On écrit : «
en suspens ». On n’écrit pas « en
suspend ». Le terme « suspens »
trouve son origine dans le droit canonique.
Il permet de désigner un ecclésiastique suspendu de ses
fonctions. On disait donc « un prêtre
suspens ». La mesure était elle-même nommée la
« suspense » (homophone du suspense, « le sentiment d’attente angoissé », ressenti devant
un film par exemple). Ce
terme est aujourd’hui utilisé dans la locution adverbiale
« en suspens », qui signifie « dans
l’incertitude », « dans l’indécision », « dans l’attente », « qui
est momentanément interrompu ». C’est le seul cas dans lequel ce
terme est usité de nos jours. Cette locution permet aussi de parler
d’une chose interrompue. Cette
forme vient du latin suspensus («
suspendu », « subordonné à », « incertain, indécis ») participe passé de suspendere («
suspendre, tenir en l’air ») (voir TLFi)
employé dans in suspenso («en sursis », «
en attente »), duquel « en suspens » est tiré. La locution en question ici
n’est donc pas issue directement du verbe « suspendre »,
mais d’un participe passé de suspendre en latin. De là l’absence de
« d » final. Exemples :
- Émeline, qui semblait tout à fait troublée par ce qu’il venait de se passer, a laissé sa phrase en suspens. Nous avons insisté pour qu’elle la termine.
- Le tribunal n’a pas rendu son jugement. L’affaire est toujours en suspens et les parties désespèrent de la voir prendre fin un jour.
- Ils avaient commencé à nettoyer leur jardin, mais la trop forte chaleur les a contraint à laisser leur travail en suspens.
- Du moment où le cardinal était entré, Gringoire n’avait cessé de s’agiter pour le salut de son prologue. Il avait d’abord enjoint aux acteurs, restés en suspens, de continuer et de hausser la voix. (Hugo, Notre-Dame de Paris)
- […] et, au moindre bruit des passions publiques qui pénètrent au milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s’éveillent et s’inquiètent ; pendant longtemps la peur de l’anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre. (Tocqueville, De la démocratie en Amérique)
- (Inès éclate de rire.) Oh ! c’était une simple défaillance corporelle. Je n’en ai pas honte. Seulement tout est resté en suspens pour toujours. (À Estelle) Viens là, toi. Regarde-moi. J’ai besoin que quelqu’un me regarde pendant qu’ils parlent de moi sur terre. J’aime les yeux verts. (Sartre, Huis Clos, 5)
À lire ici en cliquant ici : quelle différence entre « suspens » et « suspense » ?
Bonjour,
Je me permets de relever une petite erreur sur l’exemple « Émeline, qui semblait tout à fait troublée parce qu’il venait de se passer, a laissé sa phrase en suspens. »
En effet, il me semble plus correct de formuler « par ce qu’il » plutôt que « parce qu’il ».
Dans tous les cas, je vous remercie pour vos articles.
Merci !
On va donc attendre que de nouveaux grammairiens plus intelligents que leurs prédécesseurs prennent lune autre position…
Autrement dit, laissons le sujet en suspend (ou suspens ?)
Je serais curieux de savoir par ailleurs ce que les profs enseignent aujourd’hui aux enfants (à moins que pour eux l’orthographe n’ait plus de valeur).
Pas vraiment compliqué de savoir de quoi il en retourne. Voici la recette évidente : poser congés et retourner à l’école pour voir 🙂
Des fois ce sont les grammairiens qui changent de cap et ce sont eux qui corrigent et rectifient les expressions mal construites aux cours des siècles passés, alors ce n’est pas la peine d’imputer toute la responsabilité aux profs..Amicalement
Par ailleurs, la locution « des fois » n’existe pas. On préfèrera « parfois » … 😉
Il y a les profs, mais il y a d’abord les parents !
Amicalement
Pas très sympathique comme remarque !
Concernant les parents, ils font souvent ce qu’ils peuvent. L’école est là pour corriger les inégalités de revenus, d’éducation et de savoir des familles. Il y a donc d’abord les profs — c’est leur métier —, puis les parents… Pour ce qui est de l’orthographe et de la grammaire en tout cas.
Pour la gentillesse et la courtoisie, c’est effectivement plus du ressort des parents…
Sauf que les « profs » ont parfois des lacunes du fait d’une formation insuffisante.
Et il arrive que les parents soient plus compétents que les profs.
Bizarre. Tout au long de ma scolarité, mes profs de français ont sanctionné l’orthographe « en suspens » en expliquant qu’il fallait écrire « en suspend » car il s’agit d’une action dont avait suspendu le cours.
Mes profs avaient-ils tous tort ?
Oui.
Voilà ce qui est écrit sur un autre site qui explique apparemment l’origine du pourquoi « s » et pas « d » 🙂
« En suspens
Exemple : ‘’La question reste en suspens.’’
La locution adverbiale « en suspens » s’écrit avec un « s » à la fin, car elle fait référence à la notion d’incertitude qui se dit « suspensus » en latin (= incertain). Cette erreur est un classique dans la mesure où de nombreuses personnes imaginent qu’elle est issue du verbe « suspendre ». »