoile le 16 novembre 1351. La création de cet ordre répondait en réalité à celle de l’ordre de la Jarretière par Édouard III, le 23 avril 1348. Les 500 membres de l’ordre de l’Étoile devaient servir sous les mêmes bannières, jurer de ne jamais fuir en bataille et se réunir une fois par an, à la vigile de l’Assomption, pour raconter leurs exploits.
Poursuite de la guerre de Cent Ans
Jean III de Montfort, le futur Jean IV de Bretagne (1365 – 1399) succéda à son père Jean de Montfort en 1345, et poursuivit la lutte de son parti contre celui de Charles de Blois. Aidé par les Anglais, il vainquit les Bretons blésistes à Mauron le 14 août 1352, leur infligeant de lourdes pertes. Cependant, du Guesclin mena les Franco-bretons à la victoire le 10 avril 1354 à Montmuran.
Dans le Languedoc, les Français reprirent Saint-Jean-d’Angély et Lusignan, et furent vaincus à Comborn en 1353.
Charles de Navarre, allié d’Édouard III
Charles II, roi de Navarre (1349 – 1387), petit-fils de Louis X (1314 – 1316) par sa mère Jeanne, était à la tête d’un royaume qui s’étendait des deux côtés des Pyrénées, ainsi que de fiefs normands, les comtés de Mortain et d’Évreux, et des seigneuries dans le pays de Caux, et dans les vallées de la Seine et de l’Eure.
Les griefs de Charles de Navarre contre la monarchie étaient nombreux (Contamine 2012, p.34.) : il ne reçut pas la Champagne, rattachée au domaine royal, alors qu’il aurait dû en hériter de sa mère. En outre, il ne reçut ni le comté d’Angoulême, qui revint à Charles d’Espagne, favori de Jean le Bon, ni la ville de Pontoise en compensation. Enfin, il ne reçut pas de dot suite à son mariage avec Jeanne de France, fille de Jean le Bon. Il accepta de s’allier à Édouard III ainsi qu’à Henri de Lancastre, son lieutenant en France, et l’invita à envahir le royaume.
Le 8 janvier 1354, Charles de Navarre revendiqua le meurtre de Charles d’Espagne. Ce meurtre assumé et son opposition acharnée à la monarchie lui firent hériter du surnom de Charles le Mauvais, employé par l’historiographie française à partir du XVIe siècle.
Le traité de Mantes de février 1354
Le danger était grand pour Jean le Bon. Par le traité de Mantes de février 1354, il cèda à Charles de Navarre le comté de Beaumont-le-Roger, les châteaux de Breteuil, Conches et de Pont-Audemer ainsi que la plus grande partie du Contentin, en échange de sa soumission. Le traité était très avantageux pour le roi de Navarre. Charles de Navarre rompt toutefois son engagement. En effet, l’année suivante, il rassembla des troupes avec lesquels il se rendit dans le Cotentin dans l’attente de renforts anglais, qui ne vinrent jamais. Il dut de nouveau passer un accord avec le roi de France le 10 septembre 1355.
Jean le Bon projeta même de signer un traité avec l’Angleterre en avril 1354 par lequel il aurait cédé l’Aquitaine, le Poitou, la Touraine, l’Anjou et le Maine contre renonciation par Édouard III à ses prétentions sur le trône de France. Mais devant ces concessions très importantes, Jean le Bon renonca.
La chevauchée languedocienne du Prince Noir
Édouard III se lança dans une expédition sans résultat dans le nord de la France. En septembre 1355, son fils, le prince de Galles, le Prince Noir (selon son surnom datant du XVIe siècle), alors âgé de 25 ans, débarqua à Bordeaux. Expérimenté, admiré pour son talent militaire (il a participé à Crécy), entouré d’hommes talentueux comme Jean Chandos, le Prince Noir prit la tête d’une chevauchée de deux mois à travers le Languedoc, jusqu’à Narbonne et Carcassonne.
Graves concessions de Jean le Bon
Le États de Languedoïl réunis à Paris en novembre 1355 accordèrent un subside gigantesque à Jean le Bon : 5 400 000 livres tournois, de quoi assurer l’entretien de 30 000 hommes (Contamine 2012, p.37.). Les États de Languedoc suivirent en 1356. Cependant, ce subside extraordinaire fut accordé contre une concession importante : les États exigèrent de contrôler la levée et l’emploi des fonds. Selon l’ordonnance du 28 décembre 1355, dans chaque diocèse, des « élus » devaient lever l’impôt, dont le produit devait être versé comme solde aux soldats par neufs généraux « élus », trois nobles, trois prélats et trois bourgeois (Contamine 2012, p.37.).
L’arrestation de Charles de Navarre
Charles de Navarre manoeuvre pour retourner le dauphin Charles, gouverneur de Normandie, contre son père Jean le Bon. Le 5 avril 1356, le roi de France fit irruption dans le château de Rouen, où son fils était en discussion avec Charles de Navarre. Il emprisonna ce dernier, et fit décapiter quatre de ses fidèles. Le frère de Charles de Navarre, Philippe, demanda alors de l’aide à Henri de Lancastre. Le lieutenant du roi d’Angleterre s’empara de Pont-Audemer en Normandie, de Verneuil et d’Argentan. Le Prince Noir, lui, se lança dans une nouvelle chevauchée. Il passa par Romorantin, et franchit la Loire pour se diriger vers Tours.
Nouveau désastre français : la bataille de Poitiers
Jean le Bon livra bataille au Prince Noir à Maupertuis, près de Poitiers, le 19 décembre 1356. Comme à Crécy, c’est fut un désastre pour l’armée française qui fut écrasée par des forces anglaises pourtant bien inférieures en nombre. Pire encore : le roi fut fait prisonnier.
Troubles civils en France au cours de la guerre de Cent Ans
La capture de Jean le Bon provoqua une grave crise de la monarchie et éveilla une grande défiance envers la noblesse : « l’ensemble de la noblesse fut alors accusée de lâcheté et d’impéritie » (Contamine 2012, p.38.).
Les États de 1356
Le dauphin Charles, 18 ans, fut alors chargé de la conduite du royaume. Il subit rapidement les contrecoups de l’affaiblissement de la monarchie. En effet, l’assemblée de notables réunie aux États de Languedoïl d’octobre 1356 s’opposa violemment à lui. L’évêque de Laon, Robert le Coq, séide de Charles de Navarre, demanda la libération immédiate de son maître. Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris, demanda, lui, la réformation de l’État, ce qui devait inclure l’écartement des corrompus, la fin des abus et surtout, un contrôle accru de la monarchie par les trois ordres au moyen du Conseil royal. Les États accordèrent cependant au dauphin Charles des subsides pour la guerre.
Charles revint à Paris en février 1357, après avoir demandé sans succès de l’aide à l’empereur Charles IV pourtant son oncle. Par grande ordonnance, il céda aux exigences des États et introduisit leurs délégués dans le Conseil royal. Jean II désavoua son fils (Contamine 2012, p.39.). Charles de Navarre fut en outre libéré.
Jean le Bon à Londres
Une trêve fut conclue avec l’Angleterre le 23 mars 1357, valable jusqu’au 9 avril 1359. Jean le Bon, d’abord détenu à Bordeaux, fut transféré à Londres. Des négociations s’ouvrirent alors avec des envoyés du dauphin. Les exigences anglaises étaient exorbitantes : la souveraineté sur tout le Sud-Ouest du royaume, l’hommage de la Bretagne, aucune renonciation aux prétentions sur la couronne de France et une rançon de 4 millions d’écus pour la libération du roi Jean.
En mars 1359, par le 2e traité de Londres, Édouard III poussa encore plus loin ses revendications territoriales, en demandant la souveraineté sur la Touraine, l’Anjou, le Maine et la Normandie. Il écourta la date de remise de la rançon mais abandonna ses prétentions sur la couronne de France. Les États jugent ce traité « ni passable ni faisable » et ordonnèrent « de faire bonne guerre aux Anglais » (Contamine 2012, p.43).
Étienne Marcel et la journée du 22 février 1358
Réunis en février 1358, les États de Paris demandèrent l’interdiction des assemblées locales pour leur substituer une assemblée unique pour la Languedoïl. La bourgeoisie parisienne chercha en effet à soumettre la monarchie à ses intérêts, en éliminant le contrepoids que représentaient les États provinciaux, dont l’objectif était avant tout de contrôler la levée et l’utilisation des subsides demandés (Contamine 2012, p.40.).
Le 22 février, Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris, organisa une émeute contre le gouvernement pour impressionner le dauphin. Deux maréchaux, Robert de Clermont, maréchal de Normandie, et Jean de Conflans, maréchal de Champagne, furent tués alors qu’ils voulaient protéger Charles. Ce dernier, terrorisé, approuva les meurtres.
La Grande Jacquerie de 1358
Les soulèvement des Jacques (c’est-à-dire paysans) contre la noblesse partirent du Beauvaisis à partir de fin mai 1358. Ils se répandirent en Picardie, en Champagne et dans le nord de l’Île-de-France. Ils n’obtinrent cependant aucun soutien d’Étienne Marcel, tandis que Charles de Navarre les réprima.
Réaction royale du dauphin Charles
Charles prit le titre de régent et quitta Paris. Il réunit les États de Languedoïl à Compiègne le 4 mai, en l’absence des Parisiens. La rébellion d’Étienne Marcel était isolée. Fort du soutien des États de Compiègne, le régent avanca jusqu’à Paris. Étienne Marcel demanda alors de l’aide aux villes flamandes : il se présenta comme le champion du combat des non nobles contre les nobles (Contamine 2012, p.42), mais la tentative fut infructueuse. Étienne Marcel introduisit alors des soldats anglais dans Paris, ce qui fit chuter sa popularité. Le 31 juillet, il fut assassiné avec ses lieutenants.
Le 2 août 1358, le régent Charles entra dans Paris. La « révolution parisienne » avait échoué.
Vers la paix de Calais : le traité de Brétigny
Carte de France après les traités de Brétigny et de Guérande
Chevauchée vers Reims
Devant l’échec de ses revendications, Édouard III tenta de d’atteindre Reims, la ville des sacres, par une chevauchée. Le 4 décembre 1359, il était sous les murs de la ville, pour renoncer au siège un mois plus tard. Il réorienta son expédition vers la Bourgogne. Pour parer la menace, le duc Philippe de Rouvres promit 200 000 écus et la reconnaissance d’Édouard III comme roi de France. Il obliqua ensuite vers Paris, mais ne put prendre la ville. Sa chevauchée se termina en Beauce.
Les négociations du traité de Brétigny (traité de Calais)
Les négociations débutèrent au château de Brétigny, près de Chartres, le 1er mai 1360. Le 8 mai, le traité de Brétigny (ou traité de Calais) était conclu, instituant une trêve de dix-huit mois. Édouard III reçut un tiers du royaume : l’Aquitaine, de la Loire aux Pyrénées, Calais et ses marches, le comté de Ponthieu (Somme) et le comté de Guînes (Pas-de-Calais). La rançon pour la libération de Jean le Bon était fixée à 3 millions d’écus, soit deux ans de recettes de la monarchie (Contamine 2012,p.44). Le roi de France fut libéré en octobre 1360.
En contrepartie, Édouard III renonçait à la couronne de France et s’engageait à abandonner les forteresses qu’il détenait dans les parties du royaume revenant aux Valois. Édouard III s’engagea aussi à se réconcilier avec Louis de Male, Jean le Bon avec Charles de Navarre, et les parties annoncèrent vouloir régler la question de Bretagne. La pacification se faisait cependant aux dépens du royaume de France.
Les articles concernants la cession des territoires et la renonciation par Édouard III au trône de France furent séparés du traité.
L’échec de la paix de Calais
Le transfert des territoires n’était toujours pas effectif en novembre 1361, date butoir fixée par le traité de Brétigny. De leur côté, les Anglais ne firent pas fait évacuer les forteresses qu’ils détenaient sur les territoire du roi de France, mais se contentèrent de désavouer les garnisons, pour que Jean le Bon achète leur départ. Édouard III ne fit aucun effort pour établir paix. En effet, il juge le traité de Brétigny trop peu avantageux pour lui, et se réserve la possibilité de reprendre les hostilités. Jean le Bon refusa donc d’échanger les renonciations. Le paiement de la rançon prit du retard devant les difficultés de la France à rassembler la somme.
Au risque de compromettre le traité, le duc d’Anjou en profita du transfert des otages de la famille royale à Calais pour s’enfuir. Le scandale provoqué par cette fuite poussa Jean le Bon à se constituer de nouveau prisonnier. Il revint à Londres en janvier 1364, pour y mourir le 8 avril suivant. Le dauphin Charles monta sur le trône en tant que Charles V (1364 – 1380).
La cession des territoires finalisée, les territoires anglais du Sud-Ouest furent regroupés en une grande principauté, confiée au Prince de Galles qui devint donc prince d’Aquitaine le 19 juillet 1362.
Premiers faits d’armes de Bertrand du Guesclin
Philippes de Rouvres, duc de Bourgogne, mourut le 21 novembre 1361 sans laisser d’héritier. Charles de Navarre et Jean le Bon pouvaient tous deux prétendre à la succession. Comme roi de France, Jean le Bon était juge de l’affaire en plus d’être parti, et s’appropria le duché, dont il fit un fief, accordé à son fils Philippe, devenu Philippe II de Bourgogne, dit « le Hardi » (1363 – 1404). L’armée anglo-navarraise de Jean de Grailly ne parvint pas à compromette cet arbitrage. Elle fut vaincue à la bataille de Cocherel, le 16 mai 1364, par les troupes de Bertrand du Guesclin, un chevalier breton dont les qualités étaient appréciées par le dauphin Charles. À la suite de l’échec d’Évreux, un traité fut toutefois conclu avec Charles de Navarre en mars 1365 : le roi de Navarre obtint la coseigneurie de Montpellier, mais perdit toutes ses places de Basse Seine, ce qui libéra la pression sur Paris.
Bataille d’Auray et paix en Bretagne
Jean III de Montfort débarqua en Bretagne en 1362. Avec l’aide des Anglais, dont deux célèbres capitaines, Robert Knowles et Jean Chandos, il assièga Auray. Charles de Blois mourut en essayant de secourir la place le 29 septembre 1364, avec l’aide de Du Guesclin qui fut fait prisonnier. Par la paix de Guérande, le 10 avril 1365, le dauphin Charles, devenu Charles V, reconnut Jean III de Montfort comme duc de Bretagne. En échange, le nouveau duc, Jean IV de Bretagne, devait prêter hommage au roi de France.
Les ravages des compagnies pendant la guerre de Cent Ans
Après avoir été au service d’une autorité légitime, certains soldats ne se dispersèrent pas et continuèrent la guerre pour leur propre compte. Pillards, bandits, ils formèrent des compagnies aux ordres d’un capitaine, qui ravageaient les campagnes. Elles représentaient en outre un danger d’ordre politique pour le roi de France. En effet, contre rémunération, ces hommes pouvaient servir n’importe quelle ambition. Ces déracinés, hommes marqués par de longues guerres, ne pouvant souvent plus revenir chez eux, s’emparèrent parfois de forteresses dont il devenait très difficile de les déloger.
Ce phénomène, accru dans les années 1360 et 1370, était aussi le fruit de troubles sociaux et économiques importants. Certains capitaines, nobles ou bâtards, essayèrent de se tailler des seigneuries, à l’image de Geoffroy Tête Noire, autoproclamé duc de Ventadour, comte de Limousin, souverain de tous les capitaines d’Auvergne, de Rouergue et de Limousin.
Certaines compagnies se réunirent pour former de grandes compagnies. L’une d’entre elles s’empara de Pont-Saint-Esprit, dans le Gard. Jacques de Bourbon fut défait par une autre de ces compagnies le 6 avril 1362.
La guerre de Cent Ans en Espagne
Du Guesclin fut envoyé à la tête de plusieurs compagnies en Aragon où il arriva à l’hiver 1365 – 1366 pour mettre Henri de Trastamare sur le trône de Castille à la place de Pierre Ier de Castille, dit « le Cruel » (1350 – 1369). Ce dernier fit appel au Prince Noir contre les Français. Malgré la supériorité numérique de leurs armées, Henri de Trastamare et Bertrand du Gueslin furent défait à la bataille de Nájera le 3 avril 1367. Du Guesclin fut même fait prisonnier.
Le parti de Henri de Trastamare fut sauvé par l’incapacité de Pierre le Cruel à payer les Anglais qui, déçus, abandonnèrent son parti. Du Guesclin, libéré de sa rançon par Charles V, aida Henri de Trastamare à prendre Burgos le 8 octobre 1367, puis à battre Pierre le Cruel à Montiel le 14 mars 1369. Au cours d’une entrevue, Henri tua son demi-frère et devient roi de Castille. Ce royaume devint dès lors, avec sa puissante flotte de galères, un appui important pour Charles V qui put faire pression sur la route maritime des vins entre Bordeaux et l’Angleterre. Du Guesclin fut fait par ailleurs duc de Molina.
Rapprochement entre les belligérants
Louis de Male (1346 – 1384), comte de Flandre, chercha à partir de 1360 à se rapprocher de l’Angleterre pour assurer le ravitaillement en laine des fabricants de textiles de son comté (Contamine 2012, p.54). En outre, sa fille Marguerite (1350 – 1405), veuve du duc de Bourgogne Philippe de Rouvre, était l’héritière des comtés de Flandre, de l’Artois, de Nevers, de Rethel en plus du duché de Bourgogne. Édouard III lui proposa alors un de ses fils, le duc d’York, en mariage. Pour éviter d’être pris en tenaille, Charles V, à l’aide du pape Urbain V (1362 – 1370), parvint à rendre ce projet impossible. En 1369, Marguerite de Flandre épousa finalement Philippe le Hardi, le nouveau duc de Bourgogne.
La questions des appels
L’expédition en Espagne fut ruineuse pour la principauté d’Aquitaine. Elle contraignit le Prince Noir à taxer, ce qui fit des remous, chez le comte d’Armagnac, notamment, qui n’accepta pas la levée de nouvelles taxes dans son domaine (Contamine 2012, p.55). Il fit appel à Édouard III contre son propre fils, mais n’attendit pas l’arbitrage et se tourna vers Charles V. Certaines places du duché d’Aquitaine étaient toujours sous l’autorité du Parlement de Paris, la plus haute cour de justice du royaume de France. Cette arme redoutable pouvait servir au du roi de France, tout comme le pouvoir de mener les enquêtes nécessaires. Ainsi, en 1307, le parti pro-français de Bordeaux s’était révolté contre la nomination d’un maire par les Anglais et a fit appel au Parlement de Paris.
Le 30 juin 1368, après consultation des juristes (jusqu’à ceux de Bologne pour assurer sa légitimité), Charles V accepta l’appel du comte d’Armagnac. Il conclut en outre une alliance secrète avec lui. Le 30 décembre, la conduite du roi fut approuvée par une assemblée : ne pas recevoir ces appels serait un déni de justice. En janvier 1369, le Prince Noir est cité à comparaître. Il répondit avec ironie :
Nous irons volontiers à Paris au jour où nous sommes cités, puisqu’il est ainsi commandé par le roi de France, mais ce sera le bassinet en tête, avec soixante mille hommes de notre compagnie (Contamine 2012, p.57).
Les appels se multiplièrent : on en compta rapidement plusieurs centaines. Charles V poursuivit cette stratégie de déstabilisation, jusqu’à la rupture avec Édouard III. Ce dernier reprit le titre de roi de France le 3 juin 1368. En réponse, Charles V prononça la confiscation de l’Aquitaine.
La reconquête de Charles V
Les opérations commencèrent début 1369. Le duc d’Anjou progressa dans l’Agenais et le Périgord. Le Ponthieu fut repris par les Français, le Rouergue et le Quercy firent leur soumission. En 1370, les Français marchèrent sur Bordeaux. Limoges fut occupée un temps, mais le Prince Noir parvint à la reprendre. Robert Knowles lança une chevauchée jusqu’en Bretagne. Mais le 4 décembre 1370, l’armée de Du Guesclin parvint à l’arrêter.
Devant la menace, Charles de Navarre signa une paix avec Charles V en mai 1371.
La bataille de La Rochelle
En 1372, les galères castillanes détruisirent à la Rochelle une flotte anglaise transportant des renforts, offrant un énorme espace aux Français qui pouvaient progresser en Poitou, en Saintonge et en Angoumois.
Jean IV de Bretagne allié aux Anglais
Jean IV de Bretagne conclut une alliance avec Édouard III le 19 juillet 1372. Des Anglais débarquent à Pointe Saint-Mathieu et à Saint-Malo. En représailles, Charles V fit occuper l’entier duché. Jean IV, dépossédé de ses États, se réfugia en Angleterre. Il ne revint que le 3 août 1379 en débarquant à Saint-Sevran, où il fut accueilli avec enthousiasme (Contamine 2012, p.63.). Jean IV parvint à rester maître de la Bretagne occidentale.
Une poussée des Français, mort du Prince Noir et d’Édouard III
Jean de Lancastre se lança alors dans une nouvelle chevauchée. Il s’empara de Tulle, de Brive, puis atteint Bordeaux, à la tête de troupes épuisées. Il conclut une trêve avec Du Guesclin le 21 mai 1374. En 1375, Édouard tenta sans succès de reprendre la Bretagne. Cognac céda devant les Français. Le royaume de France avait reconquis le Centre-Ouest.
Des négociations furent ouvertes à Bruges en 1375, alors que les Anglais tenaient encore Calais, Brest, Bordeaux et Bayonne.
Le Prince Noir mourut en 1376, précédant son père Édouard III qui s’éteint en 1377. Le fils du Prince Noir, Richard II (1377 – 1399), lui succèda.
Dernières opérations, mort de Du Guesclin et de Charles V
En mars 1378, une familier de Charles de Navarre fut arrêté et révéla le projet de Charles de Navarre d’empoisonner Charles V, en concertation avec les Anglais et le duc de Bourgogne. Les places de Charles de Navarre furent alors conquises, sauf Cherbourg, détenue par les Anglais. Pour expulser les Français du duché, le comte de Buckingham lança une chevauchée en juillet 1380, sans queDu Guesclin puisse intervenir : il mourut le 13 de ce mois. Le comte de Buckingham était à Nantes le 4 septembre, mais repartit en Angleterre l’année suivante.
Charles V mourut le 16 septembre. Son fils monta sur le trône sous le nom de Charles VI (1380 – 1422).
Les Bretons et les Français se rapprochèrent : par le traité de Guérande du 4 avril 1381, le duché fut rendu à Jean IV.
La guerre de Cent Ans sous Richard II et Charles VI
La révolte des paysans de 1381
Au cours de l’année 1381, l’Angleterre connut une grande révolte politique, plus dangereuse encore que les jacqueries ne l’ont été pour la France. Une poll tax, c’est-à-dire l’impôt par tête, fut exceptionnellement élevée pour l’année 1380 – 1381. En effet, les besoins en financement générés par la guerre contraignirent la couronne à trouver de nouvelles ressources, alors que l’afflux se tarissait (elles sont deux fois moindres que celle de 1377, cf. Contamine 2012, p.65.)
L’instauration de la poll tax suscita des troubles dans les campagnes de l’Essex et du Kent. Les rebelles du Kent se trouvèrent un chef en Wat Tyler, ancien soldat des campagnes de France : ils pillèrent les manoirs et les monastères sur leur passages, pour marcher ensuite sur Canterbury. Ils parvinrent à pénétrer dans Londres grâce au soutien des pauvres de la ville. En même temps, les rebelles de l’Essex atteignirent le Nord-Est de la capitale.
Richard II, enfermé dans la tour de Londres, était menacé par deux groupes rebelles. Il accepta leur pétition demandant l’abandon des corvées et du villeinage (servage). La garnison de la tour de Londres capitula. L’archevêque de Canterbury et d’autres notables furent massacrés. Au cours d’une entrevue Wat Tyler demanda à Richard II qu’il n’y ait plus de seigneurs, à l’exception du roi. Il réclama en outre la réunion de tous les évéchés. Richard II accepta tout.
Le 15 juin 1381, au cours d’une rencontre avec le roi, Wat Tyler fut tué par le lord-maire de Londres William Walworth, qui imposa à la foule de se retirer. Cet assassinat marque le début d’une répression dans toutes les régions où les troubles se sont déroulés. Selon la légende, le roi aurait répondu « Villeins vous êtes, villeins vous resterez ! » à une délégation venant de l’Essex (Contamine 2012, p.66.).
Le gouvernement des oncles
Charles VI succèda à Charles V alors qu’il n’avait que onze ans. Il fut sacré le 4 novembre 1380, mais les frères de Charles V accaparèrent la réalité du pouvoir en formant une espèce de gouvernement collégial :
- Jean Ier, duc de Berry
- Louis Ier, duc d’Anjou
- Louis II, duc de Bourbon
- Philippe le Hardi, duc de Bourgogne
Louis d’Anjou, le même qui avait fui ses geôliers à Calais, voulut mettre son influence nouvelle au service de ses propres ambitions : régner sur le royaume de Naples. Dans cette perspective, il fit lever de nouveaux impôts, ce qui suscita de graves révoltes : la révolte de la Harelle à Rouen, la révolte des Maillotins (du nom des maillets de plomb utilisés par les Parisiens pour chasser les gants du fisc) à Paris, etc. Louis d’Anjou quitta la France dès le mois janvier 1382.
Le duc de Berri, lieutenant du roi en Languedoc, laissa faire la révolte des Tuchins, qui prit de l’ampleur du fait de la participation de la noblesse et des compagnies.
À ces troubles s’ajouta l’émergence de la figure de Philippe Van Artevelde, le fils de Jacques Van Artevelde, qui coalisa les Gantois pour demander l’alliance avec l’Angleterre. Les Gantois furent écrasés par l’armée des oncles le 27 novembre 1382 à bataille de Roosebeke. Ils réprimèrent en outre les révoltes urbaines.
Première trêve de Leulinghem
Gand résista aux Français en attendant les Anglais. Les troupes anglaises débarquèrent finalement en mai 1383 à Calais, et s’emparèrent de le côte flamande, avant de faire le siège d’Ypres. Les Français rassemblèrent 16 000 hommes, une armée considérable qui suscita la crainte des Anglais. À Leulinghem, une trêve fut conclue le 26 janvier 1384 pour quinze mois.
La reprise de l’esprit de guerre chez les Français
Charles VI a du goût pour la guerre (Contamine 2012, p.69). Il projeta de débarquer en Angleterre en 1385. Mais, sa noblesse, divisée su la question, fit échouer le projet. Olivier de Clisson, assiégea Damme, tandis ce que Louis de Vienne prit Taillebourg et Bourg-Charente. Événement notable, Philippe le Hardi repris ses possessions en Flandre après négociation avec les Gantois, ce qui le plaçait à la tête d’un ensemble de terre considérable qui fit de lui le plus puissant des princes français.
Jean de Gand en Espagne
Jean de Gand, duc de Lancastre depuis 1362, était prétendant au trône de Castille. Avec l’appui des Portugais, il débarqua en 1386 en Espagne avec un corps expéditionnaire, ce qui compromit gravement la défense de l’Angleterre. Il n’alla cependant pas jusqu’au bout de son entreprise. Les Français projetèrent deux débarquements pour profiter du dégarnissement de l’Angleterre. un premier à l’été 1386 avec 15 000 hommes qui n’aboutit pas, un autre depuis Harfleur dirigé par Olivier de Clisson, dont la capture par Jean IV de Bretagne rend la réalisation impossible.
Les Lords appelants
Richard II subit un grave rébellion de ses barons, les « Lords appelants ». Le roi dut faire sa soumission momentanée. En outre, en 1388, le comte d’Arundel débarqua à Aunis, sans résultat. Enfin, en août 1388, une armée écossaise écrasa les Anglais à Otterburn. L’Angleterre n’avait pas les moyens de continuer la guerre. Une trêve totale prit effet à partir de 1389.
La guerre de Cent Ans endormie
Des suspensions d’armes sont décidées jusqu’en 1395. Le 9 mars 1396, une trêve générale est conclue à Paris, courant de la Saint-Michel de 1398 jusqu’à la Saint-Michel de 1426. Il y eut peu d’atteintes à la trêve. En 1402 et 1403, des combats se déroulèrent dans la Manche et en Bretagne. La France consacra un dixième de ses revenus annuels à surveiller ses frontières à l’aide de 2000 à 3000 hommes (Contamine 2012, p.72.). Les Anglais abandonnèrent certains de leurs points d’appuis, comme Cherbourg en 1394 ou Brest en 1397. Les problèmes de fond n’étaient toutefois par réglés. Richard II revendiquait toujours le trône de France.
Charles VI : roi de France
En novembre 1388, Charles VI, 20 ans, écarta ses oncles et commenca à exercer le pouvoir seul. Il fut aidé dans cette tâche par son frère Louis, duc de Touraine, et les Marmousets, des conseillers déjà présents sous Charles V, parfois d’origine modeste. Le roi fut frappé par un premier accès de folie en 1392. Profitant de la dégradation progressive de son état, ses oncles récupérèrent leur prépondérance. Mais ils ne poussèrent pas à l’offensive contre l’Angleterre : Philippe le Hardi n’en avait pas intérêt au regard de ses possessions flamandes et Louis d’Anjou portait toujours son regard vers Naples. En outre, de nombreux chevaliers français moururent en croisade à la bataille de Nicopolis contre les Turcs, le 25 septembre 1396.
L’émergence de Henri de Lancastre, devenu Henri IV
Henri de Lancastre, fils de Jean de Gand, était un des chefs des « Lords appelants ». À l’occasion d’un conflit avec le duc de Gloucester, il est exilé à vie par Richard II en 1398 et, à la mort de son père, dépossédé de ses biens. Il se réfugia alors à Paris puis en Bretagne. En juin 1399, il débarqua secrètement en Angleterre, profitant de la présence de Richard II en Irlande. Il s’imposa et fit arrêter Richard II, qui fut enfermé à la tour de Londres à partir du 1er septembre 1399.
La maison de Lancastre s’imposa donc sur le trône d’Angleterre : Henri de Lancastre devint Henri IV d’Angleterre le 30 septembre 1399.
La remontée des tensions
Homme populaire par ses déclarations belliqueuses (Contamine 2012, p.76.), Henri IV proclama son désir de reprendre son héritage français, nonobstant la confirmation de la trêve le 18 mai 1400. En 1401, Archambaud de Grailly, captal de Buch et sénéchal de Guyenne pour le roi d’Angleterre, se rallia aux Français, sans que Bordeaux ne suive. Henri IV essaya de se marier à la veuve de Jean IV de Bretagne, sans succès.
Guerre de Cent Ans doublée d’une guerre civile en France
Les hostilités reprirent en 1404, à l’initiative des Français.
Révolte au pays de Galles
Une révolte galloise divertit d’abord Henri IV de ses projets français. Owain Glyndŵr (1359 – 1416) le chef des révoltés gallois, bénéficiait de surcroît de l’appui des Français.
Échec en France
En Guyenne, le connétable Charles d’Albret et le comte d’Armagnac ne parvinrent pas à prendre Bourg et Blaye. Philippe de Bourgogne fit peu d’efforts pour prendre Calais (Contamine 2012, p.78.).
La guerre civile bourguignons et Armagnacs
En 1404, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi mourut. Son fils, Jean Ier de Bourgogne, dit « Jean sans Peur » (1405 – 1419) devint le nouveau duc de Bourgogne. Du fait de la folie du roi Charles VI, il assista la reine Isabeau de Bavière au Conseil royal, en rivalité avec Louis d’Orléans, frère cadet du roi. Jean sans Peur fit assassiner son rival à Paris le 23 novembre 1407. Jean sans Peur fuit vers son duché devant le scandale. Il justifia cependant son crime dans un apologue, en s’érigeant en champion de la réforme monarchique. La bourgeoisie parisienne était sensible à cette cause et le soutint.
Revenu à la cour comme nouveau détenteur du pouvoir, il plaça ses hommes à tous les postes-clés de gouvernement : à la Chancellerie, au Parlement, à la Chambre des comptes avant tout. Jean sans Peur était maître de Paris et de la moitié du royaume. Pour consolider sa position, il demanda l’appui des Anglais.
Ses ennemis, le duc de Berry, le duc d’Orléans, Bernard d’Armagnac, Jean de Bourbon, Charles d’Albret, etc., contrôlaient l’autre moitié du royaume. Lorsque le fils de Louis d’Orléans, le poète Charles d’Orléans (1394 – 1465), qui n’avait pas l’autorité pour prendre le relai de son père, épousa Bonne d’Armagac, la fille de Bernard d’Armagnac, ce parti, autrefois orléaniste, devint le parti des Armagnacs.
L’invasion de la France par les Lancastre : reprise de la guerre de Cent Ans
Les Anglais apportèrent d’abord leur soutien aux Amargnacs : par l’accord de Bourges de mai 1412, Henri IV leur envoya 1000 hommes d’armes et 3000 archers (Contamine 2012, p.80.). Jean sans Peur réagit et marcha sur les terres sous contrôle des Armagnacs. Les Anglais profitèrent de l’occasion pour débarquer à Cherbourg avec le duc de Clarence à leur tête et entamèrent une chevauchée jusqu’à Bordeaux, non sans avoir empoché une indemnité avant.
L’ordonnance cabochienne
En 1413, Jean sans Peur encouragea une émeute contre les Armagnacs à Paris, alors en faveur au Conseil royal. De nombreux Armagnacs furent massacrés ou emprisonnés. Les émeutiers, emmenés par le boucher Simon Caboche, voulant lutter contre les abus, obtinrent du Conseil une ordonnance de 258 articles (« l’ordonnance cabochienne »), qui ne fut aboli qu’au retour des Armagnacs au pouvoir le 8 septembre 1413.
L’avènement de Henri V
Henri IV mourut le 20 mars 1413. Son successeur, Henri V (1413 – 1422), qui a inspiré la célèbre pièce de Shakespeare, était ambitieux. Il voulut récupérer son héritage français, c’est-à-dire revenir à la situation de la paix de Calais du 8 mai 1360. Il poussait en outre ses prétentions sur les terres confisquées à Jean sans Terre par Philippe Auguste. Henri V demandait aux Français l’Aquitaine, l’Anjou, la Touraine, la Normandie, l’hommage de la Bretagne, la souveraineté sur la Flandre et l’Artois, la Provence et la main de Catherine, fille de Charles VI (Contamine 2012, p.82.).
La faction Armagnac était prête à faire des concessions, pour parer le scénario d’une alliance bourguigno-anglaise. Ils refusèrent cependant de lui céder la Normandie. Henri V prit prétexte de ce refus pour prendre les armes.
La bataille d’Azincourt
Le 14 août 1415, l’armée de Henri V, forte de 12 000 hommes, débarqua à Chef-de-Caux (Sainte-Adresse, Seine Maritime). Il mit le siège devant Harfleur le 18 août. La ville capitula le 22 septembre. Ne pouvant prendre Paris, Henri V se dirigea vers Calais.
À Azincourt (Pas-de-Calais) le 25 octobre 1415, les Anglais infligèrent une lourde défaite à l’armée dépêchée par les Français pour l’intercepter. De 5000 à 6000 hommes perdirent la vie, et nombre de prisonniers furent massacrés. Deux Armagnacs, Charles d’Orléans et Jean de Bourbon, furent en outre capturés. Charles d’Albret fut tué. Après Crécy en 1346, après Poitiers en 1356, la chevalerie française se fracassa une nouvelle fois sur la puissance des archers anglais.
La roue tournait en faveur des Anglais. L’empereur Sigismond, médiateur du conflit, s’unit à l’Angleterre contre la France par le traité de Canterbury le 15 août 1416. Jean sans Peur reconnut en octobre Henri V comme le roi de France de droit (Contamine 2012, p.83).
Changement de stratégie de conquête
En août 1417, deux ans après Azincourt, les Anglais débarquèrent avec 10 000 hommes pour entamer la conquête de la Normandie. Henri V changea de méthode : à la place des percées rapides permises par les chevauchées, il privilégia la conquête méthodique de chaque place pour s’assurer le contrôle durable des territoires. Caen, Alençon, Cherbourg et Évreux furent prises.
Le parti armagnac fut très affaibli par sa défaite à Azincourt. Il était alors représenté par Bernard d’Armagnac (1360 – 1418) et le dauphin, dernier fils de Charles VI après la mort de Louis de Guyenne en 1415, le futur Charles VII, qui était alors lieutenant général du roi. Isabeau de Bavière (1370 – 1435), exilée, se rapprocha de Jean sans Peur. À Troyes, Jean sans Peur et Isabeau de Bavière créèrent un gouvernement opposé à celui des Armagnacs. Le duc de Bourgogne entra à Paris en juillet 1418, avec le tueur Capeluche. Ils se livrèrent à des massacres, dont Bernard d’Armagnac fut une victime. Le dauphin fut sauvé par des officiers fidèles et se replia sur le Berry.
Le duc de Bourgnogne, au pouvoir à Paris, ne s’opposa pas à l’invasion menée par Henri V. Rouen tomba en janvier 1419, finalisa la conquête de la Normandie. Pontoise se rendit le 31 juillet.
L’assassinat de Jean sans Peur
Devant la menace, le duc de Bourgogne et le dauphin Charles se rencontrèrent à Corbeil et Montereau (Seine-et-Marne). Dans cette dernière ville, Jean sans Peur fut assassiné le 10 septembre 1419 par Tanguy du Châtel, un fidèle du dauphin.
Le successeur de Jean sans Peur, Philippe le Bon (1419 – 1467), se rallia au roi d’Angleterre. Il consolida ainsi sa position de prince vengeur et son influence sur le royaume (Contamine 2012, p.85.). La bourgeoisie parisienne et les conseillers de la couronne étaient favorables au déshéritement du dauphin, la peur d’un siège aidant.
Le traité de Troyes
Conclu le 21 mai 1420, le traité de Troyes stipulait que Charles VI devait rester roi jusqu’à sa mort. Mais Henri V, par son mariage avec la fille de Charles VI, Catherine (1401 – 1437), devint le gendre du roi et l’hériter de France (Contamine 2012, p.86.). Henri V règnerait donc en union personnelle sur les royaumes de France et d’Angleterre, le second n’absorbant pas le premier. Le roi d’Angleterre remplacerait seulement les Valois, sans changer les institutions. Le traité fut approuvé par l’université de Paris.
Le traité fit en outre de Henri V le régent du royaume de France. Il conservait aussi la Normandie à titre personnel.
Le dauphin Charles était considéré par ce parti comme un usurpateur doublé d’un criminel, coupable du meurtre de Jean sans Peur. Son arrestation relevait donc d’une opération de police.
L’Angleterre était alors maîtresse de la Guyenne, de Calais et ses marches, de la Normandie, du Maine, de l’Île-de-France, du Pays Chartrain, de la Champagne et de la Picardie. La Bourgogne de Philippe le Bon règne sur les comtés de Flandre, de Boulogne, d’Artois, de Rethel, de Nevers, de Charolais, de Mâcon, de Namur, de Hainaut, de Hollande et de la Zélande.
Le roi de Bourges
Charles VII, roi depuis la mort de Charles VI le 21 octobre 1422, régnait depuis Bourges, capitale du Berry. Il contesta le traité en avançant que le roi Charles VI n’était pas propriétaire, mais dépositaire du royaume. Fou, il ne pouvait pas traiter. Le parti de Charles VII tenait encore le centre et le sud du royaume. Il pouvait compter sur l’alliance avec l’Écosse et la Castille. Ses appuis étaient solides dans les grandes maisons (Orléans, Bourbons, Foix, etc.). Mais le contrôle royal sur les différents territoires qui constituaient le royaume était variable. Les ressources manquaient, et l’armée vivait parfois de rapines quand les soldes n’étaient pas payées.
La poursuite de la conquête
Henri V mourut le 21 août 1422. Le fils de Henri V et de Catherine de Valois monta sur les trônes d’Angleterre et de France sous le nom d’Henri VI ( 1422 – 1461 pour l’Angleterre, 1422 – 1453 pour la France). Il régna en union personnelle sur une « double-monarchie ». Le duc de Bedford prit la régence pour Henri VI et chercha un appui chez Philippe le Bon, toutefois mécontenté par le second rôle qui lui fut imparti dans cette nouvelle configuration du royaume, ainsi que chez Jean V de Bretagne (1399 – 1442).
La guerre reprit. L’armée coalisée anglo-bourguignonne vainquit l’armée de Charles VII à Cravant le 30 juillet 1423. Le 26 septembre de la même année, la victoire fut pour Charles VII à la bataille de La Gravelle. Cependant, à la bataille de Verneuil le 17 août 1424, les Français subirent une grave défaite au cours de laquelle ils perdirent leurs deux commandants. Le duc de Bedford décida de poursuivre la conquête par l’Orléanais. Il mit le siège sur Orléans le 12 octobre 1428.
Jeanne d’Arc
Carte de France en 1435
L’Angleterre était incapable de fournir un soutien effectif à la conquête de la France. Le traité prescrivait en effet que seules les ressources récoltées en France devaient subvenir aux besoins de la conquête. Seule la Normandie est en mesure de fournir des ressources fiscales importantes. L’Angleterre était en outre occupée par la menace de l’Écosse. Jean V de Bretagne ne fut pas non plus en mesure d’apporter une aide substantielle à Henri VI. Philippe le Bon, mécontent de sa situation, et qui n’avait plus aucun gain territorial à espérer, n’avait pas d’intérêt matériel à aider les Anglais.
L’armée du duc de Bedford, composée d’Anglais, était peu nombreuse (environ 3500 hommes), mais bien équipée et disciplinée. Avec les diverses garnisons présentes sur les territoires acquis aux Anglais, les effectifs pouvaient s’élever à 8000 hommes. Ces limites, en hommes et en ressources, firent que la conquête était lente. Toutefois, le duc de Bedford parvint à soumettre le Maine.
La journée des Harengs
L’un des commandants anglais, le comte de Salisbury, fut tué au début du siège d’Orléans. Mais John Talbot (1387 – 1453), l’un des chefs anglais, arriva avec des renforts qui permirent aux Anglais d’enserrer la ville dans une réseau de bastilles. À Rouvray, le 12 février 1429, des Français furent battus en interceptant un convoi de vivres destinés aux soldats anglais (de là le surnom de journée des Harengs ou bataille des Harengs).
Après cet échec, la population d’Orléans s’offrit au duc de Bourgogne. Mais les Anglais refusèrent l’offre. Philippe le Bon retira alors ses troupes.
Jeanne d’Arc à Orléans
Jeanne d’Arc (1412 – 1431), jeune paysanne de Lorraine, arriva à Chinon fin février ou début mars 1429. Là, elle fut autorisée à rencontrer Charles VII qu’elle convainc de l’équiper. Une enquête théologique conclut à l’orthodoxie de ses voix. Elle quitta Blois le 28 avril après avoir sommé ses adversaires de « rendre France » (Contamine 2012, p.93 – 94) au nom du « roi de France ». Le 29, Jeanne d’Arc était dans Orléans. Le 3 mai, d’autres secours français arrivèrent.
Après la prise plusieurs bastilles, les Anglais levèrent le siège le 8 mai.
Bataille de Patay et sacre de Charles VII
Orléans délivrée de ce siège, les Français prirent Jargeau le 12 juin 1429, Meung le 14, Beaugency le 16. Le 18 juin, à la bataille de Patay, les Français, commandés entre autres par La Hire, infligèrent une lourde défaite aux Anglais qui perdirent de nombreux hommes et certains de leurs commandants comme John Talbot, fait prisonnier.
Charles VII put gagner Reims où il fut sacré le 17 juillet 1429. Jeanne d’Arc aurait alors dit à Charles VII :
Gentil roi, or est exécuté le plaisir de Dieu qui voulait que levasse le siège d’Orléans et que emmenasse en cette cité de Reims recevoir votre Saint Sacre, en montrant que vous êtes vrai roi et celui auquel le royaume de France doit appartenir (Contamine 2012, p.94).
Jeanne d’Arc au bûcher
Laon, Soissons et Compiègne furent prises. Toutefois, le 8 septembre, Paris résista à un premier assaut. À l’hiver 1429, Jeanne d’Arc s’empara de Saint-Pierre-le-Moûtier (Nièvre) avant d’échouer devant la Charité-sur-Loire. Charles VII ne la soutint pas. Il décida de limiter les efforts pour assurer ses reconquêtes.
Le 23 mai 1430, à Compiègne, Jeanne d’Arc fut faite prisonnière. Vendue 10 000 livres aux Anglais par Jean de Luxembourg, elle fut jugée à Rouen par un tribunal d’Inquisition présidé par l’évêque de Beauvais, Pierre Cauchon. À l’issue de son procès, qui avait commencé le 21 février 1431, elle fut condamnée comme « hérétique, relapse, apostate et idolâtre » (Contamine 2012, p. 95), livrée aux Anglais puis brulée le 30 mai 1431.
Sacre de Henri VI à Notre-Dame de Paris
Le duc de Bedford tenta de contre-attaquer. Pour intéresser Philippe le Bon au conflit, il lui céda la Champagne et le Brie. Sans succès. En effet, le cardinal Albergati, légat du pape Eugène IV, fit conclure le 13 décembre 1431 une trêve de six ans entre Charles VII et Philippe le Bon.
Le 16 décembre, Henri VI fut néanmoins sacré roi de France à Notre-Dame de Paris.
Le traité d’Arras
En 1432, un complot visant à livrer Rouen aux Français rata de peu. Le pays de Caux se souleva contre la domination anglaise en 1434.
Le connétable de Richemont, le futur Arthur III de Bretagne ( 1457 – 1458), favorable au rapprochement avec les Bourguignons, fut mis aux affaires par Charles VII aux dépens de Georges de la Trémoille. Anne de Bourgogne, femme du duc de Bedford et sœur de Philippe le Bon, mourut le le 14 novembre 1432. Rien n’empêchait plus une alliance entre le roi de France et le duc de Bourgogne, essentielle pour achever la conquête.
Charles VII désavoua le meurtre de Jean sans Peur, punit les coupables, versa une indemnité à Philippe le Bon, et lui céda de nombreuses terres par le traité d’Arras de 1435, qui étaient déjà sous le contrôle de fait du duc. Le duc de Bourgogne, le plus puissant des princes français, reconnut Charles VII comme le roi de France légitime.
La fin de la guerre de Cent Ans
Le 13 avril 1436, le connétable de Richemont se rendit maître de Paris.
Expédition punitive anglaise
Philippe le Bon assiégea Calais pour répondre aux menaces anglaises contre lui. Mais, ne disposant pas d’une flotte puissante, il ne put contrer le ravitaillement de la ville et leva le siège en 1436. Les renforts anglais ravagèrent la Flandre.
Après cet échec, le duc de Bourgogne se tint à l’écart des combats de la guerre de Cent Ans.
Succès français
Charles VII parvint d’abord en 1440 à contrer une coalition de princes, dont son propre fils le dauphin Louis, contre la centralisation monarchique. Des campagnes se déroulent dans le Poitou et l’Auvergne. En 1411, John Talbot perdit Creil et Pontoise. En 1412, ce fut tour de Saint-Sever et Dax de tomber. La contre-attaque du duc de Sommerset en Normandie en 1443 échoua.
La montée en puissance du capitaine anglais William de La Pole (1396 – 1450) entraîna la négociation d’une trêve à Tours partant du 28 mai au 1445 au 1er avril 1446.
Réformes militaires françaises à la fin de la guerre de Cent Ans
Les ordonnances de Nancy de février 1445 réformèrent les finances et l’armée du royaume. Les effectifs furent réduits et placés sous la direction d’une vingtaine de capitaines sous les ordres directs du roi (Contamine 2012, p.107). On forma des unités, composées de lances fournies, elles-mêmes composées d’un homme d’armes, d’un auxiliaire armé (coutilier) et de deux archers, tous montés. À partir de 1446 – 1447, le royaume disposait d’environ 7000 combattants à cheval répartis dans tout le royaume. Ces hommes étaient ravitaillés et soldés par les populations locales.
En 1448, on décida que les non nobles fourniraient un combattant par paroisse, qui devait se battre pour le roi avec un arc ou une arbalète. Cette « milice des francs-archers » constitua une infanterie de réserve de plusieurs milliers d’hommes.
Enfin, sous la direction de Jean et Gaspard Bureau, des bandes d’artillerie de campagne furent constituées pour les sièges des places et les batailles rangées.
Reconquête par Charles VII de la Normandie
En 1448, le Mans était occupé. Le duc de Bretagne, François Ier (1442 – 1450), soutien de Charles VII, vit son château de Fougères attaqué par François de Surienne. Les Français répliquèrent en prenant Louviers, Pont-de-l’Arche, Conches et Verneuil. La conquête de la Normandie s’étendit d’août 1449 à août 1450. Trois corps marchèrent sur le duché. La garnison anglaise de Rouen se rendit le 4 novembre devant les forces de Charles VII. Les Français prirent ensuite Harfleur puis Honfleur.
Thomas de Kyriel débarqua le 15 mars 1450 à Cherbourg avec une armée de secours. Ses troupes furent écrasées à la bataille de Formigny le 15 avril.
Caen fut prise le 1er juillet et Cherbourg le 12 août.
Bataille de Castillon et reconquête de la Guyenne
William de La Pole perdit en popularité devant ces défaites. Il fut assassiné en mai 1450. Les Anglais subirent en outre une révolte de paysans, de clercs et de nobles pauvres dirigée par Jack Cade, qui fut écrasée en juillet. Cette révolte empêcha toutefois les Anglais de sauver Bergerac. La ville fut prise par les Français, qui conquirent ensuite Bordeaux le 23 juin 1451, et Bayonne le 19 août.
Les Bordelais se révoltèrent et ouvrent leurs portes à John Talbot qui reprit plusieurs places. Mais il fut battu et tué à la bataille de Castillon le 17 juillet 1453. Bordeaux se rendit définitivement le 19 octobre.
Henri VI perdit la raison. L’Angleterre entra en guerre civile en août 1453.
Bibliographie
- Christopher Allmand, La Guerre de Cent Ans, Points, 2015, 324 p.
- Boris Bove, Le Temps de la guerre de Cent Ans
- Philippe Contamine, La Guerre de Cent Ans, PUF, 2012, 128 p.
« Bretagne de langue française »
L’Est de la Bretagne parlait Gallo
Je dit moi super bien et j’ai tout compris et tout se que sais
Est voilà
Odyssée passionnante, faite d’ententes et de trahisons par des hommes a priori peu soucieux des droits de l’homme ni même de la tenue de leurs promesses ou engagements.
Epoque sans aucun doute difficile à vivre pour le menu peuple d’alors, sûrement victime de meurtres et vandalismes éhontés. Quelle chance avons-nous, somme toute, de vivre une époque de vandalisme financier et politique dénuée cependant – ou presque – de crimes de sang !