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L’Arabie Saoudite : bientôt l’effondrement ?

Publié le 09/10/2016 (m.à.j* le 15/01/2019)
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Dans un article publié sur le magazine en ligne Defense One, Sarah Chayes, associée à la fondation Carnegie et Alex de Waal, chercheur à l’université Tufts, plaident pour une révision de l’alliance liant les États-Unis à l’Arabie Saoudite et préviennent :

« l’Arabie Saoudite n’est pas un État, mais une organisation criminelle si corrompue que le monde devrait se préparer à sa chute. »

 

Le pacte du Quincy : les États-Unis pactisent avec le diable


Pacte du quincy
Le président Roosevelt en compagnie de Abdelaziz Al Saoud et de William Leahy sur le Quincy | Wikimédia Commons

Depuis le pacte du Quincy, scellé en 1945, les États-Unis assurent la sécurité de l’Arabie Saoudite en échange d’un accès au pétrole du royaume.

Cette alliance n’a pas été profondément remise en question par les États-Unis, malgré les nombreuses dérives du royaume saoudien.

En plus d’une pratique tout à fait autocratique du pouvoir,  les monarques saoudiens n’ont jamais cessé, afin de préserver la paix civile, de promouvoir une interprétation ultra-rigoriste de l’islam, le wahhabisme.

À partir des années 1970, profitant de l’énorme manne financière des pétrodollars, l’Arabie Saoudite commence à exporter le wahhabisme partout dans le monde musulman, favorisant l’émergence de mouvements extrémistes, voire jihadistes.

Indice des errements du royaume, le 11 septembre 2001, 15 membres du commando terroriste étaient saoudiens.

 

 

L’Arabie Saoudite n’est pas un État


obama arabie saoudite
Barack Obama et le roi Abdallah d’Arabie Saoudite, le 6 juin 2014 | Wikimédia Commons

Les Américains sont persuadés que les énormes réserves de cash de l’Arabie Saoudite mettent le pays à l’abri de l’instabilité qui caractérise de nombreux pays voisins. 

Pour les auteurs, cette vision est trompeuse. Le royaume ne peut pas survivre sur la longue durée.

Ce n’est pas un État « normal » ou, pour le moins, un État « sain ».

Le roi de l’Arabie Saoudite peut être vu comme le dirigeant d’une entreprise familiale qui utilise l’argent du pétrole pour acheter la loyauté des élites et du peuple

Pour ce faire, deux manières : arroser les nombreux rejetons de la famille royale d’argent frais, et acquérir les faveurs du peuple d’en bas par des subventions et des emplois de fonctionnaire.

Il faut bien sûr compter sur la terrible répression exercée par les puissants services de sécurité du royaume, brutaux et équipés avec du matériel américain.

raif badawi
Le blogger Raid Badawi, accusé d’apostasie et d’insulte à l’islam, est emprisonné depuis juin 2012. Il a été condamné à 1 000 coups de fouet et 10 années de prison. | Wikimédia Commons

Mais le prix de cette loyauté politique est de plus en plus élevé. À son arrivée au pouvoir en 2015, le roi Salman a mobilisé 32 milliards de dollars pour acheter la loyauté des notables. Le montant est impressionnant. Si le prix de la stabilité ne cesse de grimper, la monarchie risque tout simplement d’imploser. Mais c’est loin d’être le seul facteur d’inquiétude pour le royaume.

L’Arabie Saoudite, une mafia ?


roi salman arabie saoudite
Le roi Salman | Wikimédia Commons

On peut voir l’Arabie Saoudite comme une entreprise familiale au très mauvais business plan. On peut aussi voir ce régime comme une gigantesque mafia.

Alors que la population demande des comptes à son élite dirigeante, celle-ci continue à considérer l’argent public comme son patrimoine privé. Au lieu de profiter à la population, des quantités astronomiques de cash sortent du pays pour des investissements secrets ou pour l’achat de produits de luxe. 

Pourtant, les citoyens saoudiens tendent à se considerer de plus en plus comme des citoyens à part entière et non plus comme des sujets soumis. La monarchie craint plus que tout l’émergence d’un mouvement contestataire au sein de son royaume dans la vague du Printemps arabe, comme en Tunisie, en Égypte et en Syrie.

 

 

Des menaces sérieuses qui peuvent mener à l’effondrement


arabie saoudite mecque 1979
En 1979, la monarchie connait déjà une crise de légitimité. En octobre de cette année, la mosquée Al-Masjid al-Haram, à La Mecque a été prise d’assaut par des par des fondamentalistes islamistes et opposants à la famille royale. | Wikimédia Commons

La minorité chiite, marginalisée, est pour l’instant celle qui formule le plus clairement ses demandes de réformes.

Mais la majorité sunnite, éduquée et ouverte au monde, ne se contentera sûrement pas de vivre encore sur des subventions accordées par des gérontocrates.

Les islamistes, bercés par le wahhabisme officiel, menacent aussi. Pendant des décennies, les Saoudiens ont exporté leurs dissidents comme Oussamma Ben Laden pour éviter tout risque de subversion à l’intérieur du royaume. Par la même, ils favorisaient l’émergence d’un mouvement islamiste et extrémiste dans le monde musulman.

Dangereuse pour le monde, cette stratégie est aussi dangereuse pour eux : les dissidents ainsi éloignés ne perdent pas toute influence. La critique de la corruption de la famille royale par Ben Laden a résonné dans l’esprit de nombreux Arabes.

Enfin, le risque existe de voir de nombreux travailleurs immigrés, sans droits, se révolter contre les maîtres qui les réduisent en quasi-esclavage.

 

Trois scénarios pour une catastrophe : l’effondrement de l’Arabie Saoudite

Un premier scénario verrait l’émergence d’une lutte de faction au sein même de la famille. Des clans écartés du pouvoir ne se contenteraient plus de renoncer au pouvoir contre des faveurs financières. 

Un second scénario verrait l’Arabie Saoudite perdre son duel régional avec l’Iran : les deux rivaux s’affrontent déjà en Syrie et au Yémen. Si l’Arabie Saoudite perd face à l’Iran son statut de champion du monde sunnite, la légitimité de ceux qui la gouvernent pourrait s’effondrer par là même. 

Un troisième scénario : une insurrection, non-violente ou jihadiste. Les dirigeants saoudiens inondent les oulémas sunnites de privilèges pour acheter leur fidélité. Mais des monarques corrompus sont-ils si légitimes à gouverner l’Arabie sacrée ? 

Bref, selon les auteurs, il est temps de réévaluer une vieille politique de coopération avec un État qui n’a aucune base solide pour perdurer.