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L’Auld alliance : France et Écosse, plus vieux alliés d’Europe

Publié le 11/09/2017 (m.à.j* le 20/03/2023)
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« La plus vieille alliance du monde », c’est ainsi que le général de Gaulle, durant la Seconde Guerre mondiale, qualifiait l’amitié franco-écossaise. Cette dernière perdure depuis le Moyen Âge, et remonte officiellement à la formation de l’Auld Alliance, littéralement « Vieille Alliance », entre le royaume d’Écosse et le royaume de France en 1296. Si une telle alliance a pu exister, c’est en grande partie grâce à un ennemi commun : l’Angleterre. L’Écosse est située au nord de la Grande-Bretagne. Son histoire se confond progressivement avec une mise au pas par le pouvoir anglais, tandis que la France des Capétiens est, depuis le XIIe siècle, en conflit avec l’Angleterre des Plantagenêts. Cette alliance, militaire dans son essence, prend rapidement un aspect culturel et symbolique très important, qui perdure toujours aujourd’hui, surtout en Écosse, malgré son intégration au Royaume-Uni depuis l’Acte d’Union de 1707. Dès le XVIe siècle, certains sujets du royaume d’Écosse sont même naturalisés français, c’est-à-dire considérés, par lettres de naturalité, nouveaux sujets du roi de France. La réciproque devient vraie au cours du siècle. Cette alliance se clôt officiellement en 1560, année où le royaume d’Ecosse se convertit au protestantisme, bien que des dispositifs de l’alliance perdurent encore pendant plusieurs siècles, et que l’amitié franco-écossaise reste ancrée au sein des deux royaumes, participant même relativement à la formation du sentiment national en Écosse.

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Jehanne d’Arc et sa Garde écossaise, John Duncan | Wikimedia Commons

L’Auld Alliance : le destin commun de l’Écosse et de la France

La naissance de l’Auld Alliance

Cette alliance est d’abord une alliance militaire qui se forme au Moyen Âge, et qui dure officiellement jusqu’en 1560. Au XIIIe siècle, l’Écosse est encore un royaume souverain, intégré au système féodal chrétien, mais progressivement soumis à l’influence anglaise. L’armée anglaise finit par envahir l’Écosse en 1296. Le Parlement écossais promeut alors un candidat sur le trône d’Écosse : Edouard Balliol, fils du feu roi Jean Balliol. Au même moment, le Parlement cherche dans la chrétienté une puissance capable de rivaliser avec l’Angleterre pour se défendre. L’hypothèse norvégienne est d’abord envisagée, mais c’est vers le royaume de France de Philippe le Bel que les regards se tournent. Un traité est négocié entre les deux puissances : si l’Angleterre envahit l’Écosse, alors la France envahira l’Angleterre, et réciproquement si la France est envahie par l’Angleterre. C’est le début de l’Auld Alliance.

La guerre d’indépendance d’Écosse s’étend jusqu’en 1328, et l’Écosse en sort victorieuse par le traité d’Édimbourg-Northampton. La France, mais aussi la papauté, apportent à de nombreuses reprises leur soutien au royaume, dans l’idée d’affaiblir l’hégémonie des Plantagenêts en Occident. Par exemple, en 1299, le roi Jean Balliol, fait prisonnier du roi d’Angleterre Edouard Ier, est libéré grâce à des pressions conjointes de Rome et de la France.

 

Affirmation de l’alliance écossaise pendant la guerre de Cent Ans

C’est ensuite pendant la guerre de Cent Ans que cette alliance s’affirme réellement. En 1332, l’armée anglaise d’Édouard III envahit de nouveau l’Écosse. Le roi écossais David II, chassé de son royaume, est dès 1334 accueilli à la cour du roi de France Philippe VI. En 1336, ce dernier fournit même une aide militaire à David II avec un objectif clair : reprendre l’Écosse aux mains des Anglais. Un an plus tard, Philippe VI confisque la Guyenne par commise à Édouard III : c’est le début de la guerre de Cent Ans. Durant cette guerre, l’Écosse prend le parti de la France. À deux reprises, l’armée écossaise cherche à envahir l’Angleterre : une fois en 1346, l’autre en 1385. Dans les deux cas, cependant, ces tentatives sont mises en échec, soit par la faiblesse de l’armée de terre écossaise face à l’armée anglaise, soit par manque de coordination entre les deux royaumes. Mais c’est surtout durant la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons de 1407 à 1435 que l’alliance s’exprime. Ce conflit interne déchire la France et oppose un parti qui s’allie avec l’Angleterre, les Bourguignons, avec un autre, les Armagnacs, qui promeut le dauphin Charles, futur Charles VII, comme candidat sur le trône de France. Les Écossais prennent ce parti, en constituant un corps d’archers pour défendre le dauphin, combattant avec lui lors de la bataille de Baugé en 1421 et de Verneuil en 1424, et participant à la libération d’Orléans aux côtés de Jeanne d’Arc en 1429.

 

Poursuite et fin de l’Auld Alliance

Cette alliance perdure ensuite après la guerre de Cent Ans, et peut même être étendue à l’histoire contemporaine. L’Écosse est un allié de la France qui intervient dans le cadre des conflits périphériques. Ainsi, pendant les guerres d’Italie de la fin du XVe et du début du XVIe siècles, l’Écosse participe à l’effort de guerre français. Pendant la quatrième guerre d’Italie, de 1508 à 1516, la France affronte Venise, qui s’allie en 1511 avec l’Angleterre. L’Écosse riposte en 1513 en rejoignant la France, et en affrontant l’Angleterre sur le territoire britannique lors de la bataille de Flooden Field, l’année même, bataille dévastatrice pour le royaume d’Écosse, et qui marque le début de la perte de souveraineté écossaise. L’influence anglaise en Écosse se renforce dès lors au cours du XVIe siècle. L’Auld Alliance en souffre. Cette influence se ressent à travers le développement du protestantisme en Écosse. Le Parlement écossais, lorsqu’il acte la conversion du royaume en 1560, scelle au même moment la fin officielle de l’alliance entre la France et l’Écosse. Cette rupture est entérinée un siècle plus tard, quand l’Angleterre et l’Écosse signent l’Acte d’union de 1707, qui unifie les deux royaumes au sein du royaume de Grande-Bretagne. Le lien franco-écossais ne meurt pas pour autant. La France, au début du XVIIIe siècle, accueille ainsi certains insurgés écossais, les jacobites, qui désirent préserver l’indépendance de l’Écosse à travers la défense de la maison des Stuart, qui cède sa place en 1714 à la dynastie des Hanovre sur le trône britannique. Par ailleurs, pendant la Première Guerre mondiale, certains évoquent l’Auld Alliance pour justifier la constitution de la Triple-Entente (alliance militaire entre la France, le Royaume-Uni et la Russie) tout en palliant le sentiment anti-anglais très présent en France.

 

L’Auld Alliance, symbole des liens privilégiés entre France et Écosse

Des liens durables entre la France et l’Écosse

Même si l’alliance franco-écossaise est avant tout diplomatique et militaire, il n’en demeure pas moins vrai que celle-ci a eu des impacts culturels, symboliques, économiques, politiques et même démographiques très importants, qui ont participé à façonner les imaginaires nationaux des deux pays, et qui, parfois, continuent aujourd’hui.

La caractéristique la plus étonnante de cette alliance est son caractère démographique. De nombreux échanges de population ont eu lieu entre les deux royaumes. Pendant la guerre de Cent Ans, les soldats écossais au service des Armagnacs restent parfois pour s’installer en France. C’est le cas du chevalier Thomas de Huston, qui fait partie des principaux libérateurs de Meaux lors de la dernière phase de la guerre en 1439, et à qui le roi Charles VII donne la châtellenie de Gournay en Île-de-France.

Ces liens sont renforcés au début du XVIe siècle, lorsqu’en 1513, par lettres de naturalité, le roi de France Louis XII accorde aux corps d’archer écossais en France la naturalisation française, c’est-à-dire qu’ils deviennent des sujets du roi de France avec les même droits que les autres. En 1558, la régente d’Écosse Marie de Guise accorde la réciproque à tous les sujets du roi de France résidant sur le territoire écossais. Cet état de fait perdure même après l’Acte d’union de 1707. Des accords existent jusqu’en 1906 : ainsi, n’importe quel citoyen français résidant en Écosse peut demander la nationalité britannique, et vice-versa.

Écosse et France cultivent ainsi des liens privilégiés. Sur le plan économique, des tarifs préférentiels sont établis entre les deux royaumes, et la coopération devient même politique, surtout lorsqu’il s’agit de lutter contre l’Angleterre. Depuis qu’en 1997, l’Écosse est dotée à nouveau d’un Parlement et d’un gouvernement autonomes, ces liens séculaires sont de nouveau renforcés. En 2014, les ministères de l’Éducation nationale français et écossais signent par exemple un accord invitant à des échanges scolaires, notamment au niveau du personnel enseignant, entre les deux nations.

Une reine écossaise de France : Marie Stuart

Cette coopération politique est poussée à un tel degré qu’une Écossaise a même régné au XVIe siècle sur le royaume de France. Il s’agit de Marie Stuart. Née en 1542, à une période où l’Écosse se voit progressivement soumettre par l’Angleterre, elle est transférée en France à six ans, en 1548, pour être protégée, en sa qualité de reine d’Écosse, de l’armée anglaise. Le roi de France Henri II conclut alors un accord marital avec sa mère, Marie de Guise : la jeune Marie Stuart sera mariée avec le dauphin François, futur François II. Le mariage a lieu en 1558, et François II commence à régner un an plus tard, en 1559. François II et Marie Stuart sont alors tous deux reine et roi de France et d’Écosse. Néanmoins, ce dernier ne peut pas régner plus de deux ans. Compte tenu de sa santé fragile, il décède en 1560, laissant Marie veuve. Ce très court règne est éminemment symbolique, puisque c’est en 1560 que l’Auld Alliance est officiellement close par la conversion de l’Écosse au protestantisme. Marie Stuart devient veuve et perd son statut de reine de France.

Une alliance en redevenir ? 

En 1603, la maison des Stuart commence à régner en Angleterre en la personne de Jacques Ier (Jacques VI en Écosse). Les intérêts écossais et anglais se confondant, l’alliance semble terminée. Pourtant, des éléments comme le destin tragique de Marie Stuart donne vie à un véritable mythe franco-écossais. Il contribue à donner une teinte pro-française au sentiment national écossais. Dès le Moyen Âge, la littérature écossaise traite avec beaucoup d’importance l’Auld Alliance. Au XIVe siècle, Jean de Fordun lui invente une origine mythologique remontant au haut Moyen Âge. À ses yeux, c’est dans les années 780 et 790, lors du règne du roi d’Écosse légendaire Achaius, que des relations privilégiées s’instaurent entre le royaume d’Écosse et le royaume franc de Charlemagne Mais c’est surtout grâce à l’Union européenne et à la politique de devolution britannique (création de gouvernement et de parlement nationaux autonomes pour les nations constitutives du Royaume-Uni) que des rapprochements entre la France et l’Écosse ont de nouveau lieu. Les recherches historiques à ce sujet reprennent, au point que l’historienne britannique Siobhan Talbott ne tienne en 2011 la thèse selon laquelle l’Auld Alliance n’avait en fait… jamais été abolie !

 

Conclusion

Si l’Auld Alliance prend fin devant l’unification de l’Angleterre et de l’Écosse, les liens particuliers entre ce dernier pays et la France survivent. Ils constituent même une part notable des sentiments nationaux des deux nations. Dans le cadre du Brexit, et alors que la sécession de l’Écosse est parfois sérieusement envisagée, les mémoires de l’Auld Alliance sont de plus en plus sujettes à débats et à controverses. Certaines personnalités politique du Parti national écossais défendent même la présence de l’Écosse au sein de l’Union européenne comme une garantie que la coopération entre les deux nations dure, et permette de poursuivre cette alliance maintenant devenue romantique.

 

Bibliographie

  • BOVE Boris, Le temps de la guerre de Cent Ans, 1328 — 1453, Belin, 2009, Paris
  • Talbott SM. 2012. ‘The Auld Alliance: Still in Vigour?’
  • Talbott SM. 2010. An Alliance Ended? Franco-Scottish Commercial Relations, 1560-1713.
  • DUCHEIN Michel, Histoire de l’Écosse, des origines à 2013, Talandier, 2013, Paris