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Baragouin (baragouiner) : définition et origine

Publié le 19/12/2019
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Définition

Baragouin signifielangage incompréhensible, car mal prononcé ou trop jargonnant, ou alors langue étrangère que l’on ne comprend pas. « Baragouiner », c’est mal parler une langue étrangère ou s’exprimer dans une langue incompréhensible.

 

Quelle est l’origine de baragouin ? Étymologie

Il n’y a aucune certitude sur l’origine du terme. L’étymologie qui a le plus de faveur la fait dériver des mots bretons bara, « pain », et gwin, « vin ».

C’est la première l’hypothèse de Gilles Ménage (1613 – 1692), dans son Dictionnaire étymologique de la langue française (1694), avant de changer d’avis pour le faire dériver de la forme latin de « barbare » (étranger pour les Grecs et les Romains, et par extension, personne rustre, impolie). Il est d’ailleurs critiqué dans son revirement par les continuateurs de son dictionnaire, et aussi par le Dictionnaire de Trévoux (1704), qui ne doute pas de l’origine bas-breton du terme. Le Littré (1863) se prononce lui aussi en faveur de cette hypothèse de l’origine bretonne :

Bas-breton, bara, pain, et gwîn, vin ; mots que les Français entendaient souvent dans la bouche des Bretons, et qui leur servirent à désigner un langage inintelligible.

C’est toujours l’hypothèse favorisée par le Dictionnaire historique de la langue française (Robert). Le terme aurait pu servir de sobriquet xénophobe aux Bretons

Le terme est ancien. Il a d’abord le sens de « personne qui parle mal, de manière peu intelligible ». On le trouve dans une lettre de grâce de 1391, dans un sens xénophobe et religieux (opposé à christian [chrétien] et à François [français]), désignant l’étranger qui parle mal, analogue au barbare des Grecs et Romains

En la ville d’Ingré, près d’Orléans…, certains couvreurs jetterent des pierres et du mortier audit Jehan et l’appellerent sanglant barragouin, et tant que icellui jour sur le tart ledit Jehan, qui avoit beu du vin et du moust, courroucié des injures, leur dist : « beaux seigneurs, je ne suis point barragouin, mais aussi bon christian, d’aussi bonnes gens et aussi bons François que vous estes. » Lesquels couvreurs derechef lui dirent : « va t’en, barragouin ! »

Il désigne une langue étrangère dans une farce du XVe siècle, l’arabe en l’occurrence, sous la forme « barragonoys » : 

Mon père, j’ay ung prisonnier
Que j’ay attrapé en chemin.
Je croy que c’est ung Sarrazin ;
Car il parle barragonoys.

Par métonymie, il devient langue inintelligible, sens que l’on retrouve chez Rabelais (1494 – 1553), dit par Pantagruel à un Allemand qui lui parle dans sa langue :

Mon amy, ie n’entens poinct ce barragouin

On le trouve dans le vocabulaire de Molière (1622 – 1673), ici dit par Gorgibus qui se moque de Cathos, une « précieuse ridicule »

Je pense qu’elles sont folles toutes deux, et je ne puis rien comprendre à ce baragouin.

Les Précieuses ridicules (1659), 6

Dans son article sur la langage de Rabelais, Lazare Sainéan (1859 – 1934) le fait cependant dériver du patois du centre de la France (bargouin dans l’Yonne, bargouin dans le Rhône, bergouner dans le Poitou, etc.) à partir d’une origine provençale, bargouneja, « jargonner, jaser », dérivé de barg, barga, « broyer le chanvre » et « bavarder ». Cet argot aurait pénétré ensuite en Italie (baracundia, baronda en Toscane, « confusion, désordre »), en Espagne (barúnda, « grande confusion ») puis au Portugal (barafunda, marafunda, « cohue, grand bruit »). Mais selon le Dictionnaire étymologique de Wartburg (1967), l’italien baraonda, déformé en baracundia, est un mot du XIXe siècle, emprunté à l’espagnol barahúnda, « désordre », sur l’origine duquel il n’y a aucune certitude. Une autre hypothèse le fait dériver du latin Berecyntia, nom de Cybèle, mère des dieux, célébrée par un culte orgiastique. On peut néanmoins se demander pourquoi le mot aurait survécu. On peut enfin supposer que « baragouin » pourrait être une simple onomatopée (mot dont la prononciation imite le son de ce à quoi il renvoie), comme le mot barbare, d’origine grecque (barbaros), qui imitait la sonorité des langues des peuples étrangers.