La personnification est une figure de style par laquelle on prête des qualités humaines à une chose, une idée ou un animal. La personnification est le produit d’une comparaison ou d’une métaphore. La possibilité de produire une personnification par métonymie est contestée. Exemple :
- La mer perfide hululait doucement : ses molles lèvres vertes baisaient sans relâche à féroces baisers, la dure mâchoire des roches. Il essaya de se dresser : ses jambes, des algues ! Ses bras, des fumées d’embruns ! Il ne commandait plus qu’à ses paupières et, elles étaient ouvertes sur la désolation du ciel ! Il ferma les yeux. Le désespoir se mit à lui manger le foie. (Giono, Naissance de l’Odyssée)
Cet exemple contient trois personnifications :
- La mer, à qui Giono attribut un défaut humain (« perfide »), le comportement d’un être humain par des verbes (« hululait » peut être aussi une animalisation, car on l’emploie surtout pour les rapaces nocturnes, et « baisaient »), ainsi que des « molles lèvres vertes ».
- Les roches, qui ont une « dure mâchoire ».
- Le désespoir, qui mange le foie d’Ulysse.
Autre exemple : « Le mistral était en colère, et les éclats de sa grande voix m’ont tenu éveillé jusqu’au matin. » (Daudet, Lettres de mon moulin, Le phare des Sanguinaires). Dans cet exemple, le mistral est personnifié en homme en colère.
Une figure d’analogie
La personnification est une analogie (elle établit un rapport de ressemblance entre deux éléments), en ce qu’elle permet de donner des qualités humaines à des éléments qui n’en ont naturellement pas.Par là, elle surprend voire inquiète par son caractère presque fantastique. Elle peut aussi agrémenter un discours, ou susciter un sentiment de familiarité du lecteur avec ce qui est décrit.
Personnification et allégorie
La personnification peut fonctionner comme une allégorie, c’est-à-dire une représentation imagée, métaphorique de quelque chose. Par exemple, chez La Fontaine, les animaux forment une société dont les individus ont des rôles identiques à ceux des sociétés humaines : le lion est le roi, l’âne est le paysan humble, le loup est le courtisan ambitieux, etc.
Une Grenouille vit un Bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s’étend, et s’enfle, et se travaille
Pour égaler l’animal en grosseur,
Disant : « Regardez bien, ma sœur,
Est-ce assez ? dites-moi : n’y suis-je point encore ?
— Nenni. — M’y voici donc ? — Point du tout. — M’y voilà ?
— Vous n’en approchez point. » La chétive pécore
S’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout Bourgeois veut bâtir comme les grands Seigneurs,
Tout petit Prince a des Ambassadeurs,
Tout Marquis veut avoir des Pages.La Fontaine, Fables, La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf
Dans cette fable, la grenouille personnifiée est l’allégorie de l’ambition démesurée.
Un procédé courant de personnification est la divinisation ou le mythologisme : l’amour devient muse, la guerre devient diable ou Satan. Exemple : « Dès que Théthis chassait Phébus aux crins dorés. » (La Fontaine, La Vieille et les deux servantes). Théhis est la déesse de la mer, Phébus (Apollon) est le dieu du jour. Le Soleil, quand il se lève, est comme chassé des mers pour s’élever dans le ciel.
Ces heures dérobées à l’étude, mais vouées dans le fond au culte inconscient de trois ou quatre déités incontestables : la Mer, le Ciel, le Soleil.
Paul Valéry, Variété III, IV
Les marques de la personnification
➢ S’adresser à un élément, par le procédé de l’apostrophe par exemple.
- Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
[…] (Lamartine, Méditations poétiques, Le Lac)
➢ Faire parler un élément, par une prosopopée par exemple, c’est-à-dire en faisant parler ce qui ne peut pas ou ne peut plus parler. Platon fait ainsi parler les lois dans le Criton.
➢ Mettre une majuscule à l’élément. Attention, ce n’est pas un signe incontestable de personnification. Par exemple, dans : « L’Idéal, c’est la Famille, c’est la Patrie, c’est l’Art » (Queneau, Le Chiendent), il n’y a pas personnification. On peut aussi personnifier sans mettre de majuscule.
➢ Mettre l’élément à la place du sujet auquel se rapporte un verbe réservé aux humains. Par exemple : la rivière chante. Ce n’est pas non plus un signe systématique de personnification.
Personnification : étymologie
Personnification est dérivé du latin persona, qui signifie « masque (de l’acteur) ».
Personnification : exemples
Le Pot de fer proposa
Au Pot de terre un voyage.
Celui-ci s’en excusa,
Disant qu’il ferait que sage
De garder le coin du feu ;La Fontaine, Fables, Le Pot de terre et le pot de fer
Avec quelle rigueur, destin, tu me poursuis !
Je ne sais où je vais, je ne sais où je suis.Racine, Phèdre, IV, 2, Thésée
L’enfance a des manières de voir, de penser, de sentir qui lui sont propres ; rien n’est moins sensé que d’y vouloir substituer les nôtres.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse
J’en doute : ces flots, ces vents, cette solitude qui furent mes premiers maîtres […]
Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe
Vivez, froide Nature, et revivez sans cesse
Sur nos pieds, sur nos fronts, puisque c’est votre loi ;
Vivez, et dédaignez, si vous êtes déesse,
L’homme, humble passager, qui dut vous être un roi ;
Plus que tout votre règne et que ses splendeurs vaines,
J’aime la majesté des souffrances humaines ;
Vous ne recevrez pas un cri d’amour de moi.Vigny, La maison du berger
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
[…]Baudelaire, Fleurs du mal, L’invitation au voyage
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
À une passante
L’ennui, araignée silencieuse, filait sa toile dans l’ombre.
Flaubert, Madame Bovary
Les crachats rouges de la mitraille
Rimbaud, Le Mal
Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. − Et je l’ai trouvée amère. − Et je l’ai injuriée.
Rimbaud, Une saison en enfer, Prologue
Les horloges
Volontaires et vigilantesÉmile Verhaeren, Les horloges
Oh ! Oui, darling, nous vivons dans l’attente de ce que Demain, Demain, roi du pays des fées, apportera dans son manteau noir ou bleu […]
Anatole France, Le Lys rouge
Les arbres font le gros dos sous la pluie
Jules Renard, Journal
L’Habitude venait me prendre dans ses bras et me portait jusque dans mon lit comme un petit enfant.
Proust, Du côté de chez Swann
Dans la brume tiède d’une haleine de jeune fille, j’ai pris place
Michaux, L’Espace du dedans, La jeune fille de Budapest
➢ Ici, « subjectification » : le narrateur est introduit à l’intérieur d’une idée ou d’un objet, il devient son sujet.
Le soleil aussi attendait Chloé, mais lui pouvait s’amuser à faire des ombres.
Boris Vian, L’Écume des jours
➢ Ici, il y a personnification sans majuscule (le Soleil avec une majuscule désigne l’astre, dans le textes scientifiques).
La mort personnifiée
Un mourant qui comptait plus de cent ans de vie,
Se plaignait à la Mort que précipitamment
Elle le contraignait de partir tout à l’heure,
Sans qu’il eût fait son testament,
Sans l’avertir au moins. Est-il juste qu’on meure
Au pied levé ? dit-il : attendez quelque peu.
Ma femme ne veut pas que je parte sans elle ;
Il me reste à pourvoir un arrière-neveu ;
Souffrez qu’à mon logis j’ajoute encore une aile.
Que vous êtes pressante, ô Déesse cruelle !
– Vieillard, lui dit la mort, je ne t’ai point surpris ;
Tu te plains sans raison de mon impatience.
Eh n’as-tu pas cent ans ? trouve-moi dans Paris
Deux mortels aussi vieux, trouve-m’en dix en France.
Je devais, ce dis-tu, te donner quelque avis
Qui te disposât à la chose :
[…]La Fontaine, Fables, La Mort et le Mourant
Bonjour , est ce que la personnification marche aussi pour » je ne puis perdre mon désespoir. » Jules Verne Voyage au centre de la terre ?